Pour l’économiste Marc Touati la France traverse une crise de crédibilité sans précédent, sur fond de croissance atone, de dérive budgétaire et de hausse continue des impôts. “Nous sommes devenus la risée du monde”, déplore-t-il.

La France en queue de peloton mondial
Les derniers indices PMI (enquêtes des directeurs d’achat) confirment la dégradation : la France affiche un score de 47,7, bien en dessous du seuil de 50 qui marque la croissance. Le pays se classe dernier parmi les grandes économies, derrière le Canada, le Brésil et même l’Afrique du Sud.
Pendant ce temps, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la zone euro dans son ensemble montrent des signes de reprise, tout comme les États-Unis et l’Inde, cette dernière étant devenue la “nouvelle locomotive de la croissance mondiale”.
Une “affaire d’État” sur les comptes publics
Touati revient sur ce qu’il qualifie de scandale d’État : la révélation par Bruno Le Maire d’un dérapage de 50 milliards d’euros dans les finances publiques en 2024.
Selon l’économiste, le ministre de l’Économie aurait alerté le président Macron dès février 2024, mais aucune mesure n’aurait été prise. “C’est un mensonge d’État. On a caché la vérité aux Français”, accuse Touati, estimant que la situation est “pire que celle de la Grèce en 2010”.
Impôts en hausse et ponction sur l’épargne
Autre sujet d’inquiétude : la hausse de la fiscalité prévue dans le projet de loi de finances, à hauteur de 53 milliards d’euros d’impôts supplémentaires.
Touati dénonce également une mesure qu’il juge “kafkaïenne” : la taxation des fonds en euros de l’assurance-vie, c’est-à-dire l’épargne qui finance la dette publique française.
À cela s’ajoute une hausse de la CSG sur les revenus du capital, qui pourrait atteindre près de 20 % à terme. “On préfère pressurer les épargnants plutôt que réduire les dépenses”, regrette-t-il.
Retraites : “un système à bout de souffle”
La suspension de la réforme des retraites aggrave selon lui la perte de crédibilité du pays. La France devient le seul grand pays développé à ne pas avoir réformé son système, ce qui pèsera lourdement sur les comptes sociaux.
Touati rappelle que les retraites publiques nécessitent chaque année 40 à 60 milliards d’euros de subventions, et plaide pour une harmonisation entre public et privé, ainsi qu’une introduction encadrée de la capitalisation pour soutenir la répartition.
Le contexte mondial plus dynamique
À l’échelle planétaire, Marc Touati observe une légère amélioration de la conjoncture : la croissance mondiale devrait atteindre 2,8 % en 2025, contre 3,2 % en 2024.
L’Inde et les États-Unis tirent cette croissance, tandis que la Chine ralentit et l’Europe redresse timidement la tête. “La France, elle, décroche”, résume-t-il.
Des marchés boursiers euphoriques… à tort ?
Malgré ce contexte incertain, les marchés financiers flambent :
- +43 % pour le CAC 40 depuis 2022,
- +91 % pour le S&P 500 américain,
- +130 % pour le Nasdaq.
Touati juge cette euphorie dangereuse : “Les valorisations sont délirantes. Le PER de Nvidia est à 55, celui de Tesla à 301. Cela appelle une correction violente.”
Il liste dix risques majeurs pour les marchés : ralentissement mondial, inflation persistante, dettes publiques record, risques bancaires, et tensions géopolitiques.Une éclaircie venue des États-Unis
Seule note positive : la fin du shutdown américain, le plus long de l’histoire (plus de 40 jours), après un accord entre démocrates et républicains. Une issue qui devrait “redonner un peu d’air” aux marchés et éviter un blocage économique pendant Thanksgiving.
“L’hiver sera rude, mais il offre des opportunités”
En conclusion, Marc Touati prévient : “L’hiver sera rude, économiquement et socialement.” Mais il y voit aussi “une phase d’opportunité” pour rebâtir sur des bases plus saines — à condition, insiste-t-il, “d’avoir le courage de dire la vérité et d’agir enfin avec sérieux”.
“Ce n’est pas sérieux.” — une phrase devenue son leitmotiv, qu’il affiche sur un t-shirt et répète comme un cri d’alarme face à la dérive économique française.