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Grégory Montel : « Je ne suis pas un artiste »

« Je ne me considère pas comme un grand acteur », assure le comédien, à l’affiche de « Chère Léa », attachant film de Jérôme Bonnell, une comédie romantique à l’envers.

Dans un café, Jonas (joué par Grégory Montel) écrit une lettre à sa bien-aimée Léa (incarnée par Anaïs Demoustier).

Entre bruits de fourchettes et éclats de voix des clients, brouhaha à l’heure du déjeuner, l’occasion est rare de rencontrer acteurs et réalisateur dans le lieu même où ils ont tourné. C’est pourtant attablé au Capri’s, au coin de la rue de Capri, à Paris, qu’on partage poulet basquaise et tarte au citron avec Grégory Montel, Grégory Gadebois, et le cinéaste Jérôme Bonnell. C’est dans ce restaurant qu’ils ont tourné une grande partie de « Chère Léa » (sortie le 15 décembre). Depuis la vitrine, on aperçoit d’autres décors du film, la boulangerie d’en face, l’école, et entre les deux l’immeuble où se situe l’appartement de « la jeune femme du troisième », Léa, incarnée par Anaïs Demoustier.

C’est à sa porte qu’au petit matin, avec une sale tête, va sonner Jonas, joué par Grégory Montel, acteur désormais très demandé depuis la série « Dix pour cent », vu récemment dans « Rebecca » sur TF1 et également à l’affiche de « Rose » d’Aurélie Saada, en fils de Françoise Fabian. Jonas est toujours amoureux, mais Léa ne veut plus de lui, lui fourgue ses dernières affaires, avant une dernière étreinte dans un élan, et de le mettre à la porte. Jonas s’arrête alors au café d’en face, le Capri’s donc, commande un café et du papier, et se lance dans l’écriture d’une lettre à sa bien-aimée, qui commence par « Chère Léa ».

« Je ne voulais pas un Paris ni bobo ni bourgeois, j’avais la hantise du film parisien, du film franchouillard, encore pire », confie Jérôme Bonnell, qui a arpenté plusieurs arrondissements parisiens, avant de dénicher dans le 12ème « le bon café » pour tourner ce film. Refus du patron qui a heureusement changé d’avis, rassuré qu’on ne modifierait pas sa déco, que son établissement resterait « dans son jus ». « Je suis très heureux que finalement le film soit un hommage à la réouverture des cafés, c’est un lieu qui m’inspire beaucoup, j’y passe beaucoup de temps, on peut imaginer le hors-champ de la vie des gens », ajoute Jérôme Bonnell.

« Moins romanesque mais pas moins ambitieux »

« Je suis parti du dépit amoureux côté masculin », dit le réalisateur Jérôme Bonnell.

Dans le film, le patron c’est Grégory Gadebois, qui donne à son personnage sa présence bonhomme, sa force tranquille, son empathie. « Je pense que personne ne pouvait jouer ça aussi bien que lui, autant de douceur et d’autorité dans la même personne », estime le réalisateur. « C’est bien plus qu’une lettre », dit le bistrotier à son client d’un jour qui noircit du papier, reporte ses rendez-vous, et prend racine au resto d’où il espionne Léa, qu’il entend chanter par ses fenêtres ouvertes.

Après les aventures sentimentales d’héroïnes (« Le chignon d’Olga », « Les yeux clairs », « A trois on y va », « Le temps de l’aventure »…), Jérôme Bonnell signe son « premier film d’homme ». « Ce n’est jamais autobiographique, je suis parti du dépit amoureux côté masculin », dit le réalisateur, qui a voulu un film d’une « apparente simplicité », « moins romanesque mais pas moins ambitieux », et pour lequel il a revu beaucoup de westerns, le Capri’s faisant office de saloon de quartier.

« Chère Léa » est ainsi un film attachant, une sorte de comédie romantique à l’envers, puisqu’un couple ne va pas se séduire, mais se séparer, avec Grégory Montel impeccable en amoureux transi, et toute « la détresse de sa fougue ». « Il n’est pas que ça, Montel, il n’est pas que rêveur et fragile, il a aussi une grande virilité et une grande impétuosité, il me fait penser à Jack Lemmon », dit Bonnell.

Grégory Montel : « J’adore mon métier »

Comment avez-vous investi ce personnage de « Chère Léa » ?

Je l’ai investi comme je le fais d’habitude, sauf que j’ai commencé à y travailler beaucoup plus tôt parce qu’il fallait que je rédige bien en amont cette fameuse lettre, j’ai écrit soixante pages recto-verso, c’est un sacré mélange. Je trouve que cette vision masculine de la passion amoureuse convient assez bien à ce que j’ai vécu, il y a un mélange de passion, de romantisme, de lâcheté, de petitesse, d’obsession, et probablement d’enfermement. Même l’homme le plus pragmatique du monde est capable de se laisser envahir par la passion, qui n’est pas l’amour, ne confondons rien. J’aime bien l’idée qu’en 2021, dans cette période aussi fascinante sociologiquement parlant, on ait un film comme ça, qui donne le regard d’un homme très lambda, ce que c’est que la passion amoureuse d’un œil masculin, ça peut enrichir le débat, on ne meurt pas d’amour, on renaît d’amour.

Le film évoque la fragilité des hommes, ce Jonas vous ressemble un peu ?

Je l’ai forcément tiré vers moi, je partage avec ce personnage quelque chose de très pragmatique, je ne me considère pas comme un poète maudit, je vis de choses extrêmement pratiques, la littérature m’est étrangère, elle me dépasse complètement, et si jamais il y a quelque chose de romantique ou de l’ordre de l’artistique qui émane de moi, je n’y suis strictement pour rien, je ne me considère pas du tout comme un artiste, exactement comme Jonas. J’en suis marri, j’en suis triste, je ne suis pas un artiste. J’ai l’intention extrêmement basique au théâtre ou au cinéma de faire passer des éléments de langage, j’adore mon métier, mais en aucun cas je ne me considère comme un artiste ou surtout comme un inventeur.

« Je partage avec ce personnage quelque chose de très pragmatique », confie Grégory Montel.

Est-ce que la série « Dix pour cent » a tout changé pour vous ?

Jérôme Bonnell m’avait vu bien avant, dans « L’air de rien », et il avait adoré. Mais évidemment que ça a tout changé, c’est un parcours global. J’ai tourné récemment en Angleterre, et j’ai compris qu’il y avait un intérêt majeur dans le monde entier, notamment à Hollywood, dans certains pays, je m’en suis rendu compte quand je suis arrivé sur le plateau et que j’ai compris que les gens me connaissaient, la série a été diffusée dans 80 pays. Ma vie n’a pas du tout changé, mais disons que la taille de mon appartement a un peu évolué, pas dans des proportions phénoménales non plus.

Avec le succès, êtes-vous toujours « l’acteur le plus sympa du PAF » ?

C’était un titre de Télérama, et encore vous avez vu le bon titre parce qu’ils avaient été beaucoup moins sympa le premier coup et avaient titré « Le bon gars de service ». J’ai beau faire un meurtrier dans « Rebecca » ou faire un tueur dans un téléfilm de Jacques Maillot, « Vivre sans eux », je ne me considère pas comme un grand acteur, pas du tout.

C’est quoi un grand acteur ?

C’est quelque chose de pas vraiment palpable, qui est de l’ordre du halo lumineux, de surnaturel, la grâce, ça peut arriver. Et puis la grâce elle vient aussi au montage, je connais plein d’acteurs moyens qui sont transcendés par la caméra.

On vous voit aussi bien dans des films d’auteur que des films grand public et des séries comme « Rebecca », en prime-time sur TF1…

Je pense que notre industrie est trop mal en point pour qu’on continue à fabriquer des murs entre les genres, entre les disciplines. Vous voyez tous les acteurs de théâtre et de cinéma qui vont à la télévision, heureusement, mais les murs ont existé longtemps. Je pense que c’est très autodestructeur, on a du mal à mélanger les familles.

C’est ce qu’a fait Dominique Besnehard, ancien agent à l’origine de « Dix pour cent » ?

Maintenant qu’il est producteur, il a une influence formidable. Mais surtout, c’est quelqu’un qui a la capacité de mettre en contact des gens qui ne se seraient pas vus, quelqu’un qui participe de ce mélange des genres. Ce n’est pas un hasard s’il a fait communiquer des acteurs comme moi avec des grandes stars du cinéma dans « Dix pour cent », il mélange les genres, il crée des familles. Quand on mélange les univers, ça marche, et je ne comprends pas pourquoi on ne les mélange pas davantage.

Propos recueillis par Patrick TARDIT

« Chère Léa », un film de Jérôme Bonnell, avec Grégory Montel, Grégory Gadebois, Anaïs Demoustier (sortie le 15 décembre).

Grégory Montel, le client, et Grégory Gadebois, qui joue le patron du bar : « Personne ne pouvait jouer ça aussi bien que lui, autant de douceur et d’autorité dans la même personne », estime le réalisateur.
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