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Euro 2016 : l’Internet des objets occupe déjà le terrain

Nathalie Devillier, Grenoble École de Management (GEM)

Sports_Media_Smartphone
Sports Média Smartphne. Wikimedia

Qui va gagner l’Euro à votre avis ? Le big data a peut-être déjà la réponse… Du stade digital au maillot connecté sur mesure pour les sportifs professionnels, en passant par les dispositifs de réalité augmentée pour le sport individuel, l’Internet des objets investit les terrains de jeu. GPS, cardio-fréquencemètre, gyroscope et détection automatique des activités sportives et du sommeil : s’agit-il de simples gadgets ou de coach virtuels ? Quelles sont les utilisations possibles pour la recherche ?

Un stade ultra connecté

À Lyon, le stade du futur est blindé de connectivité : 4G, wifi très haute densité offrant 20 000 connexions simultanées, il accompagne véritablement tout le parcours du spectateur, avant et après le stade. L’intelligence artificielle propose ici une nouvelle expérience au supporter qui télécharge à son arrivée au stade une application gratuite afin de recevoir des notifications ou faire des achats dans la boutique en ligne.

Vous souhaitez gagner du temps et éviter la file d’attente à la mi-temps ? L’offre de repas et boissons est disponible avec une fonction caisse prioritaire en buvette pour payer via l’application. Le stade est désormais cashless avec un paiement par CB ou avec la carte myOL ; la livraison à la place du supporter sera bientôt possible grâce aux numéros du bloc, rang et place du billet numérique.

Les coulisses du stade ultra connecté de l’Olympique lyonnais.

Sur la partie vidéo, il est possible de voir les chaînes live par le wifi avec tous les bonus en mode inside (arrivée des bus…) ; en mode match les replay sur mesure sont réalisables en mono cam ou multi cam, 2 minutes après l’action en cliquant autour du terrain. Des modules de statistiques sont générés par les données recueillies, telles que la composition des équipes, les cartons, les entrées et sorties, le banc, plus un social wall pour relayer les messages des réseaux sociaux.

Des interactions inégalées

L’usage numérique se fait ainsi de bout en bout : les places sont dans votre mobile, il est devenu old school de les imprimer ! Dans les « fan zones » aussi, la connectivité permet de vivre le match comme jamais, ce à quoi on peut également ajouter l’application dédiée au club…

Le social gaming procure une interaction inégalée entre spectateurs via des écrans géants, pour relayer un concours de selfies par exemple. Attention, toutefois, streamer en direct sur YouTube, pose un problème de droits : chacun est responsable de la mise en ligne qu’il effectue, et on voit mal un joueur de l’équipe de France faire de même que la chanteuse Adèle et interdire à un supporter de filmer le match ! L’événement est aussi l’occasion de procéder à l’activation digitale de ses nouveaux produits numériques.

Présentation du baby-foot connecté de Volkswagen.

Les capteurs se glissent partout

On a découvert la raquette connectée avec Roland Garros, même la chaussette connectée ! Mais de nombreux autres objets et capteurs sont intégrés aux tenues des sportifs afin d’améliorer leurs performances : mesurer la puissance de frappe du joueur de tennis, la zone d’impact, le temps de jeu, le nombre de revers, l’intensité de l’effort, la vitesse moyenne d’un coureur, capteurs de mouvements, mesure par analyse vidéo, et traitement intelligent de données massives par machine learning

Chaque sport a ses objets connectés : on équipe aussi bien le stade (piste d’élan, sautoir, perche) que le sportif. Même la luminothérapie est utilisée par l’AS Monaco au stade Louis II pour favoriser la récupération des joueurs en lien avec l’action de la mélatonine. Les données d’entraînement sont poussées par le smartphone pour une modélisation en 3D des coups, déplacements et gestes. Le sportif a un retour concret de son activité et la planification est facilitée pour gérer au mieux sa charge d’entraînement : le big data complète l’œil de l’entraîneur et son sifflet ! Des examens médicaux suite à une blessure sont aussi possibles au fin fond de Tucumán.

Des données hautement stratégiques

Affiche de « Moneyball » ou « Le Stratège ».
Wolfgang Kuhnle/Flickr

Les informations collectées peuvent être réutilisées pour valider des études scientifiques, mais servent en premier lieu les intérêts des fédérations soucieuses de contrôler les performances de leurs nouvelles recrues, véritables actifs financiers. Ce qui relevait hier de la sabermétrie (voir à ce propos le film Moneyball), est à portée de tout sport collectif professionnel où le big data génère tout un business. Un nouveau métier de « sport scientist » voit le jour. Magicien de l’algorithme, croisement entre le « data scientist » et le coach sportif, il interprète toutes ces données, et les rend intelligibles et exploitables pour le coach et le sportif.

Peut-on parler de e-dopage ? La digitalisation du sport n’est-elle pas en contradiction avec la performance du sportif ? L’enjeu des médailles et de la compétition pèsent ici de tout leur poids sur les budgets des clubs et des équipes. Or, la physiologie, la biomécanique et la génétique varient d’un sportif à l’autre, mais la blessure zéro n’existe pas : aujourd’hui, aucun objet connecté ne peut prédire quel est le point faible du sportif.

Sport sur ordonnance : la vraie révolution ?

La digitalisation du sport a vocation à s’étendre au grand public au-delà du simple suivi GPS de la course du dimanche matin ou du coaching individuel. Les patients diabétiques ou ceux ayant un facteur de risque dans le domaine du sport seraient les premiers à tirer profit de ces progrès technologiques. Des recherches multidisciplinaires alliant biologie, sciences médicales, sciences de l’ingénieur, sociologie ont pour but de promouvoir la santé par l’activité physique : configuration sociale de l’activité physique santé, processus de gouvernance territoriale, mais aussi représentations de l’activité physique chez les professionnels de santé sont autant d’axes de travail où le digital peut apporter une contribution remarquable à la protection des populations les plus vulnérables.

Une application de renforcement musculaire.
CC BY-SA

L’amendement « sport sur ordonnance » adopté le 27 novembre 2015 concerne les personnes atteintes d’affections de longue durée (ALD). Il prévoit que le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient et le remboursement de la licence sportive. Certaines complémentaires de santé ont déjà annoncé qu’elles feraient cette prise en charge. La pratique des activités physiques et sportives est donc reconnue comme outil de santé publique au même titre que la lutte contre l’exposition à des facteurs de risque environnementaux ou contre les addictions.

Des développements prometteurs

Mais l’impact du digital sur l’alliance sport et santé peut aller beaucoup plus loin : conception, évaluation scientifique, mise en œuvre de programmes d’activités physiques et sportives adaptés à des personnes atteintes de maladies, conception de programmes de réentraînement à l’effort physique et aux activités sportives adaptés aux patients et à leurs pathologies mais aussi recrutement, évaluation et fidélisation des patients… (voir à ce propos le projet « As du Cœur » porté par Stéphane Diagana).

Les atouts du numérique sur la santé sont évidents, mais encore sous-exploités. Espérons que les valeurs du sport, solidarité et esprit d’équipe, transcendent le monde virtuel et offrent au plus grand nombre une vie meilleure, en particulier aux plus vulnérables d’entre nous.

The Conversation

Nathalie Devillier, Professeur de droit, Grenoble École de Management (GEM)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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