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La terre promise par le Boss

Sélectionné au Festival du Cinéma Américain de Deauville, le film de Gurinder Chadha, « Music of my life », fait résonner les chansons de Bruce Springsteen.

Seul dans sa chambre aux murs emplis de posters de Bruce Springsteen, Javed essaie d’écrire des poèmes, des chansons, encouragé par sa prof de littérature.

L’an dernier, le Festival du Cinéma Américain de Deauville avait décerné son Grand Prix à « Thunder Road », film de Jim Cummings, dont le titre fait référence à une chanson de Bruce Springsteen, le personnage principal, un flic paumé, étant fan du Boss. Cette année, les chansons de Springsteen ont encore fait vibrer le public normand avec la sélection dans le même festival de « Music of my life », un film de Gurinder Chadha (en salles depuis le 11 septembre).

Dans « Joue-la comme Beckham », la réalisatrice avait pour héroïne une jeune anglaise d’origine indienne qui voulait jouer au foot. Cette fois, son personnage principal est un ado de 16 ans, Javed (interprété par Viveik Kalra), né dans une famille pakistanaise, qui s’ennuie dans la campagne anglaise, à Luton, et l’Angleterre sinistrée des années 80 et de Margaret Thatcher.

Si Danny Boyle réalise un bel hommage aux Beatles, tout en les faisant disparaitre, dans son film « Yesterday », Gurinder Chadha rend un bel hommage à un Springsteen bien vivant à travers ses chansons. La cinéaste anglaise s’est inspirée du récit de Sarfraz Manzoor, « Greetings from Bury Park » ; le môme de Luton fan de Bruce, devenu ensuite journaliste, c’était lui. Lui qui regardait passer les voitures sur l’autoroute voisine, voitures qui ne s’arrêtaient pas à Luton mais filaient vers quelque part ailleurs dans le monde.

New Jersey, Luton, même ennui

« Je croyais que j’étais anglais », dit Javed à son père qui lui conseille de « faire comme les Juifs ». Dans ces années de crise, Javed découvre le racisme, la haine des fachos du National Front, et ne se voit aucun avenir, aucun destin, entre une mère couturière à domicile, une sœur bientôt mariée, un père intransigeant, borné, et désormais chômeur, licencié de l’industrie automobile. Seul dans sa chambre, Javed essaie d’écrire des poèmes, des chansons, encouragé par sa prof de littérature.

La vie de Javed change un soir d’orage où il glisse dans son walkman une cassette prêtée par un copain. Alleluia ! Ce sont les chansons du « Boss », Bruce Springsteen, le working class hero du New Jersey qui chante l’Amérique déclassée. C’est la révélation : comme Javed, Bruce était « Born to run », décidé à s’échapper de cette petite ville où il étouffe, cet endroit qu’il faut quitter pour espérer une autre vie, pour aller vers « The Promised Land », la terre promise. Avec ces refrains, un gars du New Jersey lui parlait à lui, le prolo immigré en Angleterre, qui allait trouver le courage de séduire Eliza, mignonne demoiselle au béret rouge (jouée par Nell Williams), miss engagée et distribueuse de tracts.

« La vie n’est pas une chanson de Bruce Springsteen », mais il y a beaucoup de vie dans ses chansons, et donc dans « Music of my life », qui est de ces films qui font du bien, pas uniquement parce qu’il y a une bonne dose du Boss dedans. Certes un peu naïve, cette comédie grand public, aussi rock que romantique, a aussi la fraîcheur de l’innocence, et décrit une triste réalité sociale sans en faire un drame plombant. Car à la fin, Javed va enfin la prendre cette fameuse autoroute, pour aller voir et vivre ailleurs, avec les chansons du Boss dans la tête et les oreilles.

Patrick TARDIT

« Music of my life », un film de Gurinder Chadha (en salles depuis le 11 septembre).

Dopé par les chansons du Boss, Javed (interprété par Viveik Kalra) va trouver le courage de séduire la mignonne Eliza (jouée par Nell Williams).
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