Benoit Aubert, Pôle Universitaire Léonard de Vinci
Les Suisses n’ont pas craqué dimanche soir face aux offensives de notre équipe nationale, mais leurs maillots rouges si, et plus d’une fois ! Fait rare dans des compétitions de ce niveau, cinq maillots des footballeurs helvétiques ont terminé en lambeaux sous les yeux médusés ou amusés de centaines de millions de spectateurs dans le monde. Lundi matin, l’équipementier devait lui aussi voir rouge, de colère ou de stupéfaction, face à cette situation inédite et promettait des explications rapides.
Ce qui s’apparente à une non-conformité du produit n’est pas un cas isolé dans l’industrie. Nous avons tous en tête des rappels en masse de véhicules par les constructeurs ou des situations de retrait de produits de grande consommation pour cause de défaut de fabrication. L’impact peut être fâcheux, voire désastreux, tant en termes d’image de marque que de baisse des ventes. Alors, pour le fabricant de maillots, pas une minute à perdre dans ce qui s’apparente à une situation de gestion de crise. Regard sur les pratiques dans ce cas de figure.
Un rapport de force inégal
Pas simple de gérer une situation de crise, et la communication qui l’accompagne, lorsqu’une marque se retrouve seule contre tous. Dès la fin du match hier, les commentaires ont fusé, tant de la part des journalistes que d’internautes. Les réseaux sociaux permettent une communication instantanée et massive que la marque incriminée ne peut plus contrôler.
Fleurissent alors sur Twitter des commentaires mesquins sur la matière utilisée (« du sopalin », « du papier crépon »), sur la qualité d’ensemble (« y’a pas à dire, le maillot suisse, y déchire » ; « le maillot suisse est en gruyère, c’est pour cela qu’il y a des trous », etc.). Les journaux s’emparent eux aussi de l’incident, questionnant son origine. Les principaux titres de la presse française commentaient ainsi le sujet tant dans les versions papier que numérique.
Éviter la tentation de l’attribution
Face à la propagation d’informations, de commentaires et d’hypothèses sur l’origine du mal, les marques prennent souvent garde à éviter la tentation de l’attribution, c’est-à-dire désigner un « coupable » extérieur. En d’autres termes, le « c’est pas moi, c’est l’autre » n’est pas une approche efficace. D’ailleurs, à cette heure, l’équipementier en question n’a pas tenté de désigner leurs sous-traitants, les machines à coudre ou les joueurs de l’équipe de France comme responsable. La posture adoptée est plus neutre, donnant une large place à l’investigation et à la compréhension.
Ainsi apprenait-on lundi 20 juin à 13h que les tissus étaient en cours d’analyse. Dans un second temps, on peut supposer que l’industriel va fournir des explications, faire amende honorable et communiquer sur les actions correctives. L’objectif est alors de rétablir l’équilibre entre notoriété et image : que l’on continue à parler de la marque, non pour la faiblesse identifiée mais pour ses valeurs habituelles.
La gestion des réclamations
En complément ; le fabricant va devoir gérer les réclamations individuelles de clients. Sur ce point, l’enjeu est double. D’une part, protéger l’image et la relation de confiance des consommateurs à cette marque. D’autre part, éviter la chute des ventes et les retours en boutique qui mécontenteraient les chaînes de distribution. Il faut donc démontrer rapidement le caractère isolé de l’incident et le valoriser par des explications positives. On peut alors arguer de faits comme l’innovation produite, le risque inhérent au sport de haut niveau ou bien encore un défaut isolé et parfaitement circonscrit après analyse.
Les risques sur le long terme
Bien entendu l’affaire des maillots déchirés peut générer une crise majeure à court terme. Des négociations avec des équipes peuvent conduire à des changements substantiels dans les contrats, voire des ruptures. Dans les jours qui viennent, l’équipementier va probablement rebondir et utiliser l’incident pour en faire une force en termes de communication.
À long terme, l’équipementier en question jouit davantages : sa réputation et son image. Dans ce contexte, fort est à parier que l’incident, s’il reste isolé, n’aura que peu de conséquences et les ventes de maillots seront in fine conformes aux prévisions initiales. Et puis, pour le prochain Suisse-France, on vérifiera par trois fois les maillots pour éviter un nouveau déchirement des cœurs et de belles envolées lyriques sur Twitter !
Benoit Aubert, Directeur du développement, Pôle Universitaire Léonard de Vinci
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.