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La longue marche d’un vieil homme

Hettie Macdonald filme pas à pas « L’improbable voyage d’Harold Fry », un retraité qui décide de rendre une dernière visite à une amie mourante.

Harold entame son long voyage en solitaire, pas équipé, mal chaussé.

Un ennuyeux matin comme les autres, un mardi, est arrivée « La lettre qui allait changer le destin de Harold Fry », roman de Rachel Joyce adapté au cinéma par la réalisatrice Hettie Macdonald sous le titre « L’improbable voyage d’Harold Fry » (sortie le 31 mai). C’est le comédien Jim Broadbent qui incarne ce brave Harold, paisible retraité qui trouve le temps long dans le pavillon familial avec madame. La lettre provient d’une certaine Queenie, une ancienne collègue, une amie, c’est une lettre d’adieu, Queenie est malade, hospitalisée, loin, à Berwick-upon-Tweed.

Perturbé par la nouvelle, Harold Fry griffonne une réponse qu’il part poster ; la remarque d’une jeune caissière aux cheveux bleus, sur « l’effet positif qu’on peut avoir », le fait changer d’avis avant de mettre sa carte dans la boîte aux lettres : Harold va marcher jusque vers Queenie, depuis le sud de l’Angleterre jusqu’au nord, là-haut au bord de la mer, pour qu’elle l’attende pendant tout ce temps. Pour qu’elle vive encore tout ce temps, le vieil homme décide de rendre une dernière visite à son amie mourante, et part sur un coup de tête, avec une bouteille de lait pour tout bagage, prévenant à peine son épouse Maureen (Penelope Wilton).

Et c’est parti pour 800 kilomètres, Harold commence son voyage en solitaire, pas équipé, mal chaussé, pas vraiment au point pour une longue marche, se répétant « Tu ne vas pas mourir ». Au fil de son périple, le marcheur fait des rencontres, dont une toubib slovaque interdite d’exercer en Angleterre, migrante contrainte d’y faire des ménages, qui lui soigne ses pieds en compote et lui donne un sac à dos. Harold se déleste de tout, envoie montre, argent, clés… à sa femme, restée dans leur maison impeccable qu’elle brique encore et encore, inquiète et fâchée de la folle expédition de son mari.

L’impression de faire une bonne action

Après avoir suivi les routes, Harold prend les chemins de traverse, dort à la belle étoile, fait sa toilette dans un ruisseau, met un pied devant l’autre. Sale et pas rasé, le vieux monsieur, qui a désormais l’apparence d’un sans-abri, est surpris par la gentillesse des gens, les élans de solidarité, se retrouve dans les journaux, devient une célébrité, un héros populaire, est bientôt rejoint par d’autres pèlerins qui l’accompagnent, qui viennent l’encourager à tenir sa promesse. Lui, qui a passé sa vie « à ne rien faire », se donne l’impression de faire une bonne action, alors qu’il n’en a pas fait tant que ça au cours de sa vie, n’ayant notamment pas su comprendre ni aimer son propre fils.

Harold Fry, que l’on a d’abord pris pour un généreux et attachant personnage, est en fait un homme déchiré, en quête de rédemption. Commencé comme l’une de ces fables britanniques qui parviennent à faire sourire de tant de drames, « L’improbable voyage d’Harold Fry » n’est pas si « feel good movie » que ça. Il y a certes beaucoup d’humanité dans ce film où l’on marche dans les pas d’un père maladroit, mais il est aussi empreint de gravité, il y est question de culpabilité, de deuil, et des regrets d’un homme conscient d’avoir raté une grande partie de sa vie, alors que celle-ci va s’achever.

Patrick TARDIT

« L’improbable voyage d’Harold Fry », un film de Hettie Macdonald avec Jim Broadbent (sortie le 31 mai).

C’est le comédien Jim Broadbent qui incarne ce brave Harold, paisible retraité qui va se lancer dans une folle expédition.
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