Ana Valdes, University of Nottingham
Pour la première fois, des chercheurs ont prélevé des échantillons dans le tube digestif d’adultes en bonne santé afin de découvrir dans quelle mesure la consommation de probiotiques modifie la composition des microbes qui y vivent et des composés chimiques qu’ils produisent. Leurs travaux révèlent que les effets des probiotiques dépendent des bactéries déjà présentes dans l’intestin.
Les probiotiques sont des microbes vivants – principalement des bactéries – qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité adéquate, peuvent avoir des effets bénéfiques sur la santé. Certains aliments, comme les yaourts, en contiennent. Il peuvent aussi être pris sous forme de compléments alimentaires ou être ajoutés aux médicaments.
Pour qu’un microbe soit considéré comme un probiotique, il doit pouvoir survivre à l’environnement acide de l’estomac, et être capable d’accroître le nombre de « bonnes » bactéries vivant dans l’intestin. Les microbes probiotiques peuvent aussi croître (« former des colonies ») en se fixant aux minuscules « poils » qui existent dans les intestins. Ils ont la capacité produire des composés chimiques qui tuent les microbes responsables de maladies, tels que les virus provoquant des diarrhées, ou de produire certaines substance telles que des vitamines.
Nous savons aujourd’hui que les microbes présents dans nos intestins ont des effets conséquents sur notre santé. Ils peuvent réduire l’inflammation, nous aider à perdre du poids, et réduire le risque de diabète ou de maladie cardiaque. Nous souhaitons désormais savoir si les probiotiques participent à l’amélioration de notre santé en changeant la composition de notre microbiote.
Mieux que des analyses de selles
Jusqu’à présent, toutes les connaissances sur la façon dont les probiotiques modifient les microbes présents dans nos intestins provenaient d’analyses menées par des scientifiques sur des échantillons de selles fournies par des personnes ayant ingéré des probiotiques. Ce type d’informations ne nous dit pas si ces microbes additionnels sont capables de former des colonies et ne renseignent pas sur ce qui se passe dans le tube digestif. Pour répondre à ces questions, des scientifiques israéliens ont introduit des tubes dans le corps de plusieurs volontaires afin de prélever (par endoscopie) des échantillons dans diverses régions de leur appareil digestif (estomac, intestin grêle, colon), en vue d’analyser les bactéries présentes.
Les microbes identifiés dans les échantillons de selles ressemblent en effet davantage à ceux présents dans la partie terminale du colon qu’à ceux présents plus haut, à proximité de l’intestin grêle. Les données obtenues par les scientifiques confirment que les bactéries présentes dans les excréments ne sont pas très représentatives de l’ensemble de l’intestin.
Les chercheurs ont aussi découvert que nombre des microbes bénéfiques qui sont ingérés en tant que probiotiques ne s’attachent pas aux minuscules poils de l’intestin, et finissent dans les selles. Toutefois, les quantités de ces bactéries retrouvées dans les fèces ne sont pas représentatives de la quantité de bonnes bactéries qui parvient à rester en vie dans l’intestin.
Grâce à des méthodes d’analyse sophistiquées, les auteurs de ces travaux ont aussi pu confirmer que les compléments alimentaires à base de probiotiques modifient effectivement les composés chimiques produits dans l’intestin.
Mais la découverte la plus importante de cette étude est que la réponse aux probiotiques change d’un individu à l’autre, et que l’impact sur la santé dépend des bactéries qui sont déjà présentes dans l’intestin.
Les auteurs concluent que l’approche actuelle, qui consiste à donner les mêmes probiotiques à tout le monde, n’est pas idéale, et qu’il serait plus approprié de les personnaliser pour chaque individu, en fonction des bénéfices envisagés pour la santé et des microbes qui vivent déjà dans leurs intestins.
Est-ce bien nécessaire ?
Les probiotiques sont-ils bénéfiques, et cela vaut-il la peine d’en prendre ? En bref, la réponse est oui, mais ils pourraient être encore plus efficaces.
Notre récente revue de la littérature scientifique nous a permis d’identifier 313 études cliniques de bonne qualité (études randomisées contrôlées), impliquant près de 50 000 personnes, dont l’objet était de déterminer les bénéfices apportés par la prise de probiotiques plutôt que d’un placebo. Notre analyse montre que prendre des probiotiques permet de prévenir la diarrhée, la bronchite et l’eczéma. Ils semblent aussi diminuer le risque de maladie cardiaque et réduire la présence dans le sang de substances en lien avec l’inflammation.
En conclusion, bien que la plupart des probiotiques ne changent pas de façon permanente la composition des microbes de l’intestin, il semble qu’ils sont néanmoins capables d’influer sur la santé. Ils agissent peut-être en améliorant le fonctionnement de notre système immunitaire, ou via la production de composés chimiques bénéfiques. S’il devenait possible de préparer des probiotiques sur-mesure, correspondant aux caractéristiques de chaque individu, ils pourraient grandement gagner en efficacité.
Ana Valdes, Associate Professor and Reader, University of Nottingham
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.