« C’est un film qui parle d’une page oubliée de l’histoire française », précise le réalisateur Simon Moutaïrou, qui a tourné un western français, historique et nécessaire, pour « éveiller les consciences ».
Si le cinéma américain a souvent évoqué l’esclavagisme, inhérent à l’histoire des Etats-Unis, les œuvres françaises sont assez rares sur le sujet. Un esclave enfui pour échapper à son triste sort, poursuivi par de cruels oppresseurs, le récit est assez classique à Hollywood ; mais c’est une nouveauté dans un film français, « Ni chaînes ni maîtres » (sortie le 18 septembre) premier long-métrage réalisé par Simon Moutaïrou, jusqu’alors scénariste (« Boîte noire », « Goliath », « L’Assaut »).
« C’est un film qui parle d’une page oubliée de l’histoire française, le marronage », précisait le réalisateur, avant la projection de son film en avant-première au Festival de Deauville. Un « marron », c’était « un homme ou une femme qui brise ses chaînes », un esclave parvenu à s’enfuir. En Normandie, Simon Moutaïrou était accompagné des « deux astres du film, le cœur émotionnel », les comédiens Ibrahima Mbaye et Anna Diakhere Thiandoum, trouvés lors d’un casting à Dakar, ainsi que de Benoît Magimel, alors président du jury du Festival de Deauville. Celui-ci tient d’ailleurs un rôle de méchant esclavagiste, un dirigeant sans pitié, tout comme Camille Cottin incarne Madame La Victoire, une chasseuse d’esclaves, une « diablesse » arrogante qui affirme : « Je crois aux vertus du châtiment ».
Les châtiments, les tortures, sont pour les « marrons » retrouvés alors qu’ils voulaient échapper à « l’enfer vert » des plantations de canne à sucre. Tourné au sein de la communauté créole de l’Ile Maurice, inspiré d’une légende mauricienne, ce film est un western français, qui se déroule en 1759 en Isle-de-France (ainsi été alors nommée l’Ile Maurice), alors que l’ordre colonial fait subir sa loi.
Une chasse à l’homme dans la forêt
Vieil esclave secondant le maître de l’exploitation, Massamba (Ibrahima Mbaye) est considéré comme un « chien des Blancs » par ses congénères ; ce père ne pense qu’à protéger sa fille Mati (Anna Diakhere Thiandoum), rêvant qu’elle puisse être un jour affranchie. Choisissant la liberté, la jeune fille s’échappe ; après avoir subi les morsures du fouet sur son dos, le vieux père se révolte et s’enfuit à son tour pour retrouver sa fille. Commence alors une course-poursuite, une chasse à l’homme dans la forêt, une traque menée par Madame La Victoire.
Si une séquence montre des corps échoués sur la plage, de fugitifs qui ont tenté de fuir par la mer, une image dramatiquement contemporaine, « Ni chaînes ni maîtres » évoque bien un cruel passé. Des êtres asservis et maltraités par des colons, « enfermés dans l’absolue certitude de la hiérarchie des races ». C’est pourquoi Simon Moutaïrou espère « éveiller les consciences » avec ce film aux vertus pédagogiques, historique et nécessaire.
Patrick TARDIT
« Ni chaînes ni maîtres », un film de Simon Moutaïrou (sortie le 18 septembre).