Quatre mois après le putsch avorté en Turquie, le président turc Recep Tayyip Erdogan mène une purge sauvage pour écraser l’opposition et asseoir son autorité. Sur la terreur.
Jusqu’où ira-t-il ? Le président turc Recep Tayyip Erdogan n’en finit pas de régler ses comptes avec une brutalité inouïe qui semble ne pas trop déranger les puissances occidentales.
Depuis le 15 juillet 2016, date de la tentative de coup d’Etat en Turquie, Erdogan a fait arrêter plusieurs dizaines de milliers d’opposants et limogé 10.000 fonctionnaires. Des militaires, des policiers, des magistrats, des élus… Et, bien sûr, des journalistes.
Selon l’Association des journalistes de Turquie, le président turc a fait fermer 170 organes de presse, 105 journalistes ont été placés en détention et 777 cartes de presse annulées. L’arrestation du rédacteur en chef et de plusieurs journalistes du quotidien Cumhuriyet, le 31 octobre 2016, est l’un des derniers avatars de cette folie tyrannique du Sultan d’Ankara.
Les minarets sont nos baïonnettes
Né il y a 62 ans dans un quartier populaire d’Istanbul, Recept Tayyip Erdogan est un excellent footballeur. Il dribble mieux que personne. Il gardera ce goût du sport. Mais surtout celui de l’humiliation des vaincus.
Fils d’un marin très croyant, le jeune homme étudie dans les meilleurs lycées d’Istanbul où se forme l’élite religieuse du pays. Mais il ne deviendra ni footballeur professionnel, comme il l’a envisagé un temps, ni imam, comme sa foi en Dieu semblait le destiner, mais un homme politique.
Le voilà maire d’Istanbul en 1994. Un anachronisme en quelque sorte dans cette Turquie où la laïcité est garantie depuis Atatürk par l’armée : le maire de la capitale économique du pays est un musulman pur et dur. Erdogan ne s’en cache pas. Lors d’un meeting, il fait sien les vers d’un poète turc : « les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes. »
Ce qui devait arriver, arriva. En 1998, Erdogan est condamné pour « incitation à la haine raciale et religieuse ». Il passe quelques mois derrière les barreaux.
La revanche
Mais l’homme est un battant. Il se bat en politique comme sur la pelouse des stades. Au tournant du siècle, il crée son « parti de la justice », se fait élire député et, en 2003, accède à la fonction de Premier ministre.
Recep Erdogan fait alors les yeux doux à l’Europe et à l’Occident. La Turquie devient le partenaire privilégié des Etats-Unis dans la région. Le processus d’intégration à l’Europe est lancé.
Le développement économique du pays est mis au crédit de ce Premier ministre d’apparence libérale. Mais ce n’est qu’apparence. Le premier ministre turc reste un tyran chez lui qui met l’armée au pas et jette ses opposants en prison. En 2014, Erdogan devient le premier président de Turquie élu au suffrage universel.
Le petit footballeur d’Istanbul est désormais le grand sultan de Turquie. Il se fait construire un palais de marbre blanc de plus de mille pièces superbement décorées. Un stade porte son nom ainsi qu’une université. Il lance les travaux pharaoniques comme le creusement d’un tunnel sous le Bosphore et d’une mosquée géante. Il veut qu’elle soit la plus grande et la plus belle du pays.
Rétrograde
Le président turc reste un musulman proche des intégristes les plus rétrogrades. La laïcité sur laquelle la république turque s’est construite depuis 1923 est jetée aux orties. Sous le règne de Recep Tayyip Erdogan 1er, le voile musulman revient en force dans les établissements public, à l’école, au lycée, à l’université. Le Sultan d’Ankara ramène son pays un siècle en arrière. En Turquie, la femme n’est plus l’égale de l’homme.
Les opposants ? Tous des « terroristes ». Les journalistes ? Des ennemis au service de de puissances étrangères. Erdogan le facho ne supporte pas la contradiction ou la critique. Un journal allemand le crayonne-t-il dans une satire ? Erdogan convoque l’ambassadeur pour lui demander des comptes. Son fils est-il impliqué dans une affaire de détournement d’argent en Italie ? Il demande aux juges italiens de « s’occuper de la mafia » plutôt que de son fils.
Dans son pays comme dans son palais, le prince terrorise ses sujets. L’armée, la police, la justice et la presse doivent rester à ses ordres. Soumis comme des marionnettes. Et malheur aux « terroristes » qui ne se comporteraient pas de façon servile.
Le coup d’Etat du 15 juillet a montré au monde entier à quel point ce dictateur méprisable et sanguinaire qui souhaite rétablir la peine de mort est un homme mégalo, facho et macho. Un homme du passé. Un homme dangereux.
Marcel GAY