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Comment la 3D permet aux étudiants d’apprendre l’anatomie

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Croquis anatomiques des muscles du corps humain, réalisés par le médecin espagnol Juan Valverde de Amusco (début du XVIIᵉ siècle).
Juan Valverde de Amusco/Wellcome, CC BY

Patrice Thiriet, Université Claude Bernard Lyon 1

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Comprendre l’anatomie, c’est savoir se repérer dans les 3 dimensions (3D) de l’espace de notre organisme, et c’est aussi posséder une bonne capacité à réaliser des images et des rotations mentales. Pour autant, ces prérequis ne sont pas forcément maîtrisés par les étudiants en début de formation universitaire. L’anatomie serait-elle une science difficile ?

Des dessins d’anatomie à la 3D numérique

Planche illustrant les muscles de la tête (Myologie complète en couleur et grandeur naturelle, 1746).
Jacques Gautier d’Agoty/Joseph-Guichard Du Verney/Wikimedia

Si les premiers manuscrits d’anatomie se limitaient à décrire le corps humain avec des mots, au XVIe siècle, André Vésale et Jacques Gautier d’Agoty imagèrent leurs manuscrits de magnifiques dessins que l’on admire encore aujourd’hui pour leur réalisme. Les modèles en cire étant chers, le docteur Louis Auzoux réalisa, au début du XIXe, les premières modélisations en papier mâché peint à la main, qui connurent un vif succès jusqu’à la fabrication de modèles en plastique.

En anatomie fonctionnelle, c’est dans les années 1960 que Adalbert Ibrahim Kapandji traduisit en croquis simples dessinés à la main le fonctionnement de l’appareil locomoteur en suivant le principe : un croquis = une information. Aujourd’hui encore, la craie et le tableau noir n’abandonnent pas la partie, avec des enseignants doués pour le dessin.

Mais à l’heure où l’on déplore une désaffection des jeunes générations pour les sciences et où les enseignants sont incités à la création de ressources grâce aux nouvelles technologies, pourquoi ne pas utiliser les ressources 3D ?

Jeux vidéo et animations 3D font partie du quotidien des étudiants et – nos évaluations le montrent – tous pressentent son intérêt dans l’apprentissage de l’anatomie.

Les ressources 3D comme support à l’enseignement

De fait, les fonctionnalités de la 3D permettent aux étudiants qui ne maîtrisent pas les prérequis de remédier à leurs difficultés. La 3D permet, virtuellement, de tourner autour des organes et de se repérer, de mettre en scène des images mentales simples qui se complexifient progressivement, ou encore de montrer l’organisme en action avec un degré de précision adapté aux exigences d’une formation.

Depuis 2006, à l’université Lyon 1, des ressources 3D sont créées par un service commun, iCAP (Innovation, conception et accompagnement pour la pédagogie). L’objectif initial étant la production d’animations 3D couvrant un programme complet d’anatomie fonctionnelle de l’appareil locomoteur. L’objectif est aujourd’hui atteint et cette réalisation est unique dans le monde universitaire français (le projet « Anatomie 3D » est d’ailleurs lauréat du Prix PEPS 2017).

La réutilisation des objets 3D créés par les infographistes (un os ou un muscle sont des objets 3D) permet une ingénierie pédagogique innovante : production d’animations 3D sonorisées ou non, QCM intégrant des séquences extraites des vidéos, fichiers pour impression 3D de modèles mécaniques, MOOC regroupant ces ressources, etc.

Cette production est utilisée au sein des enseignements. À l’Institut des sciences et techniques de la réadaptation, des cours magistraux sont basés sur la projection de ces animations 3D ; des TD préparent également les futurs ergothérapeutes à une évolution de leur cœur de métier : l’impression 3D de petits appareillages adaptés aux besoins de personnes handicapées.

Conformément aux missions de l’Université, toutes ces ressources sont mises en accès libre au fur et à mesure de leur production, et une charte éditoriale rigoureuse a été définie.

De nombreux enseignants sollicitent l’autorisation d’utiliser ces ressources. Les statistiques montrent que les visiteurs (sur le site, sur Facebook, et sur YouTube – bientôt 10 millions de vues) sont essentiellement des étudiants, et une communauté se constitue ainsi progressivement. Ces statistiques montrent également qu’une technologie nouvelle peut constituer une aide à l’apprentissage et à l’enseignement, tout en assurant la promotion d’une science et d’une université, et la diffusion du savoir et des pratiques.

Une ingénierie pédagogique mutualisable

Ainsi, les objets 3D imprimés peuvent être prêtés ou échangés, et des collaborations inter-universitaires permettent la création de ressources mutualisables. Les universités Lille 2 et Lyon 1 collaborent à un projet « organes pelviens-accouchement » ; quant aux universités de Grenoble, Lyon 1, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand, elles collaborent et lancent un projet de « Création de Ressources 3D communes aux formations Staps et paramédicales ».

Cette ingénierie est également applicable à d’autres sciences, en particulier celles où une bonne structuration de l’espace est nécessaire, comme en géologie. L’université Lyon 1 a ainsi lancé une collaboration avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans le cadre du projet « Géosciences 3D ».

Les recherches du Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité (LIBM) de l’université Lyon 1, publiées dans des revues scientifiques, confirment l’intérêt de la 3D dans l’apprentissage et l’enseignement.

Vers des outils numériques interactifs en 3D temps réel

Cependant, certaines études restent peu convaincantes et ne montrent pas toujours une amélioration des résultats des étudiants. D’une part, l’apprentissage requiert une forte interaction avec l’outil numérique, et, d’autre part, malgré la 3D, nos étudiants éprouvent toujours des difficultés à comprendre certaines informations liées à l’anatomie fonctionnelle, qui emploie très souvent des verbes et des termes d’actions.

Or, l’observation passive des animations 3D ne facilite pas toujours l’accès à de telles informations. En effet, l’apprentissage et la mémorisation d’une phrase décrivant une action sont plus efficaces si l’encodage de l’information est physiquement incarnée, plutôt que verbalement.

En effet, la récupération des informations stockées en mémoire est plus rapide quand les régions motrices ont été sollicitées. Ainsi, l’importance de l’encodage physique de l’information (embodiment) et de l’interaction nous poussent à développer des outils numériques interactifs en 3D temps réel. Ces outils permettent de travailler sur une nouvelle approche de l’implication de l’utilisateur afin d’améliorer l’apprentissage.


The ConversationD’autres questions ? La réponse se trouve sans doute sur le site du programme « Anatomie 3D Lyon 1 ».

Patrice Thiriet, Enseignant-chercheur, Université Claude Bernard Lyon 1

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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