La révélation de l’homosexualité et ses conséquences sont les sujets de deux films, un documentaire remuant et une fiction dramatique.
« Mon nom est Luke et je suis gay ». C’est une simple phrase qui devrait être banale, mais qui n’est ni simple ni banale. Elle est prononcée dans « Coming out » (en salles depuis le 1er mai), un documentaire réalisé par Denis Parrot qui est un montage de vidéos diffusées sur YouTube, entre 2012 et 2018, dans lesquelles des jeunes gens, des jeunes filles, révèlent leur homosexualité ou leur transexualité.
Envoyés sur internet depuis les Etats-Unis, le Japon, l’Australie, la France, le Canada… tous ces messages n’ont qu’un seul objet, dire « Je suis gay » à sa famille, ses parents, ses proches. C’est bien souvent à la mère qu’est faite la toute première déclaration de ces anciens enfants, qui ont bien souvent grandi avec « ça », comme un secret honteux. On les voit nerveux avant la conversation, en face à face ou par téléphone, angoissés, puis pour certains, soulagés des réactions qu’ils appréhendaient, qu’ils craignaient.
Pour quelques-uns, ça se passe bien, papa et maman sont compréhensifs, aimants, naturels, chaleureux, certains émettent quelques réticences (« C’est pas bien », « Si c’est ton choix »…), pour d’autres c’est violent : « Tu es une honte », hurlent les parents de Daniel en le jetant dehors. La plupart d’entre eux évoquent leur questionnement sur l’identité, la normalité, la différence, la culpabilité…
Quelques-uns avouent des tentatives de suicide dans ce film bienveillant, certains témoignages bouleversent, d’autres révoltent, tous sont remuants. S’ils font leur coming out, précise un violoniste russe, ce n’est pas pour les hétéros, pas pour ceux qui les détestent, ni pour que les autres le sachent, mais pour que ceux qui se sentent perdus, seuls, incompris, que ceux qui n’osent pas encore parler voient que c’est possible, de le dire enfin.
Dieu déteste le péché
Dans « Coming out », une jeune Américaine nous fait écouter un message sur la boîte vocale d’une église : « Dieu déteste les pédés ». « Dieu aime les pécheurs », est-il dit dans « Tremblements », un film réalisé par Jayro Bustamante (en salles depuis le 1er mai). Il aime les pécheurs mais il déteste le péché, tel celui de Pablo, « un homme comme il faut », un bourgeois du Guatemala, marié à une jolie femme, père de deux enfants… mais qui a une relation homosexuelle.
C’est une nuit de déluge et de tremblement de terre qu’est faite cette révélation ; toute la famille est dans l’embarras, sa réputation est menacée, Pablo est rejeté, viré de son boulot, interdit de voir ses enfants… Après le séisme, le temps est à la reconstruction : il faut ramener la brebis égarée dans le droit chemin, « soigner » cet être malade, le libérer du démon, « rompre ces liens maléfiques ». On prie pour lui, mais il faudra bien plus : Pablo est contraint à un traitement, une thérapie de reconversion, une cérémonie tel un exorcisme mené par l’Eglise évangélique.
« Tremblements » se fait parfois grandiloquent, mais c’est un récit terrible sur l’intolérance, le tabou de l’homosexualité, dans une société conservatrice, rétrograde, comme celle du Guatemala, où le poids combiné de la religion et du jugement des autres écrase l’individu et la différence.
Patrick TARDIT
« Coming out », un documentaire de Denis Parrot, et « Tremblements », un film de Jayro Bustamante (en salles depuis le 1er mai).