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« Guy », portrait d’un chanteur populaire

«  Tout est inventé, ce film est une ode à la vie », confie Alex Lutz, qui a réalisé un surprenant vrai-faux documentaire.

"Si je suis comme ça à 74 ans, ça me va", assure Alex Lutz, qui s'est grimé, vieilli, pour ce rôle.
« Si je suis comme ça à 74 ans, ça me va », assure Alex Lutz, qui s’est grimé, vieilli, pour ce rôle.

C’est « à nos pères » qu’ Alex Lutz a dédié son film, « Guy » (sortie le 29/08). Au sien, bien sûr, et à celui de son complice depuis toujours, Tom Dingler, copain de lycée à Strasbourg, et fils du chanteur Cookie Dingler. Outre le fait d’être lui aussi une ancienne gloire de la chanson, ce Guy Jamet, qu’Alex Lutz incarne, a peu d’autres points communs avec l’interprète du fameux tube « Femme libérée ».

C’est pourtant un rôle de fils que tient Tom Dingler, qui joue Gauthier, jeune homme dont la mère vient de mourir. Pensant être un fils illégitime de ce « Guy » (sa maman était une grande fan du chanteur), et pour se rapprocher de ce père qui s’ignore, Gauthier tourne un reportage sur l’ex-gloire des sixties. Et ce sont ses images, celles d’un vrai-faux documentaire, que nous voyons dans le second film réalisé par Alex Lutz, après « Le talent de mes amis », tourné avec ses copains, Tom Dingler, et Bruno Sanches, son complice de « Catherine et Liliane ».

Si, sur Canal+, Lutz se transforme en Catherine, peste blonde et papoteuse, il s’est cette fois métamorphosé en « Guy », grimé, vieilli, avec rides et cheveux blancs, subissant cinq heures de maquillage et la pose d’une quinzaine de prothèses. « Oui, ça m’a fait drôle quand je me suis vu, mais si je suis comme ça à 74 ans, ça me va », confiait-il, lors des Rencontres du Cinéma de Gérardmer.

« La question de l’âge, du temps, la filiation »

« La création de portrait est quelque chose de récurrent chez moi, je me suis intéressé à ce bonhomme que j’ai inventé, comme un roman. Rien n’existe mais en même temps tout existe, et rien ne parait exceptionnel », dit-il, « Dans mon premier spectacle, il y avait déjà une personnage âgé, un cabaretiste, la question de l’âge, du temps, la filiation, ce qui reste, c’est quelque chose qui revient dans ma modeste oeuvre ».

« Je le voulais chanteur, parce que paradoxalement c’est filmique », précise Alex Lutz, qui en fait une incarnation étonnante, tout à fait crédible, avec reconstitutions de clips et scopitones, fausses images d’archives comme sorties de l’INA, et « vrais » galas de province lors d’une énième tournée de retour. « Je suis heureux quand j’ai de la composition à faire, je me sens beaucoup plus capable d’immense sincérité quand j’ai une biographie autre et propre à défendre », estime l’auteur-réalisateur.

En voyant et écoutant ce « Guy » (le film a fait la clôture de la Semaine de la Critique, au Festival de Cannes), les références sont multiples, Michel Sardou, Franck Michael, Michel Delpech… Chacun reconnaîtra qui il voudra : « Il fallait inventer un mec qui n’existe pas mais qui existe », dit Lutz, qui a pris plaisir à inventer le passé, les chansons, les amours, tout l’univers de cet « artiste de variétés » qui fut à la mode avant de devenir ringard. « C’est ce que j’adore dans la création d’un personnage, c’est ce que j’ai fait avec Catherine aussi », dit-il.

Vincent Blanchard et Romain Greffe ont ainsi écrit une douzaine de chansons, dont certaines ressemblent à de vrais tubes passés. « On s’est beaucoup amusés en les enregistrant et sur les concerts. Il fallait le rendre d’emblée familier, créer une empathie, c’était un challenge de créer un répertoire inédit », assure Alex Lutz, « Guy n’est pas un stratège, il n’a pas géré sa carrière d’une main de maître, il a fait un ou deux succès importants par décennie. J’avais une liberté incroyable dans la construction du film, c’était assez agréable ».

« Ce sont les paradoxes qui m’intéressent chez les gens »

Misogyne, rétrograde, cabot, cynique… « Guy » a un côté vieux con, et pourtant Lutz a de la tendresse pour ce personnage : « C’est comme ça que je voulais le montrer. On est tous dans nos certitudes, je montre des personnages vulnérables, dans leurs approximations et dans leur superbe, ce sont les paradoxes qui m’intéressent chez les gens », confie le réalisateur, citant Sagan qui répugnait « à détester quelqu’un ».

«  Tout est inventé, c’est un film qui est une ode à la vie », dit le Strasbourgeois, qui trouvait ça « chouette » de faire naître Guy Jamet à Metz, d’où est originaire une partie de sa propre famille. Filmé dans sa maison de Provence, aussi fatiguée que lui, Guy est parfois pathétique, mais c’est aussi un homme aimé des femmes, jouées par Pascale Arbillot, Dani, Elodie Bouchez, Nicole Calfan, Marina Hands.

Face à la caméra, Guy parle au jeune homme qui le filme ; tout est faux, et pourtant dans un grand réalisme c’est la vérité d’un homme qui apparaît, le portrait d’un chanteur populaire qui s’offre un bonus de vie.

Cinéma, télé, spectacle, mises en scène… Alex Lutz donne quant à lui l’impression de se démultiplier. « Je me suis franchisé », plaisante-t-il, « C’est une histoire d’organisation du temps, j’ai la chance d’être objectivement passionné par mon métier, c’est l‘essentiel de mon temps. Mais avec les années, j’aime bien que les choses arrivent les unes après les autres. La télé donne l’impression que vous y êtes tout le temps, mais on n’enregistre que toutes les deux semaines. Cela fait vingt ans que j’ai la chance de faire ce métier, j’ai fait des rencontres fortes, c’est un puzzle ».

Patrick TARDIT

« Guy », un film d’Alex Lutz (sortie le 29/08).

Alex Lutz, alias Guy, a interprété sur scène les "tubes" du chanteur : "On s'est beaucoup amusés en les enregistrant", dit-il.
Alex Lutz, alias Guy, a interprété sur scène les « tubes » du chanteur : « On s’est beaucoup amusés en les enregistrant », dit-il.
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