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« A Man », l’inconnu aux plusieurs noms

Avec ce film, grand succès du cinéma japonais, Kei Ishikawa s’interroge sur l’identité, ce qui fait un homme, la pression sociétale, la famille, l’intégration et le racisme.

Un tableau de Magritte, « La reproduction interdite », apparait au début et à la fin du film de Kei Ishikawa, qui porte un regard critique sur la société japonaise (Photos Art House Films).

Un tableau de Magritte, « La reproduction interdite », apparait au début et à la fin du film de Kei Ishikawa, « A Man » (sortie le 31 janvier). Un homme de dos y fait face à un miroir, qui ne reflète que son dos. Cet homme au visage inconnu renvoie ainsi à l’identité de chacun, grand sujet de ce long-métrage, adaptation d’un roman de Keiichiro Hirano (Prix Yomiuri 2018, le « Goncourt » japonais), et qui avait triomphé aux Japan Academy Prize 2023, en remportant huit récompenses (dont meilleur film, meilleur réalisateur, plusieurs prix d’interprétation…).

Pourtant, c’est une femme que l’on suit d’abord, Rie (interprétée par Sakura Andô), qui sanglote dans sa papeterie. Elle a bien des raisons de pleurer, son père a suivi dans la mort son tout jeune fils de deux ans, emporté par un cancer au traitement douloureux et inutile. Désormais divorcée, Rie élève seule son fils aîné. Un jour d’orage, un jeune homme solitaire, troublé, entre dans sa papeterie. Il y reviendra. La mère éplorée et le timide dessinateur (joué par Masataka Kubota) vont se séduire, former une famille « recomposée », avoir une petite fille, et mener une vie ordinaire.

« Bonne journée », « A ce soir », un matin comme un autre, ils s’échangent des petites phrases de tous les jours. Mais victime d’un accident tragique, l’ouvrier forestier ne rentrera pas à la maison. Lorsque son frère vient se recueillir devant l’autel familial, il est surpris de ne pas y voir la photo du défunt. Il y a bien une photo, mais « Ce n’est pas lui », ce n’est pas Daisuke Taniguchi. Alors « C’est qui ? », se demande forcément Rie ; qui était donc l’homme avec lequel elle a partagé quelques années de sa vie et qui, c’est vrai, était si discret sur son passé ?

Faire semblant d’être un autre

Après la mort de son second mari, Rie (interprétée par Sakura Andô) découvre que celui-ci avait usurpé une fausse identité.

En attendant de découvrir son véritable nom, ce sera « monsieur X » dans un premier temps, ainsi que le baptise un avocat (Satoshi Tsumabuki) qui va mener l’enquête, rechercher son identité, faire analyser son Adn (confirmant qu’il n’était pas celui qu’il prétendait être), partir sur ses traces, en retrouver effectivement, et découvrir que cet inconnu a porté plusieurs noms. De quoi troubler son fils adoptif qui l’appelait papa : qui est-il lui aussi, quel nom de famille doit-il porter : celui de son vrai père, celui de sa mère divorcée, celui de son père adoptif qui est un faux patronyme !?

Autre interrogation : qu’est devenu le véritable Daisuke Taniguchi, qui a disparu sans prévenir ? Lointain descendant d’un immigré coréen, l’avocat est quant à lui renvoyé à ses origines, confronté au racisme, malgré tous ses efforts d’intégration. Certes, changer de nom permet de changer d’identité, de faire semblant d’être un autre. Avec « A Man », Kei Ishikawa porte un regard critique sur la société japonaise, la pression sociétale, familiale, les normes, les blocages, les discriminations… Et s’interroge sur ce qui fait un homme, son nom, sa famille, son passé ou son présent ?

Patrick TARDIT

« A Man », un film de Kei Ishikawa (sortie le 31 janvier).

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