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« La disparition » de la gauche

Avec la complicité du dessinateur Mathieu Sapin, Jean-Pierre Pozzi s’interroge sur le déclin du Parti socialiste. Triste et nostalgique.

« Comment la gauche en est-elle arrivée là ? », se demandent le réalisateur Jean-Pierre Pozzi et le dessinateur Mathieu Sapin.

« Comment la gauche en est-elle arrivée là ? ». Tandis que la campagne des élections présidentielles montre une gauche éclatée façon puzzle, Jean-Pierre Pozzi s’interroge dans son documentaire, « La disparition ? » (sortie le 9 février). C’est bien de la disparition du Parti socialiste et de celle d’une certaine gauche qu’il s’agit dans ce film, tourné avec la complicité du dessinateur Mathieu Sapin. L’auteur de bédés, devenu un spécialiste du reportage dessiné, a posé « son regard amusé et faussement innocent » pour et sur « Libération », a suivi Gérard Depardieu, la campagne présidentielle de François Hollande et ses débuts à l’Elysée. Mathieu Sapin a aussi réalisé un long-métrage de fiction, « Le Poulain », dans lequel un jeune néophyte découvre le monde politique, et dirige actuellement un album collectif sur les élections présidentielles, « Carnets de campagne », qui devrait sortir le 10 mai.

Une date certainement pas choisie au hasard, et qui en évoque une autre, le 10 mai 1981, l’élection de François Mitterrand. Avec des images d’archives, Jean-Pierre Pozzi évoque la liesse de ce jour-là, les « On a gagné ! » de la foule Place de la Bastille, la promesse de « changer la vie », et les quarante ans qui ont suivi. La rigueur Fabius en 1984, le choc Le Pen, les années SOS Racisme, Tonton, les cohabitations avec Chirac puis Balladur, la réélection de Mitterrand, Chirac président et Lionel Jospin Premier ministre (cinq années d’un bilan globalement positif), le « séisme » d’avril 2002 (échec de Jospin, Le Pen au second tour), la candidature de Ségolène Royal (2007) pas vraiment aidée par « les éléphants », l’élection de François Hollande (2012), puis celle d’Emmanuel Macron.

Un récit ponctué d’interviews menés par Mathieu Sapin, lutin au bonnet rouge, qui noircit ses carnets tout en questionnant ses témoins, filmés parfois de nuit dans les rues parisiennes, des lieux emblématiques, Place de la Bastille, le Panthéon, la Pyramide du Louvre, Place de la Concorde, devant la Grande Bibliothèque François Mitterrand… Ou encore, comme dans la première séquence, rue de Solférino, dans le siège désert du PS alors en cours de déménagement. Son guide est Julien Dray, alias « le baron noir » (qui a inspiré la série de Canal+), spécialiste de l’agit-prop, bon témoin de la défense et parfois de l’accusation.

Spécialiste de l’agit-prop, « le baron noir » Julien Dray est le « fil rouge » de ce documentaire.

Une impression de grand gâchis

Si Julien Dray est le « fil rouge » de ce documentaire, d’autres évoquent eux aussi cette « disparition » : le communiquant Philippe Moreau-Chevrolet ; Laure Adler, « pessimiste active » qui rêve d’une gauche « humble, modeste, constructive » ; et le publicitaire Gérard Colé, ancien conseiller de Mitterrand, « fort en gueule et décomplexé » mais qui fait un peu trop « bon client ».

Même question à tous : « Comment la gauche en est-elle arrivée là ? ». Les réponses sont multiples : guéguerres internes, manque de renouvellement, « terrible » déficit démocratique, cynisme des dirigeants, notabilisation, déception populaire, abstention,  éloignement avec l’électorat… Pourtant, à l’élection de Hollande, la gauche avait tout :  la présidence, l’Assemblée nationale, le Sénat, les Régions, de grandes villes… « Il aurait fallu qu’il en fasse quelque chose », estime Philippe Moreau-Chevrolet. « Il n’a jamais parlé au peuple de gauche », ajoute Julien Dray, qui doute aujourd’hui de la capacité du parti à se régénérer, mais pense quand même qu’il « ne va pas mourir ».

Pour ceux qui avaient cru que le changement c’était maintenant, l’ensemble laisse une impression de grand gâchis. « La disparition » est finalement assez triste pour le nostalgique et vieil électorat de gauche, qui ne sait plus aujourd’hui à quel saint laïc et socialiste se vouer et qui, comme Laure Adler, est effrayé par une arrivée possible de l’extrême-droite.

Patrick TARDIT

« La disparition », un film de Jean-Pierre Pozzi avec Mathieu Sapin (sortie le 9 février).

« La disparition » est un film finalement assez triste pour le nostalgique et vieil électorat de gauche.
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