Le cinéaste japonais Kôji Fukada a conçu « un drame amoureux en deux parties », un chassé-croisé sentimental à épisodes.
« Suis-moi, je te fuis », « Fuis-moi, je te suis », les comportements amoureux se résument parfois à une course de l’un/une après l’autre, de jeux d’attirance et de rejet. « Suis-moi, je te fuis », « Fuis-moi, je te suis », ce sont les titres français retenus pour « un drame amoureux en deux parties » tourné par le cinéaste japonais Kôji Fukada (« Harmonium », « L’infirmière »). Ce fut d’abord une série de dix épisodes, adaptée d’un manga de Mochiru Hoshisato, « The Real Thing » (« Honki No Shirushi »), finalement remontée pour le cinéma en deux films qui ne feraient qu’un, et qui sortent une semaine après l’autre dans les salles françaises (11 mai puis 18 mai) après avoir fait partie de la sélection du Festival de Cannes 2020.
Dans le premier long-métrage, « Suis-moi, je te fuis », nous faisons la connaissance de Tsuji (Win Morisaki), beau jeune homme, commercial qui vend des jouets et des feux d’artifice. Dans une remise, entre deux cartons, il échange un baiser avec une jeune collègue enamourée. Mais s’il entretient gentiment le flirt avec la demoiselle, Tsuji retrouve chez lui une autre collègue, avec qui il vit en cachette, un secret bien gardé, ça ne se fait pas dans l’entreprise.
Un « charme étrange » et irrésistible
Hasard d’un soir, il rencontre une jeune inconnue perdue dans une épicerie de nuit ; lorsqu’elle bloque sa voiture sur un passage à niveau, le valeureux garçon lui sauve la vie, acte de bravoure dont il n’est pas vraiment récompensé. La belle disparaît. Puis réapparaît endormie sur un banc, dans la rue. Cette fois, Tsuji lui court littéralement après, et rejoint celle qu’il s’appelle Ukiyo (Kaho Tsuchimura). Dès lors, il va sans cesse voler à son secours, payer ses dettes auprès d’un yakusa, lui éviter la prostitution, et se mettre dans des situations impossibles pour cette jeune femme mystérieuse et dissimulatrice, qui ne fait que répéter trop souvent « Je suis désolée ». Rien n’y fait, il est fasciné malgré lui par cette femme fatale malgré elle, son « charme étrange » et irrésistible, créature désespérante qui disparait sans prévenir.
Mêmes personnages dans la suite, « Fuis-moi, je te suis », où Tsuji se montre indécis, ambigu, avec sa copine officielle, et fuyant avec la collègue jalouse et insistante. Une fois encore, il ne peut s’empêcher de revenir en aide à Ukiyo, n’arrive pas à s’en débarrasser, et surtout pas à s’en détacher, malgré ses cachotteries, ses secrets (elle a un mari, une fille, une belle-famille, un ancien amant), ses trahisons.
Comme pour tourner les pages de ce chassé-croisé sentimental, à chaque épisode, on revient régulièrement dans son appartement minuscule. Mais c’est à son tour de disparaitre, et à celui d’Ukiyo de partir à sa recherche. Suis-moi, fuis-moi, un homme pense devoir sauver une femme qui, elle, se doit de sauver un autre homme. Kôji Fukada met en scène des fragments du mystère amoureux, alors que l’être aimé se fait insaisissable, une quête perdue d’avance. Tout en évoquant les contraintes de la société japonaise (bienséance, relations humaines…), le cinéaste raconte une histoire d’un romantisme moderne, entre destins, hasards et coïncidences. Suis-moi, fuis-moi, je serai toujours là pour toi.
Patrick TARDIT
« Suis-moi, je te fuis » (sortie le 11 mai) et « Fuis-moi, je te suis » (sortie le 18 mai), deux films de Kôji Fukada.