Inspiré de l’histoire de la biographe Lee Israel, le film de Marielle Heller est une délicieuse « farce criminelle ».
Ce n’est pas du Woody Allen, mais « Les faussaires de Manhattan » (sortie le 31 juillet), film réalisé par Marielle Heller, aurait pu être un scénario pour Woody Allen tellement il rassemble des éléments chers au cinéaste américain : une histoire originale, qui se déroule à New York, des personnages attachants, des dialogues bien balancés, un certain esthétisme, de la musique jazzy… Ce long-métrage, qui a ainsi tout le charme d’un cinéma allenien, est cependant l’adaptation du récit autobiographique de Lee Israel, « Can you ever forgive me », livre dans lequel l’écrivain racontait comme elle était devenue une arnaqueuse littéraire.
Vue essentiellement dans des comédies (« Mes meilleures amies », « Spy », « Les flingueuses »…), l’actrice Melissa McCarthy y incarne ainsi Lee Israel, dans une période difficile de sa vie. Auteur de biographies qui ne se vendent plus, jetée par son agent qui ne croit plus en elle, virée de son boulot, endettée, vieille, alcoolique, et fauchée, elle n’a même plus de quoi faire soigner son seul vieux compagnon malade, son chat.
Préférant définitivement son chat aux gens, Lee est du genre à bien savoir ne pas se faire aimer, à prendre volontairement des postures suscitant le rejet, et se fiche bien qu’être « caustique ne favorise pas les relations humaines ». En vendant une vraie lettre de Katharine Hepburn, qu’elle conservait jusqu’alors précieusement encadrée, elle tente un truc pour trouver de l’argent. Se découvrant un don d’imitation, elle rédige de fausses dédicaces, « améliore » des correspondances d’écrivains, d’actrices célèbres, des écrits proposés à des spécialistes, des libraires, des collectionneurs…
Une aimable association de malfaiteurs
En rajoutant du style à de banals documents, Lee fait ainsi une meilleure Dorothy Parker que Dorothy Parker elle-même, et fait entrer dans sa combine un copain de bistrot devenu un ami, Jack Hock, vieil érudit anglais interprété par le comédien britannique Richard E.Grant. Finalement repérée par le FBI, Lee écrit et Jack s’occupe de la vente, une aimable association de malfaiteurs, qui est aussi l’union de deux solitudes, la complicité de « deux âmes perdues », deux escrocs paumés.
« Les faussaires de Manhattan » avait obtenu trois nominations aux Oscars, notamment pour ses interprètes Melissa McCarthy et Richard E.Grant (actrice et second rôle), qui apportent beaucoup d’humanité à cette tendre et distrayante « farce criminelle » ; une délicieuse arnaque dans le monde littéraire newyorkais, où les faux se vendent mieux que les vrais, et où finalement on a de l’empathie pour un personnage qui savait si bien se rendre antipathique.
Patrick TARDIT
« Les faussaires de Manhattan », un film de Marielle Heller avec Melissa McCarthy et Richard E.Grant (sortie le 31 juillet).