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« TKT » : « Le harcèlement est un fléau »

« Le smartphone est une arme », constate Solange Cicurel qui a tourné « un film populaire et d’utilité publique ». « J’ai essayé d’être le plus juste possible », confie la réalisatrice, qui estime que « Tout le monde est responsable ».

La réalisatrice souhaite que son film soit utilisé comme outil pédagogique lors de séances scolaires, qu’il « libère la parole au sein des écoles ».

« C’est dur d’être un ado aujourd’hui, ce sont vraiment des années difficiles », confiait la réalisatrice Solange Cicurel, aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où elle était venue présenter son film « TKT » en avant-première (sortie le 24 septembre). Trois lettres pour « t’inquiète », ou plutôt « t’inquiète pas », un bref texto d’ado pour rassurer les parents. Mais ceux-ci auront de quoi s’inquiéter avec ce film, inspiré d’un livre de Elena Tenace, « Tout ira bien », qui évoque le harcèlement scolaire, ou plus exactement le cyberharcèlement et le rôle détestable et dangereux des réseaux sociaux.

« Ma fille, lorsqu’elle avait quinze ans, était la première à parler de harcèlement scolaire, c’est un fléau dans nos écoles, nos sociétés. Tout ce qui est dans le film est vrai, c’est assez flippant d’entendre parler les jeunes de harcèlement », dit Solange Cicurel. Et c’est encore sa fille qui lui a suggéré une jeune comédienne débutante, Lanna De Palmaert, pour tenir le rôle principal de cette fiction, Emma, une jolie jeune fille de 16 ans, plutôt bien dans sa peau.

Mais c’est telle un fantôme que l’on découvre Emma, comme sortie de son corps allongé là, dans un lit d’hôpital, plongé dans le coma ; avec ses parents (incarnés par Emilie Dequenne et Stéphane de Groodt) à son chevet, des parents attentionnés, désemparés, qu’elle envoyait pourtant balader lorsqu’ils la questionnaient sur le malaise qu’ils décelaient chez leur fille. C’est donc un double d’Emma, invisible pour les autres, qui enquête sur ce qui lui est arrivé. « On a traité ce fantôme comme un personnage », précise la réalisatrice.

« Tristement et terriblement banal »

Une remarque, une moquerie, une photo, une vidéo… et Emme est rejetée par de soi-disant amies qui sont en fait de meilleures ennemies.

« Je voulais une jolie héroïne qui ait du caractère, rien ne mérite qu’on soit harcelé, une blague plus une blague plus une blague, c’est du harcèlement », ajoute Solange Cicurel. Ce qui est arrivé à Emma est donc tristement et terriblement banal, puisque le harcèlement est une des principales causes de suicide chez les adolescents. Cela peut commencer par une simple remarque sur un poncho, une tache de sang… des moqueries, des malveillances, jusqu’à une affreuse vidéo virale. La victime est fragilisée, exclue, isolée, rejetée par de soi-disant amies qui sont en fait de meilleures ennemies.

« Le smartphone est une arme, il faut que ceux qui voient parlent », estime Solange Cicurel, qui insiste sur la culpabilité collective : « Tous ceux qui diffusent, qui savent, qui filment… tout le monde est responsable ». « J’ai essayé d’être le plus juste possible, ma fille faisait partie du comité de lecture, elle a été extrêmement dure mais juste, c’est le point de vue des enfants », dit-elle, « Aujourd’hui, il y a une vraie prise de conscience, les jeunes commencent à comprendre qu’ils doivent parler ».

« Plus qu’un film, c’est un combat »

Joués par Stéphane de Groodt et Emilie Dequenne (dont c’est la dernière apparition au cinéma), les parents pourtant attentionnés sont désemparés.

La réalisatrice souhaite que son « TKT » soit utilisé comme outil pédagogique lors de séances scolaires, qu’il « libère la parole au sein des écoles » : « C’est plus qu’un film, c’est un combat ; c’est un outil facile pour les professeurs, c’est un film pour les parents et les grands-parents, car les jeunes nous protègent ». Aves des « TKT » ou des « Ouais, ça va, t’inquiète » lâchés aux parents, comme à la mère jouée par Emilie Dequenne, dont c’est la dernière apparition au cinéma : « C’était vraiment quelqu’un d’extraordinaire, c’était un soleil. Emilie avait été harcelée quand elle avait dix-onze ans, et c’est un sujet qui lui tenait à cœur, elle était fière du film », confie Solange Cicurel.

La cinéaste évoque avec autant de sensibilité que possible cette tragédie, les conflits de l’adolescence qu’il ne faut pas minimiser, les dégâts causés par les amitiés toxiques. « C’est un film populaire et d’utilité publique », assure-t-elle, rappelant l’existence du 3018, numéro d’appel contre les violences numériques, qui permet de faire un signalement et d’effacer photos et vidéos.

Patrick TARDIT

« TKT », un film de Solange Cicurel, avec Lanna De Palmaert, Emilie Dequenne et Stéphane de Groodt (sortie le 24 septembre).

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