« Tout finira par arriver » pour la jeune demoiselle en fugue, héroïne du film de Sean Price Williams, Prix du Jury au Festival de Deauville.
Bienvenue en Amérique. « On voulait prendre des nouvelles de l’Amérique et on a été servis », disait l’actrice Mélanie Thierry, présidente du jury de la Révélation au Festival de Deauville, avant d’annoncer le lauréat de ce prix : « The Sweet East » de Sean Price Williams (sortie le 13 mars). Film qui a également reçu un Prix du Jury (ex-aequo avec « Fremont » de Babak Jalali). « L’héroïne est une jeune femme ballotée comme une Alice dans un pays éternellement désenchanté », ajoutait Mélanie Thierry, à propos de ce conte maléfique dans lequel on suit Lilian (jouée par Talia Ryder) lycéenne dans une fugue hasardeuse, où elle rencontre ce que l’Amérique peut compter de dingues, activistes, complotistes, terroristes… et même des barjots du cinéma.
« The Sweet East » c’est un conte de faits. Lilian au pays des cinglés ! Directeur de la photographie, réputé dans le cinéma indépendant américain, Sean Price Williams ouvre son premier long-métrage avec un générique chanté dans les toilettes d’une pizzeria. Le ton est donné. Alors que des coups de feu résonnent à l’étage, Lilian fuit son groupe de voyage scolaire à Washington, et passe de l’autre côté d’un miroir. Le tunnel ne la mènera pas vers un monde merveilleux, mais au contraire dans un monde glauque et peu reluisant, l’Amérique d’aujourd’hui.
Une série de mauvaises rencontres
La jeune et jolie fille se laisse d’abord embarquer par des musiciens, gauchistes qui vivent en communauté et préparent une opération anti-fascistes. Du squat des pieds-nickelés, elle passe à la maison d’un universitaire complotiste et solitaire (Simon Rex, vu notamment dans « Red Rocket »), qu’elle accompagne un week-end à New York pour y faire la « livraison » d’un mystérieux sac rouge. Enfuie avec le fameux bagage, elle est arrêtée dans la rue par un couple de réalisateurs, qui veulent l’engager pour jouer dans un film d’époque. Ce qu’elle fait. Le tournage est interrompu par une fusillade, séquence digne d’un énorme gag. Partie en courant dans la forêt en grande robe 1800, Lilian se planque dans une cabane du Vermont, en plein milieu du camp d’entraînement d’un commando musulman fan d’électro… D’où elle va là encore s’échapper, avant de faire d’autres mauvaises rencontres.
A l’affiche d’un autre film présenté au Festival de Deauville, « Joika » de James Napier Robertson (en danseuse américaine engagée au Bolchoï), Talia Ryder incarne une jeune ingénue pas si naïve que ça, qui s’invente et se réinvente au gré de ses interlocuteurs, et ressort finalement indemne de sa folle traversée parmi les tordus trumpistes et autres détraqués. Comme Lilian, partie pour vivre sa vie, on se laisse entraîner dans cette série de mésaventures, de moins en moins crédibles à chaque fois. Il y a pourtant quelque chose de gai et de réjouissant dans « The Sweet East », film « totalement américain » assume son réalisateur, où « Tout finira par arriver ».
Patrick TARDIT
« The Sweet East », un film de Sean Price Williams (sortie le 13 mars).