Manon Ott a tourné un documentaire dans les cités des Mureaux, « De cendres et de braises », un « portrait poétique et politique » d’une banlieue.
Le bras géant d’un engin mord dans le béton, et c’est un immeuble qui disparaît, détruit, démoli, à coups de pelleteuse. Des vies, des destins, s’effondrent ainsi dans la poussière et les gravats. C’est une des images fortes du documentaire de Manon Ott, « De cendres et de braises » (sortie le 25 septembre), tourné aux Mureaux, une banlieue de la région parisienne, un grand ensemble de logements HLM construit dans les années 60, pour y loger les ouvriers des usines de Renault à Flins.
La réalisatrice, qui a décidé d’y habiter pour mieux en filmer la vie, les gens, signe ainsi le « portrait poétique et politique d’une banlieue ouvrière en mutation ». Un portrait en noir et blanc, avec les archives des années 60, et un noir et blanc esthétique d’aujourd’hui. Parmi les gens qu’elle rencontre, il y a ce couple d’ouvriers militants, elle avait 18 ans en 1968, lui est d’origine marocaine ; ils racontent l’occupation de l’usine, la lutte syndicale, l’aliénation par le travail.
Des décennies plus tard, rien n’a changé, c’est même pire : dans les ateliers, qui ont compté jusqu’à 23000 ouvriers il y a un demi-siècle, ils ne sont plus que 4000 travailleurs dont 1500 en intérim, soumis au travail précaire. Manon Ott donne la parole aux habitants de cette cité dortoir, aux locataires de ces immenses barres d’immeubles. Aux anciens, pour la plupart anciens ouvriers, forcément nostalgiques. Et à la jeune génération, dont certains ont pris la suite dans cette usine qui a usé leurs parents ; exploités par le capitalisme sauvage, ils en arborent pourtant les symboles les plus clinquants, fringues, chaussures, et lunettes de marque.
Dans ce « p’tit ghetto », la réalisatrice s’attache aux rencontres, aux récits de vie, et son film se fait un peu fourre-tout, inégal en fonction des séquences, des personnages, des trajectoires, et des histoires. Un ex-taulard, militant mais pas convaincant ; un agent de sécurité, seul la nuit ; un jeune rappeur qui guette les lumières de la ville, plus loin, ailleurs… Le documentaire évoque ainsi la vie d’une banlieue, la désindustrialisation, l’urbanisation, l’immigration, l’histoire du mouvement ouvrier, ce feu autrefois flamboyant dont on sent qu’il n’est plus fait que « de cendres et de braises », avant probablement de s’éteindre.
Patrick TARDIT
« De cendres et de braises », un documentaire de Manon Ott (sortie le 25 septembre).