Pas contents, les notaires ! Ils sont allés le dire au garde des Sceaux, ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, après la publication, le 9 juin, de la carte précisant les zones où les notaires pourront s’établir librement.
La carte de France publiée jeudi dernier par l’Autorité de la concurrence définit 247 zones où le nombre de notaires lui semble insuffisant (autour des grandes agglomérations comme Paris, Lyon, Toulouse etc.) et où de nouveaux notaires pourront s’installer librement. L’Autorité de la concurrence propose aussi 60 zones d’installation contrôlée (autrement dit qui mérite examen préalable) et des zones où il y a suffisamment de notaires et où toute installation supplémentaire n’est pas souhaitable.
L’Autorité propose ainsi de créer 1.650 nouveaux offices notariaux d’ici 2018 soit une augmentation de 20% du nombre de notaires de France qui, actuellement, sont 9.800. (Voir encadré).
Cette libre installation des officiers publics et ministériels est la suite logique de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité de chances économiques, appelée loi Macron, dont l’article 52 dispose que « les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité et l’offre de service ».
Le droit de présentation
L’ennui, c’est que depuis toujours, les notaires bénéficient d’un droit de présentation, c’est-à-dire le droit de céder leur clientèle à un successeur qu’ils choisissent eux-mêmes, contre rétribution, évidemment. Droit reconnu par le Conseil constitutionnel en novembre 2014 lorsque le projet de loi Macron a été discuté à l’Assemblée.
Les notaires se sont opposés aux dispositions de la loi Macron arguant qu’une modification de ce droit les autoriserait à demander une indemnisation pour les dédommager de leur préjudice. Le calcul a été vite fait par Bercy. Et le chiffre sorti des calculettes a fait reculer les plus libéraux. Il faudrait sortir… 8 milliards d’euros ! Bercy a aussitôt refermé le dossier.
Ce n’est pas la première fois que la réforme du notariat est envisagée. La profession est régulièrement accusée de bénéficier de privilèges exorbitants : le monopole de l’acte authentique et le numérus clausus qui en font une profession fermée.
Tout le paradoxe tient au fait que les notaires sont des officiers publics qui instrumentent au nom de l’Etat mais ils exercent dans un cadre libéral.
Leurs détracteurs leur reprochent de profiter de cette clientèle captive (le passage chez le notaire est obligatoire pour un certain nombre d’actes de la vie courante comme la vente et l’achat de biens immobiliers, le règlement des successions etc.) mais ils en profitent pour proposer d’autres actes juridiques (droit des affaires, droit immobilier…) qui les mettent en concurrence directe avec les avocats.
Logique économique
« Une étude d’impact » réalisée pour le projet de loi montrait que le département de la Seine-Saint-Denis comptait 1 notaire pour 17.000 habitants alors qu’il était de 1 notaire pour 4.500 habitants dans le département de l’Aveyron, par exemple.
Autrement dit, le projet de loi Macron a été élaboré autour du principe de l’offre et de la demande. Il s’agissait de mettre en adéquation le nombre et la localisation des offices notariaux, le chiffre d’affaire des études et l’âge des notaires d’une part, et les réalités socio-économiques de la région, d’autre part.
S’il est vrai qu’une certaine logique économique a inspiré le projet de loi Macron, sa mise en œuvre se heurte violemment aux conditions d’exercice de la profession. C’est ce qu’ils sont allés dire au garde des Sceaux la semaine dernière.
« C’est le fruit d’un travail à sens unique » déplore dans les colonnes du Point, Pierre-Luc Vogel, le président du Conseil supérieur du notariat qui dénonce « des incohérences » sur le traitement de certains secteurs par rapport à d’autres.
En revanche, les notaires salariés et les nouveaux diplômés saluent l’initiative du gouvernement. Ils souhaitent se mettre rapidement à leur compte.
Plus : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/16a13.pdf
Marcel GAY
Les chiffres du notariat
Les notaires assument leur mission de service public sur l’ensemble du territoire. Ils contribuent à la vie économique du pays, ainsi qu’en témoignent ces données statistiques :
Au 1er janvier 2016
9.802 notaires, dont 7.065 exercent sous la forme associée au sein de 3.009 sociétés.
4.570 offices, nombre auquel il convient d’ajouter 1.336 bureaux annexes, ce qui porte à 5.906 le nombre de points de réception de la clientèle sur tout le territoire.
Plus de 49.000 salariés, ce qui porte, en ajoutant les notaires, à plus de 58.000 le nombre de personnes travaillant dans les offices
3.506 notaires sont des femmes (36 %).
L’âge moyen est de 48 ans.
L’activité économique du notariat
Chaque année, les notaires :
- reçoivent 20 millions de personnes,
- traitent des capitaux d’un montant de 600 milliards d’euros,
- établissent plus de 3.8 millions d’actes authentiques et plus de 320 000 déclarations de succession Transmission du patrimoine d’une personne défunte ou masse du patrimoine ainsi transmis.,
- réalisent un chiffre d’affaires de 6.5 milliards d’euros
Répartition de l’activité notariale suivant le chiffre d’affaires
- Immobilier, ventes construction, baux : 50.1 %
- Actes liés au crédit : 10 %
- Actes de famille, succession : 31.9 %
- Négociation immobilière : 2.7 %
- Droit de l’entreprise, conseil, expertise, conseil patrimonial : 5.3 %
(source : conseil supérieur du notariat)</div>