C’était un maître de l’horreur
Par Patrick TARDIT
Tobe Hooper aura été à l’origine de bien des cauchemars, d’angoisses, de trouilles et de nuits blanches. Réalisateur de « Massacre à la tronçonneuse » (1974), « Poltergeist » (1982), « Mortuary » (2005)… et de nombreux autres films d’épouvante, il est mort à 74 ans, à Sherman Oaks (Californie).
« Je ne sais pas si j’ai appris des bons films ce qu’il faut faire, mais j’ai appris des mauvais films ce qu’il ne faut pas faire », confiait le réalisateur américain en 2011, au Fouquet’s, à la table préférée de Fernandel, Jacques Becker et Joseph Kessel. Le cinéaste américain était alors en France pour la sortie de son roman, « Midnight Movie » (Editions Michel Lafon). Un livre « ironiquement noir », dans lequel un réalisateur nommé Tobe Hooper revient à Austin (Texas) sa ville natale, pour la projection à minuit de son tout premier film, « Destiny Express », une œuvre maudite qui va déclencher des phénomènes étranges.
« Ce film a changé ma vie »
« Les zombies et les vampires deviennent iconiques », remarquait alors Tobe Hooper. Ce qui n’a pas toujours été le cas, les films de fantômes, serial-killers, extra-terrestres et autres, ont longtemps été considérés comme du cinéma de série Z. Son « Massacre à la tronçonneuse » avec son psychopathe masqué, « Leatherface », avait donné un sacré coup de sang au genre. Ce « petit » film, tourné avec 80.000 dollars, en a rapporté des millions, fut « acclamé » à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes, interdit dans plusieurs pays (y compris en France pendant plusieurs années), et désormais montré au Musée d’Art Moderne de New York.
« C’est le genre qui m’a choisi, Massacre à la tronçonneuse a été un tel succès qu’on ne me confie que des films de ce genre, ce film a changé ma vie et conditionné ma carrière », confiait ce « maître de l’horreur », qui avait posé une vraie tronçonneuse sur sa cheminée.
« J’ai grandi dans des cinémas »
La recette d’un bon film d’horreur selon Tobe Hooper, c’était du gore, de l’humour et « des cris réussis ». « Parce que ça fait plus peur quand il y a un peu d’humour, ça devient plus vrai, et dès que c’est plus vrai ça fout les jetons », disait-il, « Les spectateurs doivent pouvoir s’identifier aux personnages, et que ceux-ci agissent de la même façon qu’eux le feraient, sinon la magie est cassée ».
S’il a terrorisé des millions de spectateurs, Tobe Hooper avait connu une vraie grosse trouille, gamin, un traumatisme originel, seul dans une pièce d’un établissement de pompes funèbres, des néons blafards éclairant des cercueils d’enfants. « Cette image m’a beaucoup marqué », assurait-il, soixante ans plus tard.
« J’ai grandi dans des cinémas », disait Tobe Hooper, « Mes parents avaient un hôtel et il y avait quatre cinémas dans le quartier, le cinéma a été mon baby-sitter, je voyais des tas de films, quand j’étais très jeune j’adorais Jerry Lewis ». Dans ces salles, le cinéphage avait aussi découvert Truffaut, Fellini, Hitchcock, Kubrick, Orson Welles…
Tobe Hooper n’aimait ni les remakes ni les suites, mais avait quand même tourné un « Massacre à la tronçonneuse 2 » : « Il n’y a pas de re-imagination. Les franchises commencent à se dégrader à partir du second film, ce sont des histoires de tiroir-caisse ».
Réalisateur d’une poignée de films cultes, Tobe Hooper a tourné, écrit, produit, plusieurs dizaines de longs-métrages, téléfilms et séries télé (dont des épisodes des « Contes de la Crypte », « Les maîtres de l’horreur », le pilote de « Freddy », « Les vampires de Salem »…). C’est à Dubaï qu’il avait tourné son dernier film, « Djinn », un « thriller psychologique » inédit en France. « Nous avons tourné dans un village fantôme, dont les génies ont chassé les pêcheurs, il s’y passait des choses très inquiétantes, comme si quelque chose dévorait l’électricité », racontait-il, amusé.
Patrick TARDIT