Le ministre de l’Economie a claqué la porte du gouvernement. Pour se présenter à la présidentielle de 2017 ? Peut-être. Reste que sa sortie inattendue prend de court toute la gauche qui y voit un mauvais coup porté, d’abord, à François Hollande. Il est remplacé par Michel Sapin, actuel ministre des Finances.
Il représentait l’aile droite du gouvernement. Emmanuel Macron, 38 ans, inconnu du grand public il y a encore deux ans, a décidé de voler de ses propres ailes. En quittant précipitamment Bercy, à huit mois de l’élection présidentielle, le ministre le plus populaire du gouvernement entend se démarquer d’une politique « de gauche » qu’il ne souhaite plus cautionner.
Et pour ceux qui n’auraient pas bien compris, le ministre s’est cru obligé de dire les choses clairement au cours d’une visite au Puy-du-Fou cher à Philippe de Villers à la mi-août 2016 : « L’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste. »
Les Gracques
Né en 1977 à Amiens, dans la Somme, Emmanuel Macron est un pur produit de sciences po et de l’ENA. Contrairement à ce qu’il a récemment affirmé, il a bien adhéré au parti socialiste en 2006 avant de rendre sa carte trois ans plus tard. Il fut membre d’un « groupe de réflexion et de pression », appelé Les Gracques, dont l’objectif est de réformer la gauche française autour de valeurs sociales et libérales.
C’est en 2008 qu’Emmanuel Macron entre à la banque Rothschild. Deux ans plus tard, il est promu associé au sein de la banque. En 2012 il est gérant chargé de l’un des plus grosses négociations de l’année : le rachat par Nestlé d’une filiale de Pfizer qui fera sa fortune.
En mai 2012, il est dans l’ombre de François Hollande qu’il suit à l’Elysée comme secrétaire général-adjoint de la présidence de la République. Il est chargé de l’économie et des finances.
Le 26 août 2014, à la surprise générale, Macron est nommé ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique du gouvernement Valls en remplacement d’Arnaud Montebourg, démissionnaire.
Des bourdes
Emmanuel Macron va alors apparaître comme un jeune homme inexpérimenté en politique qui va multiplier les bourdes. Dès son arrivée à Bercy il affiche son désaccord avec les 35 heures, regrettant que la réduction du temps de travail ait pu donner à penser aux investisseurs étrangers « que les Français ne voulaient pas travailler. »
Et pour marquer sa différence, à droite évidemment, il lâche « il faut que les jeunes aient envie de devenir milliardaires ».
Le passage d’Emmanuel Macron au gouvernement sera marqué notamment par ce projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » dont l’objectif est de « déverrouiller l’économie française ». Il s’agit de modifier la règlementation trop rigide sur le travail du dimanche, sur les professions règlementées (notaires, huissiers), sur les transports, sur l’ouverture du marché aux autocars, la vie des entreprises etc. Le projet de loi a finalement été adopté le 10 juillet 2015 grâce à l’utilisation du 49-3 (adoption sans vote). Résultat un an plus tard ? « Une hausse de 0,3% du PIB d’ici cinq ans et de 0,4% d’ici 10 ans » selon l’OCDE. De fait, sur 10.000 emplois attendus, moins de 1.500 ont été créés.
En Marche !
Le ministre de l’Economie se distingue par son franc-parler. L’année dernière, au mois d’août, à l’université d’été du MEDEF, devant les grands-patrons, il se lâche : « La gauche n’est pas exempte de critiques, dit-il. Elle a pu croire, il y a longtemps, que la politique se faisait contre les entreprises… qu’il suffisait de décréter et de légiférer pour que les choses changent. Qu’il n’était pas nécessaire de connaître le monde de l’entreprise pour prétendre la régenter. Elle a cru que la France pourrait aller mieux en travaillant moins. C’étaient de fausses idées. »
Très applaudi par le MEDEF, beaucoup moins par ses camarades du parti socialiste.
A l’évidence, le ministre de l’Economie de Manuel Valls était un trublion. Personne n’a trouvé extravagant qu’il fonde son propre mouvement. « En Marche ! » a été créé le 6 avril 2016 à Amiens. C’est un mouvement qui est en fait une machine de guerre destinée à mener de futur combats politiques. Ce mouvement n’est « Ni de droite, ni de gauche » affirme le fondateur qui ajoute : « ce ne sera pas un mouvement pour avoir un énième candidat à la présidentielle, ce n’est pas ma priorité aujourd’hui. » Est-ce si sûr ?
» Un monstre politique »
Curieusement, ce franc-parler et ce positionnement politique en dehors des partis traditionnels d’un jeune ministre plein d’ambitions semblent avoir convaincu une partie de l’opinion. Plusieurs sondages lui attribuent une cote d’amour de 34%, loin devant Manuel Valls (15%) et très loin devant Hollande (5%).
Reste que c’est à François Hollande que la démission surprise du ministre de l’Economie risque de coûter le plus cher. En effet, l’actuel président de la République est privé de son aile gauche (les Frondeurs Montebourg, Hamon et les autres), et désormais de son aile droite. Comment peut-il prendre un nouvel envol politique dans de telles conditions ?
Pourquoi a-t-il démissionné ? Et pourquoi maintenant ? Emmanuel Macron va s’expliquer ce soir à la télévision. Mais d’ores et déjà la classe politique commente durement la décision du ministre. Comme Jean-Luc Mélenchon qui, dans un tweet, écrit : « Macron quitte le gouvernement pour être candidat. Hollande ne produit que des monstres politiques. »
Gérard Larcher : « Macron : Le crépuscule de ce quinquennat. Que reste-t-il de ce gouvernement ? Une coopérative d’ambitions personnelles. Et la France ? »
Pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, Macron est « le symbole de la dérive libérale de tout un gouvernement. »
A l’évidence, le départ de Macron du gouvernement va changer la donne politique.
M.G.