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« Les Arènes » du foot

« Ce milieu est tellement dérégulé, l’argent est un profond corrupteur moral, tout le monde devient fou », constate la réalisatrice Camille Perton, qui a choisi d’en évoquer les coulisses, avec un jeune joueur prêt à signer son premier contrat pro.

« J’ai pris le parti de mettre le foot hors-champ et de me concentrer sur les coulisses, sur un plan plus intime », confie la réalisatrice.

« Passionnée de foot depuis toujours », Camille Perton en a fait l’univers de son premier long-métrage, « Les Arènes » (sortie le 7 mai). Un film sur le foot, où finalement il n’y a presque pas de foot, sinon une partie entre copains de cité. « J’ai pris le parti de mettre le foot hors-champ et de me concentrer sur les coulisses, sur un plan plus intime, je voulais dépasser le documentaire pour rentrer dans l’intimité », confiait la jeune réalisatrice, lors des Rencontres du Cinéma de Gérardmer où son film était présenté en avant-première.

« Les Arènes » sort quelques mois après « Mercato », film de Tristan Séguéla avec Jamel Dedbbouze, écrit par Olivier Demangel et Thomas Finkielkraut (duo créateur de la récente série « Kaboul »), un thriller dans le monde du foot. « Le sujet des très gros transferts de très jeunes joueurs, 16, 17, 18 ans, m’a interpellé, je me suis documentée et j’ai découvert une galaxie de personnages », dit Camille Perton, qui s’est elle concentrée sur le sort d’un jeune champion, Brahim (joué par Iliès Kadri), 18 ans, un gamin des Minguettes qui s’apprête à signer son premier contrat professionnel.

Tous les coups sont permis

Son cousin Mehdi (Sofian Khammes) s’est improvisé agent de la future star, il est certes dévoué mais découvre qu’il n’a pas l’envergure des grands pros qui grenouillent dans le métier. Pour eux, tous les coups sont permis, surtout les plus fourrés dans un marché de dupes et de bons coups, pas question de faire du sentiment, c’est juste des affaires. Mensonges et manipulations, les joueurs s’achètent et se vendent lors de tractations aux multiples intervenants, agents, famille, avocats… Une marchandise comme une autre.

« Brahim se situe à un virage transitoire, il va devenir potentiellement pro, c’est un garçon qui n’a jamais exprimé de désir », dit Camille Perton, « Les joueurs sont entre deux réalités, celle où ils sont nés, et en tension vers une ascension sociale possible, cela crée du désir et de la peur en même temps ». Dans le flou sur son avenir, le jeune footeux va devoir choisir entre la fidélité à la « famille » et son cousin ou faire confiance à un inconnu. Car entre alors en jeu un agent chevronné, qui a du métier et des relations, joué par l’acteur international Edgar Ramirez (qui a notamment incarné le terroriste « Carlos »). « Edgar a été très facile à convaincre, c’est le personnage qui l’a séduit avant le sujet », assure la réalisatrice, qui lui a effectivement proposé un personnage obscur, mystérieux, ambigu.

« Les jeunes footballeurs deviennent des biens »

Iliès Kadri incarne Brahim, un gamin des Minguettes qui s’apprête à signer son premier contrat professionnel, que tente de gérer son cousin et agent, interprété par Sofian Khammes.

S’il évoque la légitime envie de réussite, l’ambition des jeunes joueurs, l’espoir d’une vie plus facile, le film évoque l’industrie du foot et tout ce qui va avec, gros contrats, voitures et montres de luxe, palaces, yachts… « Le problème, c’est l’argent, tout le monde devient fou, ce milieu est tellement dérégulé, l’argent est un profond corrupteur moral », estime Camille Perton, qui voit les futurs champions comme des gladiateurs, jusqu’à tourner une séquence de photo d’équipe façon « dieux du stade ». « On les vend, on les achète, on les échange, ces jeunes footballeurs deviennent des biens », dit-elle, « Il y a un marché international du football, qui est extrêmement sélectif ».

C’est donc dans « Les Arènes » qu’elle fait évoluer ces gladiateurs d’aujourd’hui : « Le football a quelque chose de totalement moderne et de totalement antique, tous les protagonistes sont pris au piège d’une même tragédie », assure la réalisatrice. Son jeune héros est ainsi baladé entre une promesse de l‘Olympique Lyonnais, un contact avec Nice, pour finalement être « acheté » par Monaco puis prêté à Bakou, en Azerbaïdjan. Mais réalisera son rêve, faire construire une belle maison sur un terrain acheté jadis par son père malade, sur les hauteurs de Lyon.

Patrick TARDIT

« Les Arènes », un film de Camille Perton, avec Iliès Kadri, Sofian Khammes, et Edgar Ramirez (sortie le 7 mai).

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