Simon Rex incarne un looser magnifique dans le film de Sean Baker, primé au Festival de Deauville.
L’accueil n’est pas des plus chaleureux lorsque Mikey débarque sans prévenir chez son ex-femme. Fauché, amoché, il va user une fois de plus de son charme et de son bagout pour arriver à ses fins, faire céder cet ex, qui a déjà dû morfler avec lui par le passé, et la convaincre de l’héberger quand même quelques jours. C’est une erreur, elle le sait, mais elle ne peut s’empêcher d’ouvrir la porte de sa maison miteuse à son ancien amour de jeunesse, ce ex-mari avec lequel ils avaient jadis débuté ensemble dans le porno.
Ancien animateur de MTV devenu acteur et musicien, Simon Rex incarne ce Mikey dans « Red Rocket », film de Sean Baker (sortie le 2 février), sélectionné en compétition au Festival de Cannes et primé au Festival du Cinéma Américain de Deauville (Prix du Jury et Prix de la Critique). Ancien acteur porno en Californie, où « tout est parti en vrille », Mikey fait un retour peu glorieux dans sa ville natale, Texas City, une tristouille banlieue industrielle. « Mister Hollywood » fait semblant de chercher du boulot, il cherche surtout du fric facile, des combines, traîne sur un vieux vélo et fait un peu le dealer.
Une Amérique des déclassés
Baratineur à la belle gueule, Simon Rex donne toute son énergie à ce mec saoulant, menteur, magouilleur, excessif, égoïste. Un personnage sans morale aucune, qui à part sa survie ne se soucie de rien ni de personne. Un parasite nuisible, du genre à s’attirer des ennuis c’est sûr ; un looser magnifique qui a quand même une capacité à d’abord se rendre sympathique, puis à encaisser les coups et se relever. Son ex-femme regrette vite d’avoir recueilli l’énergumène, prises de tête et engueulades s’enchaînent. D’autant plus que Mikey a repéré une jeune et charmante serveuse dans une boutique de donuts ; Strawberry, 17 ans, jouée par Suzanna Son. Il se verrait bien faire un retour aux affaires avec la jeune demoiselle en nouvelle star du X.
C’est une certaine Amérique, celle des déclassés qu’évoque Sean Baker dans ses films (« Starlet », « Tangerine », « Florida Project »…), y compris « Red Rocket » qu’il a volontairement situé en 2016, quelques mois avant qu’un certain Donald Trump ne soit élu. « Un condensé de l’Amérique », filmé dans son univers industriel, port, raffineries, usines… Un décor naturel qui procure un certain esthétisme cinématographique. Mikey est tellement dans un mouvement permanent qu’il en devient fatigant, mais son agitation donne son rythme au film, qui ne s’arrête jamais, ne se pose jamais, emporté dans une fuite en avant perdue d’avance.
Patrick TARDIT
« Red Rocket », un film de Sean Baker, avec Simon Rex (sortie le 2 février).