Après la RATP, les cheminots seront en grève, ce mardi 24 septembre contre la réforme des retraites. Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat First explique pourquoi.
Ils ont presque tout perdu. Leur réglementation du travail ? Aallégée en 2014… Leur statut ? Promis à une lente disparition. Leur entrepris ? Éclatée dès 2020 en sociétés anonymes… Leur réseau ? Bientôt noyé sous la concurrence. Et leur régime spécial de retraite, considérablement écorné par la réforme de 2008. Le peu qu’il en reste risque d’être bientôt remis en cause. C’est pour cela que certains cheminots se mobiliseront demain, faisant suite à leurs collègues de la RATP.
Lointain souvenir
La grève sera-t-elle suivie ou non ? Rappelons tout d’abord que l’unité syndicale fait partie des vieux souvenirs. Depuis une dizaine d’années, les actions rassemblant l’ensemble des syndicats de la SNCF n’ont plus cours. Même lorsqu’il s’agit de défendre des enjeux majeurs. Ce fut notamment le cas l’année dernière lors de la grande grève contre la réforme de la SNCF. L’unité de 95, pour ceux qui l’ont connue, n’est plus qu’un lointain souvenir.
En 2018, quatre syndicats sur les huit présents à la SNCF avaient fait front commun contre la réforme de la SNCF. Deux d’entre eux à leur corps défendant. Selon une stratégie bien rodée, ces derniers avaient annoncé leur participation à la grève, puis attendaient le coup de fil libératoire et les ‘’mesurettes’’ qui leur auraient permis d’en sortir.
Sauf que cette fois, le nouveau président de la République a rompu cette tradition ancestrale. Jugeant ce type de démarche superflu, aucune perche n’a été tendue. Les téléphones sont restés muets. Certains se sont trouvés empêtrés jusqu’au cou dans ce conflit sans fin.
Divisions
Avec la montée de la grogne, et notamment l’affaire des Gilets Jaunes, Macron se méfie et renoue avec des pratiques qui ont fait largement leurs preuves par le passé. Les lignes ont été rétablies avec qui de droit. Les échanges « qui vont bien » ont été menés bien en amont du lancement de la réforme des retraites. Réforme dont on peut donc affirmer à ce jour qu’elle ne sera pas ardemment combattue par certains syndicats.
Parmi les quatre « représentatifs » à la SNCF, deux s’opposeront farouchement à la remise en cause du régime spécial… et deux autres beaucoup moins. Tout cela ne favorise évidemment pas la mobilisation des troupes.
Sur le terrain, les porte-monnaie des salariés susceptibles de se mobiliser conservent encore les stigmates des 35 jours de grève menée l’année dernière. Ça calme. La réaction de l’opinion publique face à ce mouvement ne les incite pas plus à faire du zèle. De leurs syndicats, les cheminots espèrent une union qui ne pourra voir le jour. Pour autant, en interne, le ras-le-bol s’accentue. Les nouvelles attaques contre le régime spécial de retraite jettent de l’huile sur un feu déjà bien alimenté.
30% des cheminots
En résumé, si la grève mobilise demain 30 % des cheminots, ses organisateurs pourront la considérer comme un vrai succès. Les conducteurs seront comme toujours en premières lignes, avec un impact réel sur les circulations. Pas sûr que la mayonnaise prenne partout ailleurs, pour l’instant.
En revanche, ceux qui auraient tendance à se réjouir trop vite d’une action en demi-teinte feraient bien de se méfier. La thématique du régime spécial reste ultrasensible à la SNCF. La plaie ouverte par la réforme de 2018 reste béante.
Rappelons aussi que ce sont les salariés, et non les syndicats, qui furent à l’origine du conflit de 95. Les derniers avaient repris la main sur le mouvement après quelques jours de grève. En ce temps-là, ils savaient s’unir lorsqu’il le fallait.
Ça va faire mal
On est donc à l’abri de rien. Cette fois, les cheminots ne seront pas les fers de lance des actions menées contre les réformes des retraites. Et peut-être tant mieux.
Il reste certain que si la grogne venait à se généraliser, ce bastion social, quoique bien malmené, ne resterait pas inactif. Que les salariés bénéficient ou pas du soutien des syndicats. Les cheminots en ont gros sur la patate. Comme on le sait, la France est une poudrière. Cela ne veut pas dire que tout va péter maintenant. Cela veut dire que lorsque l’explosion aura lieu, ça va faire mal.
Et les pompiers en mesure d’éteindre l’incendie ne seront pas légion.