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FPÖ, AfD, Vox : les partis d’extrême droite à l’offensive

Jörg Meuthen , AfD (Wikimedia.org)
Jörg Meuthen , AfD (Wikimedia.org)

Benjamin Rojtman-Guiraud, Université de Lorraine

Les prochaines élections européennes pourraient constituer un véritable tournant dans l’histoire politique de l’Union européenne. À une époque où de plus en plus de partis dits « traditionnels » sont fortement désavoués par les citoyens, les partis « populistes » et « nationalistes » semblent en mesure de profiter de la situation.

Procédons à un bref retour en arrière afin d’analyser l’évolution de quelques partis d’extrême droite depuis le dernier scrutin européen de 2014.

L’essor confirmé du FPÖ en Autriche

Le FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs, Parti de la liberté d’Autriche) est sans nul doute la formation politique qui a réalisé la plus grande percée politique au cours de la dernière décennie. Qu’il est loin le temps où le parti de feu Jörg Haider – à l’instar du Front national sous Jean‑Marie Le Pen – n’était qu’un parti marginal contestataire, n’ayant pas véritablement vocation à exercer le pouvoir. Depuis qu’Heinz-Christian Strache est devenu le leader du FPÖ, celui-ci enchaîne les succès électoraux. Lors des élections européennes de 2014, le FPÖ a recueilli 19,72 % des voix, se plaçant ainsi en troisième position derrière respectivement les conservateurs de l’ÖVP (26,98 %) et les sociaux-démocrates du SPÖ (24,09 %).

Dés cette époque, la formation politique autrichienne avait déjoué bon nombre de pronostics en obtenant un score étonnamment élevé. Nouveau rebondissement lors des élections nationales de 2017 : avec 25,97 % des suffrages exprimés, le FPÖ a fait son entrée dans une coalition gouvernementale aux côtés de l’ÖVP. D’après un sondage récent, le trio de tête en Autriche ne changerait pas lors de ces Européennes. Mais il convient tout de même de souligner la progression, selon les sondages, du FPÖ : avec un score pouvant atteindre les 23,5 %, ce parti gagnerait un peu plus de trois points par rapport au dernier scrutin européen. L’ÖVP se placerait devant le SPÖ avec 28,5 % contre 27 % des voix.

Le vice-chancelier d’Autriche et dirigeant du FPO Heinz-Christian Strache aux côtés du premier ministre hongrois Viktor Orban (Photo credit: BMöDS on VisualHunt /  CC BY-NC-ND)
Le vice-chancelier d’Autriche et dirigeant du FPO Heinz-Christian Strache aux côtés du premier ministre hongrois Viktor Orban (Photo credit: BMöDS on VisualHunt / CC BY-NC-ND)

Cette progression attendue du FPÖ traduit une réalité : les Autrichiens se sont habitués à ce parti de gouvernement qui a gagné en respectabilité sur l’échiquier national. Toujours en surfant sur les mêmes thématiques de campagne, il continue sa progression inexorable auprès d’une partie de l’opinion publique.

Il y a quelques jours encore, alors que sa formation politique est en pleine campagne des Européennes, le vice-chancelier autrichien et numéro deux du gouvernement, Heinz-Christian Strache, a suscité une vive polémique en faisant référence à la théorie du « grand remplacement »

Tout en expliquant que le FPÖ était partisan d’une politique d’immigration strictement contrôlée, Heinz-Christian Strache a insisté sur le fait qu’on ne pouvait pas nier que l’immigration venait bouleverser la démographie autrichienne. Fidèle à une rhétorique et une doctrine idéologique qui puise sa source dans le national-socialisme, le FPÖ continue pourtant – année après année – à occuper sa place aussi bien au niveau national qu’européen.

Et nul doute qu’Heinz-Christian Strache se servira de ces élections pour préparer en amont le prochain objectif du FPÖ : la conquête de la chancellerie autrichienne.

L’AfD allemande : tirs de barrage sur l’Europe

En Allemagne, la situation est quelque peu différente : l’Alternative für Deutschland (AfD, Alternative pour l’Allemagne) est un tout jeune parti politique.

Fondé en février 2013, celui-ci s’est rapidement imposé sur la scène politique locale. Il s’est emparé des thèmes de campagne propres aux partis d’extrême droite en Europe, tels que l’immigration, la sécurité ou encore l’opposition entre « élites politiques et peuple allemand ».

Lors des élections européennes de 2014, l’AfD, un an seulement après son apparition, s’est classée loin derrière les conservateurs de la CDU (30 %) et les sociaux-démocrates du SPD (27,3 %). Les 7,1 % recueillis par l’AfD constituaient, malgré tout, une bonne rampe de lancement pour ce parti d’extrême droite. Concrétisation de son ascension : lors des élections législatives de 2017, l’AfD a réussi l’exploit de faire une entrée historique au Parlement en devenant avec 12,6 % des voix la troisième force politique au Bundestag.

Ainsi, plus que jamais, les élections européennes de 2019 constituent-elles un défi de choix pour l’AfD : continuer à s’imposer sur la scène politique allemande et mettre à mal, à l’instar du FPÖ en Autriche, la bipolarisation de la vie politique allemande entre la CDU et le SPD. D’après plusieurs sondages, l’AfD oscillerait entre 10 % et 15 % d’intentions de vote lors de ce scrutin. Un sondage en date du 25 octobre 2018, réalisé par l’Institut INSA, le plaçait même au-delà de la barre des 15 % avec 16 %.

De fait, ce parti encore jeune compte bien s’appuyer sur son score aux élections européennes pour s’imposer un peu plus sur la scène nationale allemande. En passant la barre symbolique des 10 %, l’AfD rentrerait dans le cercle fermé des partis d’extrême droite qui comptent en Europe.

Alexander Gauland, le co-dirigeant de l’AfD, (Photo credit: nicolausfest on VisualHunt /  CC BY-ND)
Alexander Gauland, le co-dirigeant de l’AfD, (Photo credit: nicolausfest on VisualHunt / CC BY-ND)

Lors de cette campagne et en parfaite cohésion avec la position des partis politiques d’extrême droite, l’AfD se montre tout aussi critique à l’égard de l’UE. Cette formation défend tantôt l’idée de quitter l’UE ou bien la dissolution pure et simple de cette institution. De plus, les candidats de l’AfD concentrent leurs attaques contre l’Agence Frontex qu’ils accusent de favoriser l’immigration illégale et massive au sein des pays membres de l’UE.

Tout comme pour le FPÖ, l’AfD adopte la même stratégie de campagne à savoir une critique sévère de l’Union européenne. Arguant la priorité nationale avant la priorité européenne, le jeune parti espère bien gagner en crédibilité auprès de l’opinion publique.

Vox, le retour de l’extrême droite au Parlement espagnol

Le FPÖ en Autriche, l’AfD en Allemagne et l’invité-surprise de ces dernières semaines à la course aux élections européennes : le parti d’extrême droite espagnol, Vox.

Fondé en 2013, Vox est le résultat d’une scission de membres du Parti populaire ayant pour objectif d’incarner une nouvelle droite nationaliste en Espagne. À l’occasion des élections générales en 2015, Vox n’avait recueilli que 0,23 % des voix. Mais, lors des élections en Andalousie, en décembre 2018, le parti d’extrême droite parvient à obtenir 10,96 %, et douze sièges. Il est alors le premier parti d’extrême droite à faire son entrée au Parlement espagnol depuis la fin du franquisme. Enfin, lors des récentes élections générales espagnoles de 2019, Vox recueille 10,3 % des suffrages et peut désormais espérer s’installer durablement sur la scène politique espagnole.

Se montrant très critique à l’égard de la politique migratoire de l’UE, cette formation insiste sur la nécessité pour les immigrés de s’intégrer pleinement dans le pays et en acceptent les valeurs. Un récent sondage affirme que Vox pourrait son entrée au Parlement européen avec près de 8 % des suffrages, obtenant six députés. Pour ce faire, Vox souhaite s’inspirer de Donald Trump et de Jair Bolsonaro (Brésil) en misant sur les réseaux sociaux.

Ensemble, contre l’Union européenne

Gage d’une lutte commune, il y a quelques jours, Marine Le Pen était à Prague, en République Tchèque, aux côtés d’autres leaders européens pour appeler à une « révolution nationale » à l’occasion de ces élections européennes.

Forts de leurs récents succès électoraux, les partis d’extrême droite d’Allemagne, d’Autriche et d’Espagne pourraient jouer les troubles fêtes au Parlement européen. Paradoxalement, leur présence, au sein d’une institution qu’ils critiquent, ne ferait que renforcer leur impact auprès des médias et à l’échelle européenne.The Conversation

Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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