Vincent Helfrich, Excelia Group – UGEI
L’économie, une matière trop abstraite ? Si elle imprègne leur quotidien, de l’évolution des prix au supermarché du coin à l’ouverture d’un compte en banque, en passant par la recherche d’un job d’été, l’économie suscite nombre d’a priori chez les étudiants. Même dans les business schools, pourtant fréquentées par des jeunes intéressés en principe par le fonctionnement des entreprises ou le commerce international.
Leurs craintes ? L’importance des maths dans les cours, les théories de base à assimiler, la nécessité de bachoter ou encore la sévérité de la notation. Le recours à des fictions, comme la série animée Les Simpson, peut constituer un moyen de surmonter ces blocages, en créant des liens entre un univers familier et des concepts nouveaux à assimiler.
Une base d’exemples concrets
Certains chercheurs proposent de puiser des supports pédagogiques dans la culture populaire pour enseigner les bases de l’économie. L’usage de supports de ce type a l’avantage de susciter des réactions chez les étudiants, en partant d’exemples ludiques et concrets. Cette approche s’inscrit dans les réflexions plus larges autour de « l’active learning » et de l’innovation pédagogique nécessaire pour aborder l’économie autrement. Elle a favorisé des initiatives ponctuelles dans les écoles et universités, mais aussi des productions plus formalisées, comme la série de livres L’économie en bandes-dessinées ou encore Economix.
Dans le cadre d’un cours d’introduction à l’économie, on part en général des mécanismes de bases de la microéconomie – les comportements du consommateur et du producteur – ce qui permet de formuler l’offre et la demande, et donc le marché et ses propriétés. Puis l’on glisse vers les mécanismes macro-économiques, les questions d’économie internationale ou industrielle. Des séries télévisées peuvent servir de support à des débats sur la représentation de l’économie, par exemple, ou venir en appui d’explications techniques.
La série Les Simpson est particulièrement pertinente pour cela, comme l’indiquent certains économistes spécialisés en pédagogie. Créé en 1987 par Matt Groening, le dessin animé présente le quotidien des Simpson, une famille américaine de classe moyenne, au sein de la petite ville de Springfield, avec quelques échappées dans d’autres villes américaines, voire en France, au Japon ou en Australie. Il offre différents niveaux de lecture à ses spectateurs et, par son ancienneté de 30 ans, procure une base importante d’exemples.
La richesse des analogies
Beaucoup d’épisodes portent un regard critique sur la société et font de multiples clins d’œil à l’actualité politique, aux sciences, à la culture, etc. On y trouve notamment des références, explicites ou implicites, à des mécanismes économiques de base ou à des faits socio-économiques majeurs : le travail des femmes, la place des seniors, le rôle des syndicats, la précarité… Y sont évoquées aussi l’économie de l’environnement, à travers les externalités négatives de la centrale nucléaire, les interventions de l’État et les marchés publics, ou le monde de la finance, de l’affaire Enron à la crise des subprimes.
Auprès d’étudiants en première année de licence, qui n’ont pas encore une bonne capacité d’abstraction ou une expérience de terrain significative, cet artifice peut s’avérer plus pédagogique que de travailler sur des exercices totalement décontextualisés (l’entreprise E, la variable X, etc.), ou sur des cas bien réels, mais trop éloignés encore de leur quotidien. En effet, une simple image d’un personnage récurrent des Simpson sera immédiatement associée par les étudiants à l’ensemble des traits spécifiques, parfois caricaturaux, qu’il incarne dans la série.
Créer un déclic
Bien sûr, l’usage de ce type d’approche doit rester ponctuel et mesuré. Il faut parfois relativiser l’image trop caricaturale ou simpliste de certains cas pour se raccrocher à la réalité économique, mais cela s’avère un bon moyen de déclencher un « déclic » dans l’apprentissage. La montée en expérience et en maturité des étudiants permet ensuite de glisser vers des études de cas plus classiques.
L’utilisation de ces sources fictionnelles peut susciter une critique quant à leur manque de réalisme justement. Celle-ci peut cependant être relativisée pour deux raisons. La première est que l’analogie mobilisée et ses limites sont expliquées aux étudiants et que ces derniers ont la capacité à relativiser cet exercice. De plus, cela reste un artefact au sein d’un cours complet qui ne se résume pas qu’à cette approche.
Deuxièmement, les théories économiques elles-mêmes contiennent une part de fiction. Dans ce sens, nous suivons la position d’Ariel Rubinstein, économiste théoricien de renom, qui compare les modèles théoriques en économie à des fables. Pour lui, dans les deux cas, on s’éloigne de la réalité tout en apprenant des choses pertinentes sur elle. Avec notre approche, nous inversons le concept en utilisant les fables pour comprendre les modèles, puis la réalité.
Vincent Helfrich, Professeur Associé, Excelia Group – UGEI
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.