Occitanie
Partager
S'abonner
Ajoutez IDJ à vos Favoris Google News

Le Monarque aux 80 visages*

Georges Frêche, le Monarque aux 80 visages de Jacques Molénat (Cairn édition)
Georges Frêche, le Monarque aux 80 visages de Jacques Molénat (Cairn édition)

Dix ans après sa mort, son fantôme hante toujours la ville de Montpellier. Le journaliste Jacques Molénat, qui a bien connu Georges Frêche, brosse un portrait savoureux de cette grande gueule de la politique méridionale.

Qui était Georges Frêche : un autocrate odieux ou un fin stratège politique ?

Les deux ! Il était habité par une formidable volonté de puissance. Sa jouissance était d’exercer une emprise sur les êtres et sur les territoires dont  il s’était emparé. La ville de Montpellier d’abord. La région Languedoc-Roussillon ensuite. La politique était sa passion. Il laisse une forte empreinte de bâtisseur et de créatif. La Florence de Laurent de Médicis était sa référence. D’une ville quelconque il a fait une métropole culturelle avec le concours de barons de haut niveau qu’il avait su recruter et à qui il avait donné carte blanche.

-Un homme d’une rare culture malgré tout…

Je crois qu’il était plus instruit que cultivé. Il n’était pas animé par de fortes émotions culturelles. En revanche, servi par une formidable mémoire, il savait déployer un savoir étourdissant qui souvent éblouissait ses interlocuteurs et son public. C’était d’ailleurs son objectif.

-On se souvient de ses saillies au conseil municipal ou régional. A Jacques Blanc, l’ancien président du Conseil régional cette pique: « Vous êtes nul. Tout le monde le sait. Moi, ça m’arrange. » Gouvernait-il avec ces formules à l’emporte-pièce ?

Il avait l’art de la formule qui fait mouche et, parfois, tue. C’était en effet l’une de ses manières de gouverner. En politique c’est un grand talent. Et pour Frêche qui maniait cette arme avec dextérité, il s’offrait le plaisir royal de disqualifier l’adversaire, de semer la discorde chez l’ennemi…

-Il disait aussi : ‘’je suis de gauche, mais intelligent’’. Qu’est-ce qui le caractérise le plus : sa cruauté ou son humour ?

Les deux ! Il était drôle et féroce en même temps. Avec un cynisme incroyable il avait confié sa recette pour vassaliser les élus à la communauté d’agglomération et à la Région : « Un chauffeur, une carte bleue et je les mets à la mangeoire ! »

Jacques Molénat, journaliste et écrivain de Montpellier (photo VINCENT PEREIRA)

-Georges Frêche ne mâchait pas ses mots. En 1999, il a piqué une colère sur le foulard islamique (voir la vidéo ci-dessous). Etait-il antimusulman ?

Oui et non. Oui car, dans la mesure où il ne supportait pas le voile islamique. Non car ils représentaient des électeurs à séduire. Il s’était institué le « chef des musulmans de Montpellier ». Il voulait surtout les contrôler et les encadrer. Il leur construisait leurs moquées initialement présentées comme des « salles polyvalentes ».

-Il a dit de Fabius qu’il avait « une tronche pas catholique » ce qui provoqua un énorme tollé. Etait-il antisémite ?

Pas du tout ! Au contraire ! Il avait confié que son rêve aurait été d’être juif. Il s’était mis  dans la poche la communauté juive de Montpellier. Il était un fervent partisan d’Israël. Il avait dit un jour que Montpellier était la « pointe avancée de Tsahal » !

-Que reste-t-il aujourd’hui de cet homme haut en couleur qui a régné pendant plus de trois décennies sur Montpellier et la région Languedoc-Roussillon ?

Une ville transformée parfois pour le pire – une expansion urbaine démesurée – plus souvent pour le meilleur -un essor culturel haut de gamme. Les jeunes générations l’ignorent. Mais il reste très présent    dans la mémoire collective comme en témoignent les multiples hommages organisés à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition, le 24 octobre 2010.

*Georges Frêche, Le Monarque aux 80 visages de Jacques Molénat. Editions Cairn-16 €. Préface de Jean-François Kahn.

Georges Frêche et le foulard islamique lors d’une séance du conseil municipal. Les images sont un peu floues, mais le propos est clair.

France Occitanie