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Pôle Emploi met en difficulté des milliers d’artistes

Les intermittents du spectacle connaissent des difficultés pas seulement à cause de la crise sanitaires, mais en raison de la décision de Pôle Emploi de retirer l’habilitation employeur à la coopérative SMART. Explications.

touche pas à ma coop
touche pas à ma coop (photo Serge Guichard)

Ils sont musiciens, chanteurs, saltimbanques mais aussi journalistes, auteurs, réalisateurs… ils sont, comme d’autres, durement touchés par la crise sanitaire qui les empêche de se produire et de vendre leurs œuvres. A cette triste réalité s’ajoute une déconvenue supplémentaire pour quelque 4.000 artistes français sociétaires de la Société Mutuelle des Artistes. SMART est une entreprise coopérative solidaire sans but lucratif dont le but est de décharger les travailleurs autonomes du spectacle de la gestion administrative, juridique, comptable et financière.

Une coopérative

Créée en 2010, cette coopérative permet aux artistes et techniciens du spectacle et de l’audiovisuel de travailler de manière autonome et indépendante en les produisant, et les employant, en leur fournissant un cadre juridique, en les assurant, ainsi que leur matériel. Bref, SMART emploient les artistes et les techniciens en servant de relai entre eux et les organisateurs. Ils disposent d’une licence de producteur leur permettant d’employer des intermittents. En contrepartie, ceux-ci versent à la coopérative 8,5% de leurs factures. SMART est une communauté de plus de 100.000 membres répartis dans 9 pays d’Europe. La coopérative dispose de plusieurs bureaux dispersés sur le territoire français.

Société écran ?

Seulement voilà : Pôle Emploi n’est pas d’accord. Il reproche à SMART de jouer le rôle de société-écran, de ne pas être le véritable employeur des intermittents du spectacle. Et de se soustraire aux obligations d’employeur et de producteur.
Depuis le mois d’août 2020, quelque 4.000 sociétaires de SMART ont reçu un courrier leur indiquant la radiation du compte employeur de SMART. Concrètement, les intermittents ne peuvent plus être assurés et bénéficier des prestations chômage.
« Je suis mise en difficultés, explique Jennifer Parize qui est auteur et réalisatrice dans l’audio-visuel : Parole en Images. « J’ai reçu la lettre de Pôle emploi, comme plusieurs milliers d’artistes. Un coup de massue. Je suis dans l’impasse. »

Le GUSO

Jennifer a rejoint SMART il y a 5 ans et demi « par choix » dit-elle.  » Si j’ai choisi de rejoindre Smart, c’est parce que cette coopérative contribue à inventer un nouveau monde du travail plus humain et plus solidaire et soutient des valeurs en adéquation avec celles que nous défendons à travers nos projets audiovisuels, axés notamment sur le soin et l’amélioration de la prise en charge des patients. Smart est une coopérative qui est mon employeur et m’accompagne dans tous les opérations juridiques et financières. Cela me coûte 8,5% de mes contrats. Je trouve ça logique.Mais Pôle emploi considère que Smart n’est pas mon employeur et bloque le compte à compter du 1er octobre 2020. Pôle emploi m’oriente vers le GUSO, le Guichet unique du spectacle occasionnel qui ne concerne que le spectacle vivant. Pas l’audiovisuel. Pôle emploi n’a pas de solution à me proposer. »

Portage salarial

« Pôle emploi nous reproche : 1°) De s’interposer aux organisateurs pour déclarer les prestations des intermittents ; 2°) De n’exercer aucun contrôle ni ne donner aucune instruction aux salariés dans la réalisation de leur prestation et que notre rôle se limite à la mise à disposition d’une plateforme administrative. Ils en concluent l’absence de lien de subordination ; 3°) De n’assumer aucune responsabilité artistique, promotionnelle ou financière sur les projets réalisés. Ils en concluent que nous ne sommes pas producteurs, explique Emily Lecourtois, chargée des affaires publiques à Smart. Et donc, pour eux, « notre activité relève du portage salarial, domaine qui s’exerce de manière exclusive avec un code APE et une convention collective spécifique et nous exclut du bénéfice de l’annexe VIII au règlement d’assurance chômage. »

Une pétition

La décision de Pôle Emploi inquiète les intermittents qui sont dans l’impossibilité de travailler pour des clients ne disposant pas de la licence producteur (associations, hôpitaux, particuliers, entreprises en dehors du champ culturel…). Un recours a été déposé au tribunal administratif. Les ministres de la Culture et du Travail ont été alertés. Une lettre ouverte signée par des artistes, universitaires, professionnels de l’industrie culturelle et politiques et une pétition a été signée par plus de 8.000 personnes.

Quel texte ?

Quant à l’avocat de la Société Smart, Me Giusti du cabinet METALAW, il précise : « Cette décision n’a aucun fondement juridique car une institution publique ne peut prendre une décision, a fortiori une sanction administrative, que sur la base d’un texte précis et qui le prévoit expressément. Or le courrier de Pôle Emploi ne vise aucun texte fondant cette sanction. »
Affaire à suivre…

Nous donnerons évidemment la parole à Pôle Emploi dès que nous aurons pu joindre la personne qui accepte de donner l’avis de cet établissement public administratif (EPA).

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