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Donner aux SDF : petit guide de solidarité à usage des passants

Aider commence aussi par un ‘bonjour’ ou un sourire.
Eric Pouhier/Wikimedia, CC BY-NC

Thibaut Besozzi, Université de Lorraine

Chaque citadin croise quotidiennement des personnes quémandant de l’argent dans l’espace public ou dans les transports. Nous ne savons pas toujours comment répondre à ces sollicitations, d’autant plus qu’elles sont nombreuses et variées.

Nous préférons souvent la micro-politique de l’autruche qui consiste à simuler que nous n’avons ni vu ni entendu ces personnes que nous catégorisons spontanément comme SDF (sans domicile fixe).

Ce n’est pas forcément que nous soyons insensibles et refusions toute solidarité, mais il s’avère effectivement difficile de satisfaire toutes les demandes, d’autant que les justifications personnelles, plus ou moins légitimes, ne manquent pas pour se dédouaner de toute forme d’aide : nous n’avons pas le temps, nous ne pouvons pas donner à tout le monde, nous avons nous-mêmes nos propres problèmes, nous ne donnons pas d’argent pour ne pas cautionner les consommations d’alcool ou de drogue, nous ne donnons pas aux étrangers, etc.

Et même lorsqu’il nous arrive de leur venir en aide, nous sélectionnons souvent implicitement les personnes que nous jugeons dignes de cette aide : parce qu’untel est poli, parce qu’il présente bien, parce qu’untel ne boit pas, parce que tel autre est là, dans notre quartier depuis des années, etc. Nous définissons en fait selon des critères moraux (qui sont aussi des représentations socialement partagées) les « bons » et les « mauvais » pauvres. De plus, nous ne sommes pas forcément à l’aise pour les aider : comment se comporter ? Comment parler ? Que donner ? Comment aider ?

Quelle aide apporter ?

Quoi qu’il en soit, l’aide qu’on peut apporter aux SDF prend plusieurs formes. On doit distinguer l’aide institutionnelle et l’aide spontanée, l’aide matérielle et le soutien symbolique.

Une manière de venir en aide aux SDF consiste à s’engager dans une association caritative, en tant que bénévole, pour participer à des actions collectives (maraudes, distribution de repas, distribution de vêtements, soutien administratif). En se fiant aux chiffres produits par l’organisation France Bénévolat (2016), on remarque que le secteur caritatif est le secteur dans lequel s’engagent le plus les bénévoles français puisqu’il concerne 27 % des engagements des plus de 20 millions de bénévoles comptabilisés par l’étude.

Plus spontanément, c’est au moment de la rencontre avec une personne sans-domicile dans l’espace public que peuvent s’opérer des rapports d’aide. Le plus souvent, il s’agit alors de donner un peu d’argent, d’acheter nourriture et boisson ou bien d’offrir du tabac à la personne rencontrée.

L’association et réseau Entourage permet d’aider les personnes à retrouver confiance en elles.

Eviter la condescendance

Une posture moralisante consiste à ne pas donner d’argent pour éviter qu’il ne serve à acheter de l’alcool ou de la drogue, ou, plus stigmatisant encore, à donner de l’argent en spécifiant que c’est pour le chien qui accompagne parfois le mendiant. C’est dénier d’une part que les personnes sont libres de gérer leur budget comme elles l’entendent, et oublier d’autre part que l’alcoolisme et la toxicomanie sont des maladies qui s’imposent aux individus une fois dépendants.

Qui plus est, si cette préférence est verbalisée (« Je préfère vous acheter à manger plutôt que vous donner de l’argent »), elle est potentiellement perçue comme condescendante ou avilissante par les sans-domicile ainsi offensés.

Si bien que l’aide matérielle peut se faire au prix d’une stigmatisation dommageable, comme lorsqu’on donne des restes alimentaires à un mendiant qui peut alors se sentir rabaissé au rang de poubelle. Durant l’hiver, l’aide matérielle peut se concrétiser par le don de couvertures, de sacs de couchage ou de vêtements chauds, quand il ne s’agit pas de proposer l’hébergement chez soi pour une nuit ou plus, ce qui se fait plus rarement.

Un bonjour, un signe de tête

Sur le plan symbolique, il va sans dire que la mendicité est une expérience particulièrement honteuse pour les sans-domiciles qui n’ont d’autres choix que de s’y adonner.

Ils affichent ainsi leur condition de dénuement, leur soumission corporelle (assis par terre, tendant la main) mais aussi leur dépendance vis-à-vis des maigres dons qu’ils quêtent. C’est pourquoi certains mendiants, mobiles et debout, dissimulent leur activité en allant à la rencontre des passants.

En l’absence de dons matériels, il reste possible et important de « donner de soi » afin de reconnaître le sans-domicile en validant le fait qu’il existe et qu’on l’a bien vu. Dire « bonjour », hocher la tête, échanger un regard et une parole sont autant de petits actes qui paraissent anodins mais auxquels les SDF sont loin d’être indifférents.

Ce sont là des marques infimes de reconnaissance qui prennent toute leur importance compte tenu de la stigmatisation à laquelle expose le fait de faire la manche : ces gestes symboliques compensent en quelque sorte les effets négatifs de la stigmatisation. Car celle-ci s’exprime parfois a contrario par des remarques sévères assenées aux mendiants assis par terre

« Va travailler et tu t’en sortiras ! »

« Non, je ne donne pas aux profiteurs ! »

Il faut bien prendre conscience que, même si certains SDF décrivent la manche comme un « travail », astreint à des horaires fixes, des postes fixes et des techniques apprises sur le tas, il s’agit là d’une activité particulièrement difficile, moralement et physiquement, qui procure des ressources bien maigres pour considérer qu’ils « profitent » de la générosité des passants…The Conversation

Thibaut Besozzi, Docteur en sociologie, Université de Reims-Champagne Ardenne, CEREP, chercheur associé, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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