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« Lee Miller » au cœur de l’enfer

Kate Winslet incarne avec force l’ancienne mannequin devenue photographe de guerre, dans le film de Ellen Kuras. Un récit classique, mais qui a le mérite de faire connaitre cette femme audacieuse et obstinée.

Incarnée par Kate Winslet, Lee Miller a fixé dans l’objectif de son Rolleiflex toutes les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale.

Kate Winslet joue le rôle principal du film réalisé par Ellen Kuras, « Lee Miller » (sortie le 9 octobre), ancienne mannequin devenue une des premières femmes photographe de guerre. Mais le rôle de la star de « Titanic » va bien au-delà : coproductrice du long-métrage, elle est à l’origine de ce projet qui lui tenait à cœur, outre le financement, elle s’est notamment chargée du casting, la réalisatrice (directrice de la photo réputée, dont c’est le premier film de fiction), les prestigieux seconds rôles, une talentueuse équipe technique (photo, décors, costumes…), jusqu’au compositeur Alexandre Desplat.

L’Américaine Lee Miller fut mannequin, modèle d’artistes, muse de Man Ray… installée en France, elle fréquente artistes et intellectuels, écrivains, peintres, Max Ernst, Paul Eluard, Picasso, Cocteau… Une séquence du film évoque ainsi les joyeux et insouciants étés d’avant-guerre, sur la Côte d’Azur, où elle rencontre son futur mari le marchand d’art Roland Penrose (joué par Alexander Skarsgard), qu’elle suit à Londres.

Désormais, elle préfère prendre les photos plutôt que de poser, et lorsque vient la Seconde Guerre Mondiale Lee Miller est alors photographe pour Vogue, magazine pour lequel elle a posé jadis. Comme toutes ces femmes mobilisées, elle participe à l’effort de guerre avec ses reportages, chroniquant le Blitz à Londres. A son grand dépit, on n’envoie pas de femme sur le front, ce n’est qu’à l’été 1944 qu’elle débarque en Normandie avec l’armée américaine, correspondante de guerre pour le Vogue britannique, avec son appareil photo Rolleiflex et sa machine à écrire portative.

Une exposition à Saint-Malo

La véritable Lee Miller en août 1944 à Saint-Malo, où elle a pris 300 clichés lors des combats pour la libération de la cité bretonne (Copyright Lee Miller Archives).

Dans un premier temps, on ne l’autorise qu’à photographier les hôpitaux de campagne, puis en août elle est envoyée à Saint-Malo, ville qui « devrait être pacifiée » mais ne l’est pas encore. Une séquence du film retrace ainsi la sanglante libération de la cité bretonne, où Lee Miller était la seule photo-reporter présente. En cinq jours dans la ville en ruines, bombardée au napalm, elle aurait pris 300 clichés historiques dont une cinquantaine sont présentés dans une exposition à Saint-Malo (jusqu’au 3 novembre).

Puis, c’est la Libération de Paris, où elle retrouve ses amies des belles années, Solange d’Ayen (jouée par Marion Cotillard), Nush Eluard (Noémie Merlant, actuellement dans « Emmanuelle »)… et comprend que celles qui viennent de s’écouler ont été terribles, elle découvre la réalité de l’Occupation, la prison, la déportation, les exécutions… Avec David Scherman, photographe du magazine Life (interprété par Andy Samberg), Lee Miller suit la progression de l’armée américaine en Allemagne, va « au cœur de l’enfer » et fixe dans son objectif toutes les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale : les combats, les femmes tondues, des familles de dignitaires nazis suicidées à Leipzig, et l’indicible des camps de la mort, à Buchenwald et Dachau, les charniers, les cadavres entassés…

Des documents historiques

Ses photos des camps ne seront d’abord pas publiées, trop insupportables alors qu’à Londres on célèbre la victoire. Il faudra un peu de temps avant qu’ils ne soient reconnus comme les documents historiques qu’ils sont. Le film reconstitue d’ailleurs la prise de ses clichés célèbres, y compris cette photo de Lee Miller prenant un bain dans la baignoire d’Hitler, dans ses appartements de Munich.

Présenté en ouverture du Festival du Cinéma Américain de Deauville, le film de Ellen Kuras présente une mise en scène classique, avec un procédé superficiel de flash-backs successifs, son fils Antony questionnant Lee Miller sur ce passé dont il ne sait presque rien. Mais Kate Winslet met toute sa fougue dans l’incarnation de cette femme audacieuse et obstinée, énergique et libre, et le grand mérite de ce long-métrage est de faire connaitre cette histoire exceptionnelle.

Patrick TARDIT

« Lee Miller », un film de Ellen Kuras, avec Kate Winslet (sortie le 9 octobre).

Exposition « Lee Miller, Saint-Malo assiégée, août 1944 », Chapelle de la Victoire à Saint-Malo, jusqu’au 3 novembre.

Coproductrice du film, l’actrice Kate Winslet met toute sa fougue dans l’incarnation de cette femme audacieuse et obstinée, énergique et libre.
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