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Quelles perspectives pour les budgets des collectivités territoriales ?

Sebastien BOURDIN, École de Management de Normandie

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Les collectivités devront réduire leurs dépenses ((Photo credit: Giåm via Visualhunt / CC BY)

Les collectivités territoriales sont appelées à la sobriété… mais doivent être toujours plus compétitives et attractives pour (i) faire venir sur leur territoire des entreprises, des cadres et des touristes et (ii) maintenir les résidents sur place et éviter les délocalisations. Les interrogations sur les économies budgétaires possibles sont nombreuses et les solutions ne coulent pas toujours de source. Si la nécessité d’un redressement des finances publiques ne fait plus de doute[1], il convient cependant de s’interroger sur la manière dont il est réalisé et les conséquences qu’il a sur les collectivités.

À noter qu’un rapport du Sénat de novembre 2014 fait mention de difficultés financières graves pour 10 % des communes de plus de 10 000 habitants et pour certains départements : 1 entité sur 10 est en situation d’insolvabilité avec un encours de dette de plus de 15 années d’épargne brute sans disposer des capacités de désendettement ! 3000 communes sont d’ores et déjà sous tutelle préfectorale.

Réaliser des économies budgétaires : oui mais comment ?

Parmi les grands objectifs de la réforme territoriale, celui de réaliser des économies budgétaires s’est révélé proéminent durant toute la période de communication du gouvernement qui a précédé les différents votes des lois à l’Assemblée nationale et au Sénat.

André Vallini – alors Secrétaire d’État à la Réforme territoriale – révélait ainsi que la réforme permettrait de réaliser des économies d’échelle conséquentes, notamment via la suppression de doublons et la mutualisation des moyens. Chiffrés entre 10 et 25 milliards d’euros (soit 5 à 10 % du budget annuel des collectivités), le gouvernement avait probablement surestimé les gains possibles.

Ceci s’explique assez simplement : la réforme territoriale a essentiellement porté sur la réduction du nombre de régions dont le budget s’élève à environ 30 milliards d’euros – ce qui par ailleurs n’est pas excessif au regard de leurs compétences de plus en plus larges – alors que le budget total des collectivités.pdf) pour 2014 était de 229,6 milliards d’euros.

Trois quarts du budget correspondent au fonctionnement et le dernier quart à l’investissement. Selon http://www.economie.gouv.fr/dgfip, les dépenses de personnel représentent 35 % des dépenses totales de fonctionnement des collectivités territoriales en 2014. Elles sont essentiellement portées par les communes (62 %), puis par les départements (21 %), les intercommunalités (12 %) et les régions (5 %).

Reste qu’on peut se poser la question : les économies ne devraient-elles pas être réalisées sur le fonctionnement de l’État central (dont les charges de fonctionnements – hors rémunérations des salariés – s’élèvent à 147 milliards d’euros) plutôt que sur les collectivités qui investissent pour leurs territoires ?

Aider les collectivités efficientes

Au cœur de cette réforme territoriale se trouve également la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l’ordre de 30 milliards d’euros sur 2013-2017. Celle-ci représente en moyenne 19 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités contre 60 % pour la fiscalité (60 %).

Néanmoins, il s’agit là d’une moyenne et la réalité du terrain est très contrastée. Par ailleurs, la DGF pèse de manière différenciée sur les budgets des communes (voir un exemple dans le tableau ci-dessous). Ceci a une incidence importante puisque la DGF des communes qui investissent et souhaitent être toujours plus compétitives telle que Deauville est revue à la baisse… principe de péréquation oblige ! Les bons élèves ne sont pas toujours récompensés.

Tableau : évolution de la DGF.
http://www.collectivites-locales.gouv.fr

La principale difficulté aujourd’hui est que les collectivités semblent prioriser des baisses sur l’investissement plutôt que sur le fonctionnement ce qui ne semble pas des plus stratégique si l’on pense à l’intérêt pour elles d’être toujours plus attractives. Un rapport du Sénat de juillet 2015 expliquait qu’une baisse de 30 % des investissements locaux apparaissait comme « malheureusement incontournable ».

D’autres décisions devront probablement être envisagées telles qu’une hausse des impôts locaux. Or, les résidents sont souvent sensibles à la fiscalité et celle-ci peut déterminer leur choix de localisation dans l’une ou l’autre commune… la fiscalité des collectivités locales est un enjeu d’attractivité ou de répulsion.

Gérer les personnels des collectivités

La critique souvent repérée est celle concernant l’augmentation du personnel au sein des communes et des intercommunalités au cours des dix dernières années. Néanmoins, cette hausse des effectifs est la conséquence d’une décentralisation accélérée (davantage de compétences déléguées aux collectivités) et de réformes telle que celle concernant les rythmes scolaires qui a engendré par exemple l’embauche d’animateurs. Couper dans les dépenses de fonctionnement n’est pas donc si simple si l’on veut assurer un service public de qualité… auquel les résidents sont aussi très sensibles. Trouver l’équilibre entre recettes et dépenses n’est donc pas chose aisée.

La nécessité de réaliser des économies ne pose pas seulement des problèmes en termes de gestion, elle en pose aussi d’un point de vue managérial. En effet, au-delà du pragmatisme indispensable que les directeurs généraux des services doivent avoir, il s’agit d’accompagner le changement auprès du personnel. Il ne faut donc pas négliger la question des ressources humaines et plus spécifiquement les changements de postes des employés (aussi bien sur la localisation géographique que sur les missions qui leur sont confiées).

Dans le contexte de grande incertitude dans lequel le personnel est plongé actuellement, la communication et la concertation sont essentielles pour assurer une transition et non un choc. Tout comme dans le secteur privé où la problématique du bien-être au travail est de plus en plus répandue avec les entreprises libérées par exemple, de nouveaux modèles managériaux sont sûrement aussi à inventer dans le public. Réduction des budgets des collectivités territoriales, certes, mais pas à n’importe quel prix… social.

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Sebastien BOURDIN, Enseignant-Chercheur en développement territorial, École de Management de Normandie

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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