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Helmut Newton, « voyeur professionnel »

Ce sont des femmes et modèles qui évoquent le photographe dans le documentaire de Gero von Boehm.

A travers le portrait d’un homme, c’est aussi le portrait d’une époque qui est fait dans ce documentaire. © The Helmut Newton Estate / Maconochie Photography

« Sois sublime ! », lâche Helmut Newton. Cette injonction, le photographe la lançait aux mannequins qu’il photographiait, « des femmes sculpturales » souvent, dénudées encore plus souvent. L’évocation de son nom fait aussitôt venir des images, des clichés décalés, des mises en scènes sexy, des fantasmes sur papier glacé. Des photos subversives, érotiques, superbes, qui n’étaient déjà pas moralement correctes, et le sont donc encore moins aujourd’hui.

Dans le documentaire qu’il lui consacre, « Helmut Newton, l’effronté » (sortie le 14 juillet), Gero von Boehm a fait le choix de n’interviewer que des femmes qui ont posé pour le « vieux fripon », Charlotte Rampling, Marianne Faithfull, Isabella Rossellini, Claudia Schiffer, Anna Wintour, Hanna Schygulla… « Il était amoureux de la beauté des femmes (…) Il était un peu pervers, mais moi aussi », confie Grace Jones en souriant. « Je suis un voyeur professionnel », reconnaissait le photographe, « J’adore la vulgarité (…), c’est la vie, l’amusement, le désir, les réactions extrêmes ».

Cette vulgarité, il la glissait dans des images provocantes, extravagantes, publiées dans des magazines de mode, mélangeant joyeusement luxe (bijoux, fourrure, haute couture…) et luxure, dans un style immédiatement identifiable. « L’important c’est que ça me plaise », assurait Newton, qui racontait une histoire en une photo, glamour, pop, insolente, avec pour sujet unique le corps de femmes très fatales.

Un enfant « fou d’images » dans l’Allemagne nazie

Gero von Boehm raconte également la vie de ce créateur obsessionnel, jeune garçon juif, « enfant fou d’images » qui a grandi dans l’Allemagne nazie ; puis apprenti d’une photographe de mode, Yva, avec qui il apprend tout du métier. Après la Nuit de Cristal, il quitte l’Allemagne en décembre 1938, débarque à Singapour, puis est envoyé en Australie, où il rencontre l’actrice June Browne, qui sera son épouse et sa directrice artistique. June Newton deviendra elle aussi une photographe renommée sous le pseudo Alice Springs ; elle avait également tourné un documentaire consacré à son mari, « Helmut by June », mis à disposition de Gero von Boehm, comme toutes les archives du couple.

Tourné à Monte Carlo, Berlin, Paris, Hollywood… « Helmut Newton, l’effronté » est le portrait d’un homme, mort dans un accident de voiture en 2004. C’est aussi le portrait d’une époque, notamment les années 70-80, où déjà il était accusé de sexisme et de misogynie. Ce film a d’autant plus valeur de témoignage que ses images, esthétiquement captivantes, ne sont plus dans l’air du temps, moins en vogue, osera-t-on.

Patrick TARDIT

« Helmut Newton, l’effronté », un film de Gero von Boehm (sortie le 14 juillet).

« J’adore la vulgarité (…), c’est la vie, l’amusement, le désir, les réactions extrêmes », assumait le photographe Helmut Newton. © The Helmut Newton Estate Courtesy 
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