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Lettres de « Madame de Sévigné » à sa fille

Isabelle Brocard évoque dans son film les rapports tumultueux entre la célèbre marquise, incarnée par Karin Viard, et sa trop chère fille, jouée par Ana Girardot.

Ana Girardot incarne Françoise de Sévigné, comtesse de Grignan, fille de Marie de Sévigné, jouée par Karin Viard (Photos Julien Panié).

Outre nos Mousquetaires, le cinéma français ne fait aujourd’hui pas tant de films en costumes, s’inspirant de notre si riche patrimoine historique et littéraire. C’est le premier bienfait de « Madame de Sévigné », film d’Isabelle Brocard (sortie le 28 février), « librement » inspiré de ses fameuses lettres écrites à la plume. Il ne s’agit pas d’une biographie de la célèbre marquise épistolière, incarnée par Karin Viard, mais du récit de ses rapports tumultueux avec sa trop chère fille Françoise, jouée par Ana Girardot, à laquelle elle a écrit des centaines de missives.

La mère veut absolument que son enfant, belle et intelligente, soit heureuse, indépendante, maîtresse de sa destinée à défaut d’être celle du roi. Ce qui aurait pu se faire un soir de fête et de feux d’artifice à Versailles, dans les fourrés du jardin, lors d’une rencontre furtive avec Louis XIV. Alors qu’elle rêvait pour sa Françoise un destin enviable, autre que celui d’une courtisane, Mme de Sévigné se voit contrainte de lui trouver un mari, un bon parti, afin de rompre leur disgrâce. Cette fille à marier le sera donc en toute discrétion au comte de Grignan (Cédric Kahn), plus âgé, veuf, coureur, endetté, que la jeune épouse rejoindra sur ses terres, en Provence.

C’est « l’âme et le cœur arrachés » par cette séparation, cet éloignement géographique et sentimental, que la Sévigné s’accroche à son écritoire, rédigeant une imposante correspondance à cette fille qui lui échappe : « Je vous regrette, je vous souhaite », se désespère-t-elle. Débordant d’un amour maternel étouffant, d’une « excessive tendresse », à vouloir tant son bonheur et la ramener auprès d’elle à Paris, elle en fait trop. Et finalement ne fait que son malheur, ainsi que lui reproche vertement sa comtesse de fille, qui n’aspire à rien d’autre qu’être amoureuse, épouse, mère.

Us et coutumes des aristocrates

« Une aliénation réciproque », obsessionnelle, jusque lors de séjours en Bretagne dont la marquise loue les paysages tout en se languissant de l’absence de Françoise. Elle rend aussi visite à son tendre cousin Bussy-Rabutin (Laurent Grevill), en Bourgogne, et fait preuve d’esprit et d’éloquence dans les salons parisiens, en compagnie de son amie Mme de La Fayette (Noémie Lvovsky), où l’on s’esbaudit des poésies de Jean de la Fontaine, des maximes de monsieur de La Rochefoucauld (Robin Renucci), de méchancetés en vers et de commérages enrobées de politesse.

Outre les tensions entre deux femmes qui s’aiment mal, et pourtant au chevet l’une de l’autre, le film d’Isabelle Brocard évoque aussi les us et coutumes de leurs égaux contemporains, des aristocrates soucieux d’argent et de pouvoir, asservis aux intrigues et aux apparences. Film au beau parler d’antan, « Madame de Sévigné » n’évoque pas seulement le statut de la femme au XVIIème siècle, le désir, la volonté d’indépendance et de liberté sont tout à fait contemporains.

Patrick TARDIT

« Madame de Sévigné », un film d’Isabelle Brocard, avec Karin Viard et Ana Girardot (sortie le 28 février).

« L’âme et le cœur arrachés » par leur séparation, la marquise de Sévigné s’accroche à son écritoire, rédigeant une imposante correspondance à cette fille qui lui échappe.
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