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Goscinny, le bon génie

Quarante ans après sa mort, des expositions évoquent l’œuvre du créateur d’Astérix, Lucky Luke, et du Petit Nicolas.

« Je construis mes histoires exactement comme des scénarios de cinéma », affirmait René Goscinny, disparu le 5 novembre 1977, en faisant un test d’effort, son seul gag sinistre. Quarante ans plus tard, un légitime hommage est rendu au bon génie de la bande dessinée française, co-créateur d’Astérix, Lucky Luke, Le Petit Nicolas, Iznogoud… grâce à la publication de livres (lire ci-dessous) et des expositions parisiennes : « Goscinny et le Cinéma. Astérix, Lucky Luke et Cie » à la Cinémathèque, et « René Goscinny – Au-delà du rire » au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (jusqu’au 4 mars 2018).

René Goscinny et Albert Uderzo, les créateurs d'Astérix (Fonds d'archives Institut René Goscinny).
René Goscinny et Albert Uderzo, les créateurs d’Astérix (Fonds d’archives Institut René Goscinny).

Goscinny est de la même génération que Mickey, né en 1926, deux ans avant la fameuse souris créée par Walt Disney, qu’il admirait tant : « Ce sont ses réalisations qui m’ont donné envie de faire mon métier », disait-il. Ses personnages ont d’ailleurs bien souvent quitté les cases de la bédé pour le grand écran ; Astérix est le héros de treize films (dont neuf longs-métrages d’animation), vus par 110 millions de spectateurs.

Des studios au nom d’Idéfix

Astérix, héros de treize films (Editions Albert René).
Astérix, héros de treize films (Editions Albert René).

Le cinéma a été son inspiration, logique que ses personnages soient adaptés au cinéma. La Cinémathèque met ainsi en scène « des films qui inspirent des BD qui inspirent des films ». Goscinny fut scénariste, réalisateur, producteur, de quatre films, d’abord « Astérix et Cléopâtre » et « Daisy Town », puis « Les Douze Travaux d’Astérix » et « La Ballade des Dalton », ces derniers sortis des Studios Idéfix, qu’il avait créés en 1974 avec son complice le dessinateur Uderzo et l’éditeur Georges Dargaud. Justifiant alors son surnom de Walt Goscinny.

 

Dès qu’on entre dans l’expo, on se téléporte dans l’univers goscinnien, rejoignant d’abord le Petit Nicolas dans une salle de classe, vieux parquet et tables d’école, et au mur une grande carte des terres de Jules César, où figure un certain village gaulois.

Puis on dévore des yeux décors et costumes de cinéma, notamment tirés du film « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre », réalisé par Alain Chabat, digne héritier, qui lui aussi rêvait de faire Walt Disney comme métier. La couronne de César/Fabrice Luchini, le casque ailé d’Astérix/Edouard Baer, un chaudron de potion forcément magique, le costume d’Alain Delon impérial en César, la fameuse robe de Monica Belluci bellissima Cléopâtre, les braies du livreur de menhirs Obélix/Depardieu et du petit nerveux Astérix/Christian Clavier…

Un César à titre posthume

Un triple écran rassemble en un coup d’œil trois versions de Cléopâtre, celui de Chabat, le film d’animation « Astérix et Cléopâtre », et le film de Mankievicz ; à quelques mètres, la longue tunique dorée portée par Elizabeth Taylor. Que de trésors

Lucky Luke, le poor lonesome cowboy (Lucky Comics).
Lucky Luke, le poor lonesome cowboy (Lucky Comics).

pour ciné-et-bédéphiles : le dessin original du logo des Studios Idéfix, des planches de décors, des storyboards de Lucky Luke, des planches des Dingodossiers conçus avec Gotlib, celles de « Western italien » dessinées par Gir (alias Moebius), des pages de scénario du film de Pierre Tchernia, « Le Viager »… Et dans une vitrine, le César décerné à titre posthume en 1978, à René Goscinny, pour l’ensemble de son œuvrecinématographique.On pousse des portes de saloon et l’on se retrouve chez Lucky Luke, le cowboy qui tire plus vite que son ombre, créé avec le dessinateur Morris ; il y a même un crachoir devant le bar. Sur le miroir, une séquence « hallucinante » inspirée de comédies musicales américaines, avec les quatre Dalton qui chantent et dansent sous la pluie. Tout près, une galerie de portraits, ces visages d’acteurs ou célébrités et leurs caricatures dans la bédé, conçue à la fois comme un hommage et une parodie des grands westerns hollywoodiens. Ailleurs, une compilation de fin de westerns, un cowboy solitaire, « a poor lonesome cowboy », s’éloignant dans le paysage, en chanson, « The end ».

Goscinny est mort trop tôt (à 51 ans) pour devenir le Disney français, les Studios Idéfix furent fermés quelques mois après sa mort. Pour aller à Disneyland Paris, on peut emprunter l’avenue René Goscinny .

Patrick TARDIT

« Astérix et la Transitalique » : ils sont fous, ces Italiens !

René Goscinny et son compère le dessinateur Albert Uderzo sont les créateurs du « plus grand succès mondial de la bande dessinée », avec 370 millions d’albums vendus depuis le premier album paru en 1961, « Astérix le Gaulois ». Tiré à 5 millions d’exemplaires dans 25 pays, le 37ème album des aventures du petit gaulois est sorti depuis le 19 octobre, « Astérix et la Transitalique » (Editions Albert René/9,95€).

Ce nouvel épisode est le troisième album réalisé par le duo Didier Conrad pour les dessins et Jean-Yves Ferri pour le texte, après « Astérix chez les Pictes » (2013) et « Le Papyrus de César » (2015). Déjà succès de librairie en édition classique, « Astérix et la Transitalique » se décline aussi en éditions spéciales pour les fêtes de fin d’année, avec une édition luxe (39€) et un prestigieux Art Book en tirage limité (199,95€).

Connus de César comme « un gros Gaulois roux avec un petit chien blanc et un petit Gaulois maigre avec une gourde verte », Obélix et Astérix se sont déjà rendus à Rome par le passé, à plusieurs reprises. Cette fois, ils vont traverser l’Italie en participant à une course à étapes, une grande course de

Didier Conrad et Jean-Yves Ferri signent leur troisième album d'Astérix
Didier Conrad et Jean-Yves Ferri signent leur troisième album d’Astérix.

chars, ouverte à tous les peuples, pour montrer « l’excellence des voies romaines », et dont le départ est donné à Monza.

 

C’est Obélix qui mène la course

Si tous les chemins mènent à Rome, les voies romaines nous mènent à travers l’Italie, permettant aux Gaulois de rencontrer d’autres peuples de la péninsule italique, car, faut-il le rappeler, les Italiens ne sont pas tous des Romains. Pour une fois, ce n’est pas Astérix qui a le beau rôle, mais Obélix qui mène la course à bord d’un char à tête de coq, même s’il est un peu perdu sur les points du règlement : les baffes sont-elles autorisées ou pas !?

Les irréductibles Gaulois affrontent d’autres barbares, des Bretons, des Goths, des Perses, des Sarmates, nos amis les Pirates… et surtout un bolide romain rouge mené par un champion masqué, et dont bien sûr César souhaite ardemment la victoire.

Conrad et Ferri forment un duo efficace et fidèle, bien dans la lignée de Goscinny-Uderzo, un dessin à observer dans les détails, et une bonne dose de calembours(bons) et jeux de mots(laids) bien dans « l’esprit »  : « Ave Bifidus et sois actif ! », des Italiques qui penchent, « Capri, c’est fini », les Bretons Madmax et Ecotax, l’insulte « Amphoré ! »… Conrad et Ferri osent «déplacer les bornes ». Mais comme il y a une morale gauloise, à la fin de la course, l’aigle romain sera vaincu par un nid-de-poule.

P.T.

« Le petit Nicolas », l’original

Les 28 planches originales rassemblées dans un album (IMAV Editions).
Les 28 planches originales rassemblées dans un album (IMAV Editions).

Outre le Gaulois Astérix et le cowboy Lucky Luke, un autre personnage célèbre fut créé par Goscinny, « Le petit Nicolas », un gamin conçu avec le dessinateur Sempé. Avant d’en faire des textes illustrés, les histoires du jeune écolier furent d’abord racontées dans une bande dessinée, et c’est en couleurs ! C’est cette bande dessinée originale qui vient d’être éditée (IMAV Editions/12,90€).

C’est en fait « un trésor retrouvé »,  que ces 28 planches inédites scénarisées par René Goscinny (qui signait alors d’un pseudonyme, Agostini) et dessinées par Jean-Jacques Sempé. 28 planches qui avaient été publiées, de septembre 1955 à mai 1956, dans « Le Moustique », magazine belge auquel ils collaboraient tous les deux.

Humour, tendresse, et poésie

Plus tard, Goscinny transformait ses scénarios en histoires courtes, et Sempé réalisait de nouveaux dessins d’illustration en noir-et-blanc, pour une parution dans « Sud Ouest Dimanche », à partir de 1959, des récits édités en recueils dès l’année suivante. C’est sous cette forme que « Le Petit Nicolas » est devenu une oeuvre célèbre de la littérature jeunesse, traduit ensuite en latin, en corse, en breton, en picard, en vosgien lorrain, en gascon, en provençal… Nico a même fait du sport avec L’Equipe et des gâteaux avec Alain Ducasse, avant d’être une vedette de cinéma.

Dans la bédé originale, figurent déjà « les ingrédients du succès » de la saga enfantine, « de l’humour, de la tendresse, et une certaine poésie », les personnages, les parents du Petit Nicolas et sa bande de copains, et le décor, le pavillon familial. Dans l’album, les planches sont publiées dans l’ordre de parution, avec en bonus les deux versions (bédé et texte illustré) de quelques facéties du gamin en bermuda et maillot rayé, « Le vélo » et « La plage ».

« C’est l’humour qui nous réunissait », écrit Sempé de son ami Goscinny. L’humour, et aussi un certain goût de l’enfance.

P.T.

Goscinny et Sempé : "C'est l'humour qui nous réunissait", estime le dessinateur (IMAV Editions).
Goscinny et Sempé : « C’est l’humour qui nous réunissait », estime le dessinateur (IMAV Editions).

 

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