Miou-Miou, Camille Cottin et Camille Chamoux forment une famille crédible dans le film d’Eloïse Lang, « une vraie comédie populaire ».
« Larguées », elles le sont toutes les trois, les deux filles et leur mère, personnages du film d’Eloïse Lang (sortie le 18 avril), jouées par Miou-Miou, Camille Cottin et Camille Chamoux. Larguée, la mère (Miou-Miou), par son mari, parti faire un enfant à une petite jeune, et donc dépressive grave. « J’ai aimé beaucoup la première période du film, de dépression agressive, elle se vautre dedans comme dans un édredon », confie Miou-Miou.
Larguée, Rose (Camille Cottin), au comportement d’ado attardée et immature. Larguée, Alice (Camille Chamoux), mère de famille parfaite, bien trop parfaite. Pour lui faire oublier ses malheurs et fêter ses 60 ans, les deux sœurs lancent une « Opération sauver maman » : des vacances ensemble dans un club à La Réunion. Sur place, elle tire au fusil sur une photo du mari infidèle, se jette dans les bras du séduisant barman (l’acteur belge Johan Heldenbergh), et c’est vrai que tout ça fait du bien.
« Rire, c’est vraiment mon but dans la vie »
Si la famille rend les gens chiants ou heureux, la réalisatrice a fait le choix du bonheur : « J’ai piqué beaucoup de choses à ma maman, à qui j’ai dédié le film, on est très famille », confie Eloïse Lang. Adaptation d’un film danois (« All inclusive » d’Hella Joof), « Larguées » est une comédie aux dialogues bien écrits et au casting bien vu, à laquelle le Public du Festival de l’Alpe d’Huez a donné son Prix.
« J’ai grandi avec beaucoup de comédies, j’adorais Louis de Funès, les comédies anglaises qui mélangent le grave et le léger, j’ai un côté très optimiste, rire, c’est vraiment mon but dans la vie », assure la réalisatrice, qui avait imaginé avec Noémie Saglio une mini-série pour Canal+, « Connasse », dans laquelle Camille Cottin osait tout, et surtout le pire. « J’ai appris à réaliser en faisant les soixante-dix épisodes de Connasse », assure Eloïse Lang, qui a ensuite transposé sa Parisienne gonflée au cinéma dans « Connasse, Princesse des cœurs » (co-réalisé avec Noémie Saglio).
« Une actrice libre, qui n’a pas froid aux yeux »
Dans« Larguées », on croit facilement au lien familial entre les trois actrices, les deux Camille pour sœurs (« C’était une sacrée bonne idée, il y avait une évidence », estime Camille Chamoux) et Miou-Miou pour mère. « C’est une icône, il y a une filiation », dit Eloïse Lang, « Miou-Miou représentait une actrice libre, qui n’a pas froid aux yeux, et surtout hors du système dans la vie, c’est une actrice qui est restée très simple, Maman est une fan absolue, de son intelligence, de sa classe, de sa pétillance ».
« C’est une référence Miou-Miou, elle a une qualité d’émotion extrêmement rare, on a envie de la regarder ; c’est quelqu’un d’extrêmement libre, rien ne lui fait peur, et elle est très drôle, elle est profondément rock’n roll », assure Camille Chamoux, qui incarne la frangine coincée, psychorigide, grande organisatrice. « C’est très féminin, ces femmes qui veulent absolument faire le bonheur des autres, malgré eux, et qui finissent par se sentir superwoman et indispensables. Je trouve ça intéressant de faire quelque chose qui soit éloigné de moi, alors que je m’auto-interprète sur scène », précise l’actrice, « Née sous Giscard » (titre de son spectacle).
« C’est rare que trois personnages féminins principaux soient les héroïnes d’un film, des femmes qui ne sont pas qu’une fonction, elles sont complexes, riches », ajoute Camille Chamoux, « Cette comédie défend des choses assez profondes, avec des personnages féminins qui parlent de sexualité, et il y a tous les éléments pour faire rire les gosses, les femmes, les hommes, c’est une vraie comédie populaire ».
P.T.
« Larguées », un film d’Eloïse Lang, avec Miou-Miou, Camille Cottin et Camille Chamoux (sortie le 18 avril).
Miou-Miou : « J’ai un goût pour les aventures »
Est-ce que ce qui vous a plu avant tout dans « Larguées », c’est la liberté de ton, notamment féminin ?
Miou-Miou : Pas que féminin, la liberté de ton. Je me suis aperçue en lisant le scénario et en voyant le film, que je pratiquais une autocensure inconsciente, si j’avais fait un film je n’aurais pas mis de la drogue, des clopes, du rhum, de la baise… Des trucs comme ça d’une façon tout fait libre et naturelle. Donc, ça m’a fait du bien, je pratiquais une autocensure inhérente à l’époque je pense, inhérente à toutes les réactions d’une violence incroyable, aux interdictions, aux choses procédurières, comme nous tous. De voir avec quelle fluidité Eloïse Lang a mis ça dans le film, j’ai trouvé ça absolument inouï, je ne me serai pas autorisé ça.
Vous pensez que l’autocensure est générale aujourd’hui ?
Je n’ai jamais compris la déferlante de haine anti-mariage pour tous. Il y a une avancée des technologies absolument extraordinaire, le monde doit s’adapter, ça va vite, vite, vite, les progrès sont fulgurants, et de l’autre côté une régression, avec des guerres tribales, des guerres de religion, la vente d’esclaves… Le grand écart de l’un à l’autre me laisse sidérée.
« Juste distraire, mais c’est déjà extraordinaire »
Dans l’ensemble de votre carrière, on constate que vous avez un vrai goût pour la comédie…
Absolument, j’en ai fait plein, j’aime beaucoup, en fait j’ai un goût pour l’histoire, j’ai un goût pour les aventures. C’est encore plus perceptible au théâtre, je voudrais que les gens qui paient cher leur place, et surtout qui restent assis pendant deux heures, je voudrais qu’on les embarque dans une aventure, qu’on leur donne quelque chose. Les films c’est pareil, Eloïse c’était sa mission, et elle l’a très bien remplie. Souvent, on essaie de faire passer des petits messages dans les films, un regard, mais là avec ce qui se passe, où ça devient un peu pesant, si on a pour mission juste de distraire, mais c’est déjà extraordinaire.
Quels sont les films de votre filmographie que vous retenez comme les plus importants ?
En fait, j’adore dire en fait, en fait j’aime bien d’une façon un peu égoïste les films qui ont marché, parce que c’est un beau passeport, ça fait extrêmement plaisir. Alors, bien sûr « Les Valseuses », « La femme flic », « La dérobade », La lectrice », mais j’aime aussi « Josepha », « Nettoyage à sec », « Coup de foudre »… Tous ont une aventure spéciale, c’est vrai, mais ceux qui nous font voyager, parce que ça a plu, on sent un ego un peu rempli, on est content.
« Je n’ai pas de regrets, ça ne sert à rien »
En tant qu’actrice, comment abordez-vous les rôles de votre âge ?
Je suis installée dans la tranche 65-75 aujourd’hui, je suis assez à l’aise, je suis bien, assez définie, je vois tout ce qui a poussé, le relâchement des tissus. Il faut être à sa place, je n’ai pas de regrets, d’abord ça ne sert à rien et je ne vois pas pourquoi, j’en ai profité à fond les ballons. Forcément, avec l’âge, on a moins de ressorts dramatiques, on nous projette moins dans beaucoup de situations, donc les rôles sont moins importants bien entendu, mais celui-là était vraiment prétexte à l’histoire.
Lors du tournage de « Larguées » à La Réunion, apparemment il y a eu beaucoup de fêtes, vous en étiez ?
J’étais obligée d’y aller, mais ce que j’adore c’est quand les autres font la fête et que moi je rentre ; j’adore l’idée qu’ils font la fête, ça fait un peu maman. Je l’ai beaucoup pratiquée, la fête, mais le lendemain on ne sait pas trop, quand on a perdu ses consonnes, on a des maux de tête, des esprits vaseux, c’est trop cher payé maintenant pour moi, ça ne me dit rien, je n’ai plus envie.
Propos recueillis par Patrick TARDIT