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Diaboliser le RN ce n’est pas le combattre…

Point-de-vue. Plutôt que de jeter des anathèmes à l’encontre le Rassemblement National, l’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, en véritable démocrate, préfère le débat d’idées et le respect des choix démocratiques car il souhaite « remettre l’éthique au cœur de la vie publique ».

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

Par Christian Eckert

Maire 27 ans, Conseiller Régional 12 ans, Député 7 ans, Secrétaire d’État 4 ans et ayant exercé quelques autres responsabilités dans différentes structures intercommunales, je n’ai aujourd’hui plus aucune fonction élective. Les élections législatives de 2017 ont brutalement mis fin à ce parcours linéaire qui m’a tellement appris.

Je pense toujours que la vie politique est importante, que l’Homme est avant tout un être social et que la société où il évolue doit être structurée par des choix collectifs et démocratiques. De formation scientifique, je crois aux vertus du progrès, sait qu’il peut aussi générer des dangers et continue à transmettre avec humilité les connaissances et les expériences que j’ai eu la chance acquérir.

Des progrès essentiels

A passé 65 ans, je m’efforce de ne pas tomber dans le travers fréquent des « ex… » : celui qui consiste à systématiquement regretter le « bon vieux temps », à considérer que tout était mieux avant, qu’après eux tout va et ira de mal en pis, que les jeunes d’aujourd’hui sont nuls et réduisent à néant tout ce qu’eux-mêmes ont eu tant de mal à merveilleusement bâtir !

Pour cela, je dois me focaliser sur les éléments positifs et il y en a : le monde, malgré quelques polémiques finalement secondaires, semble en passe de juguler une pandémie d’une gravité inédite depuis longtemps. Avec encore trop d’exceptions locales, nous pourrions connaître un siècle sans conflit mondial. Les terriens, sans doute tardivement et encore trop modestement, prennent en compte les risques environnementaux qui menacent leur planète aux ressources limitées. Autant de progrès essentiels – on pourrait même dire vitaux – dont nous devons nous réjouir, tous pays confondus et toutes générations mélangées, avec l’ambition de les poursuivre et les amplifier.

Et pourtant…

Il faut aussi dénoncer l’appauvrissement de notre vie publique, politique voire intellectuelle. Je me garderai bien d’en désigner les plus responsables : on cite fréquemment les élus, les hauts fonctionnaires, les réseaux sociaux, les journalistes et les médias. Mais après tout, notre « performance » collective n’est que la somme de nos actes individuels, chacun en ses grades et qualités.

Les signes d’une dérive sont malheureusement nombreux : les phrases débridées, violentes et provocatrices des gouvernants à tous les niveaux, les hauts lieux de la République transformés en studio d’enregistrement de concours d’anecdotes, les difficultés d’une justice que certains voudraient résoudre en supprimant son indépendance et plus récemment la gifle reçue par un Président qui annonce bizarrement une nouvelle fois vouloir prendre le pouls des Français…

La progression du Rassemblement National en est bien sûr le symbole. Ayant à peu près réussi à se « dédiaboliser », celui-ci est aussi parvenu à incarner le refus des pouvoirs en place. Plus grave, les digues se fissurent et nombre d’élus de droite sautent ou s’apprêtent à sauter le pas. Beaucoup d’acteurs publics – y compris à gauche – utilisent de plus en plus la même outrance verbale que les frontistes.

Rassembler plutôt qu’opposer

Il est crétin d’affirmer qu’un succès du RN serait « une marque satanique ». Dans l’Histoire, on qualifiait souvent de satanique ce que l’on n’arrivait pas à expliquer et qu’il fallait éliminer sans réfléchir. Le propre de l’Homme est pourtant sa capacité à réfléchir. Retrouver la dignité des propos, rassembler les communautés humaines sur des projets communs plutôt que de les opposer, oser débattre des idées plutôt que de les promouvoir par la communication, respecter les choix démocratiques et remettre l’éthique au cœur de la vie publique.

Notre pays et le monde ont d’innombrables choix à faire : le partage des richesses produites, l’avenir de la protection sociale en particulier de la santé, le vieillissement de la population et la prise en compte de la dépendance, le renouvellement des sources d’énergie, les difficultés de peuples à se nourrir et à vivre chez eux, la fréquence des échanges mondiaux et le nomadisme industriel, la violence et l’intolérance des pratiques religieuses…

Parlons de cela, disputons-nous, confrontons nos idées… Et oublions d’invoquer SATAN. C’est quand même très léger pour combattre un parti porteur des valeurs les plus sombres de notre histoire.

Faute de quoi, la gifle que minimise le Président pourrait se transformer en une grosse claque électorale.

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