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Pourquoi les médicaments anti-Alzheimer font plus de mal que de bien

François Chast, Université Paris Descartes – USPC

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Les médicaments auraient peu d’impact sur la maladie (Photo credit: opensourceway via VisualHunt / CC BY-SA)

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, vient d’annoncer, le 26 octobre sur RTL, qu’elle n’allait pas suivre la Haute autorité de santé dans sa recommandation de dérembourser les médicaments actuellement prescrits dans la maladie d’Alzheimer. Dans l’extrait du livre « Les médicaments en 100 questions » que nous publions ici, l’auteur, professeur de pharmacie, explique en quoi ces traitements, pourtant, entraînent trop d’effets indésirables au regard de leur modeste bénéfice. Et encourage plutôt à stimuler les facultés intellectuelles des patients.
Les démences du sujet âgé constituent un ensemble complexe au sein duquel on compte la maladie d’Alzheimer. Les médicaments ne peuvent apporter que des résultats modestes et parfois si peu consistants que les effets indésirables fréquemment observés ruinent l’intérêt d’une trop rare stabilisation chez les patients.

Parmi les traitements, la prévention au moyen d’une stimulation cognitive des patients par des personnes motivées – proches, animateurs sociaux ou professionnels de santé – et déployant une attitude positive, respectueuse, centrée sur la personne, semble être un élément cardinal tant chez les malades restés à peu près autonomes que chez ceux qui ont été définitivement « institutionnalisés », c’est-à-dire placés dans un établissement médicalisé. C’est un complément systématique des approches pharmacologiques, même si les améliorations sont modestes.

Peu d’impact sur l’évolution de la maladie

Les médicaments prescrits dans le traitement de la maladie d’Alzheimer sont en majorité des inhibiteurs réversibles de l’enzyme qui régule la production d’acétylcholine dans certains neurones du cerveau en cause dans les démences séniles. Ces médicaments ont vocation à « recharger » le cerveau en acétylcholine, un médiateur qui joue un rôle clé dans ces démences. Malheureusement, le donépezil (Aricept), la galantamine (Reminyl), la rivastigmine (Exelon), ont peu d’impact sur l’évolution de la maladie et la profondeur des symptômes. La mémantine (Ebixa), un antagoniste d’une autre famille de récepteurs, le N-méthyl D-aspartate, affecte la transmission nerveuse dans d’autres neurones. Sans davantage de résultats.

L’efficacité du donépezil, de la galantamine et de la rivastigmine pour le traitement des états modérés à modérément sévères, et de la mémantine dans les états modérément sévères à sévères, reste modeste. Ce sont précisément ces médicaments dont la Haute autorité de Santé (HAS) a recommandé, le 21 octobre, le déremboursement.

Des essais cliniques qui posent question

Ces médicaments ont obtenu une autorisation de mise sur le marché sur la base d’essais cliniques qui, rétrospectivement, posent question. Comme le suggérait pudiquement la HAS dès 2011 dans sa recommandation de bonne pratique sur la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : « Le traitement médicamenteux spécifique est une option dont l’instauration ou le renouvellement est laissé à l’appréciation du médecin prescripteur. Cette appréciation doit prendre en compte les préférences du patient et le rapport bénéfice/risque du traitement médicamenteux envisagé. »

Malgré le million de malades atteints par la maladie d’Alzheimer, en France, les industriels préservent difficilement un marché à bout de souffle. Plus personne ne croit vraiment à l’intérêt de ces médicaments, même si les médecins se satisfont de la rédaction d’une ordonnance et que les patients – et surtout leur entourage – sont rassurés par l’idée que « la Faculté a une réponse ». Qu’importe si cette réponse n’a que peu d’impact sur la maladie ni ne retarde l’« admission en institution ».

Ginkgo biloba, rauwolfia, dérivés de l’ergot de seigle

Dans ce contexte, tout ou presque a été proposé. Du point de vue des plantes, le fameux Ginkgo biloba (Tanakan) a eu les faveurs médicales et a distancé le rauwolfia (Iskedyl) et les dérivés de l’ergot de seigle (Hydergine) dans le traitement du « déficit pathologique cognitif et neurosensoriel ». Ces médicaments d’origine « naturelle » présentent de supposés effets vasoprotecteurs qui n’ont jamais été démontrés. Un certain nombre d’extraits, dérivés et composés, sont vendus et même pour certains remboursés, leur seul intérêt étant de laisser un peu d’espérance. Les vitamines, antioxydants et autres supplémentations sont une autre forme d’accompagnement. Mais d’efficacité thérapeutique, il n’y en a pas.

Couverture du livre, paru le 15 septembre.
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François Chast, Professeur de pharmacie, Université Paris Descartes – USPC

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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