Julien Coupat et sept autres membres du groupe de Tarnac prévenus du sabotage de plusieurs lignes du TGV en 2008 seront donc jugés en correctionnelle. Les poursuites pour terrorisme sont enfin abandonnées après huit ans d’une enquête bidonnée et de PV truqués.
Ainsi en a décidé cet après-midi la Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. En confirmant l’ordonnance de renvoi des deux juges d’instruction, Duyé et Teissier en août 2015, la cour met fin à la qualification terroriste de ce dossier mal ficelé par le premier juge Thierry Fragnoli.
Sauf pourvoi en Cassation, huit membres du groupe de Tarnac seront jugés par un tribunal correctionnel. Quatre pour « dégradation » et « association de malfaiteurs » et quatre pour « falsification de documents administratifs » et « refus de se soumettre à un prélèvement biologique ». On est loin des actes terroristes que la France a connus au cours des derniers mois !
« Des actions de sabotage »
L’affaire a commencé le samedi 8 novembre 2008 lorsque le trafic de plusieurs TGV fut brusquement interrompu par le sabotage des lignes à grande vitesse (LGV). Quatre crochets métalliques ont été suspendus sur les caténaires chargés à 25.000 volts qui alimentent les motrices. Le trafic de 160 TGV, Thalys, Eurostar a été paralysés en ce début de long week-end du 11 novembre.
Qui a fait le coup ? On l’apprendra le 11 novembre au matin lorsque le village de Tarnac, en Corrèze, est mis en état de siège par plusieurs centaines de policiers et de gendarmes lourdement armés. Ils interpellent une vingtaine de jeunes dont neuf seront placés en garde à vue dans les locaux de la toute nouvelle DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) de Levallois avant d’être écroués.
Parmi eux, Julien Coupat et son amie Yildune Lévy. Julien est présenté par la sous-direction antiterroriste (SDAT) comme étant « le leader charismatique et idéologue… d’une structure clandestine anarcho-autonome… se livrant à des opérations de déstabilisation de l’Etat par des actions violentes menées au cours de manifestations se tenant en marge de chacun des grands événements politiques ainsi que par des actions de sabotage des infrastructures de transport. »
Pas de preuves
Les policiers font référence à un pamphlet intitulé « L’insurrection qui vient » signé par un Comité invisible et publié aux éditions La Fabrique. L’auteur, selon la police, serait Julien Coupat.
Mais est-il l’auteur de l’un ou l’autre des sabotages ? Rien, absolument rien ne permet de l’affirmer. Car, durant la nuit du 7 au 8 novembre 2008, Julien Coupat est filoché par la police. Il est suivi depuis plusieurs mois déjà.
Or, cette nuit-là, Julien et Yildune se rendent en Seine et Marne. Leur voiture, une Mercédès, s’arrête même sous un pont, à Dhuisy, au-dessus duquel passe la ligne TGV où l’on retrouvera l’un des quatre crochets.
Comment le sait-on ? Parce qu’une vingtaine de policiers sont là. Ils surveillent Julien Coupat, ils notent ses faits et gestes. A la minute près. C’est écrit dans le fameux PV D104 de la SDAT qui sert de socle à toute la procédure. Si l’on en croit les enquêteurs qui sont sur le terrain cette nuit-là, Julien Coupat se rend sur l’emprise de la SNCF.
C’est étonnant car les policiers ne font pas de flagrant délit. Ils n’interpellent pas « un dangereux malfaiteur ». Ils ne prennent pas de photo, pas de vidéo.
On apprendra plus tard que ce PV a été truqué. On peut se demander si le crochet accusateur n’a pas été placé avant ou après le passage de Julien Coupat et Yildune Lévy sur les lieux.
Dossier truqué
Mais ce n’est pas la seule anomalie de cette enquête. Par quel miracle deux photos de crochets métalliques prises à Vigny (Moselle) où un premier sabotage a été constaté le 26 octobre 2008, soit quinze jours plus tôt, se retrouvent-elles dans le dossier de Passilly, dans l’Yonne ? Comment y sont-elles allées ?
On peut se demander aussi pourquoi, les enregistrements téléphoniques passés durant la nuit du 7 au 8 novembre 2008, ont brusquement disparu du siège de la police ferroviaire qui dépend de la SNCF ?
Les anomalies sont encore nombreuses comme ce témoignage « forcé » d’un berger qui accusera les suspects avant de se rétracter.
En huit d’années d’enquête, aucun élément matériel n’a permis de confondre l’un ou l’autre des prévenus dans le sabotage des lignes TGV le 8 novembre 2008.
En réalité, c’est l’enquête de police qui semble avoir été sabotée.
M.G