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« Alita », la cyborg aux grands yeux

« C’est une histoire contemporaine, où les femmes prennent le pouvoir », confie Robert Rodriguez, le réalisateur de cette nouvelle saga de science-fiction, produite par James Cameron. Rencontre avec l’équipe du film, à Paris.

« Récit d’amour et d’aventure », c’est un nouveau conte fantastique qui arrive sur les écrans.
« Récit d’amour et d’aventure », c’est un nouveau conte fantastique qui arrive sur les écrans.

Nous sommes en 2563 et c’est le chaos. Un chaos imaginé par le dessinateur japonais Yukito Kishiro dans sa série de mangas, « Gunnm ». Un univers suffisamment fantastique pour attirer James Cameron, le cinéaste des projets fous, « Titanic » et « Avatar ». Après avoir fait couler l’insubmersible paquebot et explosé les chiffres du cinéma mondial, le cinéaste avait dès 1999 le projet d’adapter la bédé au ciné. Finalement, il est parti explorer la planète Pandora, peuplée de ses grandes créatures bleues (nouvelle explosion du box-office mondial), et se consacre désormais aux nombreuses suites à venir de « Avatar ».

Tout en restant producteur, Cameron a donc confié à Robert Rodriguez la lourde tâche de réaliser « Alita : Battle Angel » (sortie le 13 février), autre projet dingue, un film qu’il avait visualisé comme un « récit d’amour et d’aventure », un conte fantastique, une nouvelle saga épique de science-fiction.

Nous sommes en 2563, donc, et c’est le chaos. Trois cents ans auparavant, une guerre (« l’effondrement ») a modifié à tout jamais l’aspect de notre planète ; dans un paysage post-apocalyptique, il ne reste plus qu’une cité terrestre, Iron City, et une cité céleste, Zalem, étoile inaccessible dans laquelle vivent les privilégiés. Au sol, Iron City est une sorte de bidonville, un « camp de réfugiés géant », une mégalopole cosmopolite et poussiéreuse, « le dernier avant-poste de l’humanité ».

C’est dans une décharge géante que le Dr Ido (joué par Christoph Waltz) découvre un bout d’être encore vivant, essentiellement une tête avec un cerveau à l’intérieur. Sorte de « Gepetto du futur », le Dr Ido donne un corps (celui qu’il avait conçu pour sa fille disparue) à cette tête, « reconfigure » une créature, incarnée par l’actrice Rosa Salazar. A son réveil, la jeune fille aux grands yeux est amnésique, ne sait rien de son passé, ni pourquoi elle a été jetée aux ordures, elle ne connaît même pas son prénom. Elle s’appellera donc Alita.

« La narration sera toujours plus forte que la technologie »

La demoiselle « cybernétiquement optimisée » va partir à la découverte d’Iron City en compagnie d’un jeune humain, Hugo (joué par Keean Johnson), à qui elle va littéralement offrir son cœur. Elle se découvre douée pour le motorball, sport de gladiateurs aux corps biomécaniques (un rollerball en plus violent), et surtout douée pour la baston, la bagarre, la guerre, affrontant sans peur des chasseurs de primes et « une gargouille de métal » géante.

A l’image d’Alita, tout est hybride dans ce film, qui mélange personnages réels et numériques, décor en studios et univers virtuels, et dans lequel de vrais acteurs sont « repeints » par ordinateurs, avec la technologie de performance capture utilisée pour « Avatar », puis « Le Seigneur des Anneaux », « La planète des singes », « King Kong »… Le résultat est bluffant et spectaculaire, avec une thématique chère à Cameron, le bien et le mal, la recherche de l’identité, et une alerte pour le monde d’aujourd’hui. Le début d’une saga avec une toute nouvelle héroïne, une petite cyborg aux grands yeux, qui se révèle en fait être une redoutable guerrière.

« J’ai vu mon personnage comme quelqu’un de ce monde dans lequel nous vivons, je vois cette histoire comme une histoire contemporaine », confie Christoph Waltz. L’acteur, qui n’aime pas qu’on lui rappelle qu’il a incarné tant de méchants, joue pour une fois un « gentil », à la fois docteur et justicier : « C’est plutôt un mécanicien, il répare, il aurait pu être un homme de sciences, il aurait pu être un visionnaire et il s’est contenté d’être un justicier, et puis la paternité lui est tombée dessus par hasard », dit-il.

Avec ce film, le comédien s’est confronté à un tournage où les effets spéciaux sont primordiaux. « Le degré de développement de la technologie est effrayant, je crois beaucoup en l’importance de l’acteur, et quel que soit le degré de raffinement de la technologie, ça ne change pas vraiment la façon de raconter des histoires, la narration sera toujours plus forte que la technologie, l’homme n’en n’a pas besoin pour survivre ni pour que sa vie soit meilleure, ce qui compte à la fin ce sont les relations humaines, c’est assez réconfortant », estime Christoph Waltz.

Rosa Salazar : « Alita est une version mutante de moi-même »

Le personnage d’Alita a les traits et le visage de l’actrice Rosa Salazar… sauf les yeux, encore plus grands.
Le personnage d’Alita a les traits et le visage de l’actrice Rosa Salazar… sauf les yeux, encore plus grands.

« Bonjour, ça va ? », lance en français, Rosa Salazar, en pénétrant dans un salon du Bristol, à Paris. Robe noire, nœud dans ses cheveux noirs, l’actrice à la jolie frimousse est une tornade brune énergique, qui plaisante et respire la joie de vivre. Repérée jusqu’alors dans les sagas « Divergente » et « Le Labyrinthe », on comprend en la voyant pourquoi elle a été choisie pour incarner Alita.

« On aurait pu avoir toutes les actrices qu’on voulait », précise le producteur Jon Landau. Dans la sélection finale, trois actrices dont Rosa ont passé l’ultime test : « Il y avait un diamant qui brillait plus fort que les deux autres », assure Landau, « Alita arrive dans un monde avec de grands yeux innocents, et à la fin du film c’est une guerrière féroce ».

Si elle a prêté son visage, son corps, et son jeu au personnage, à l’écran c’est à la fois elle et pas vraiment elle, « retouchée » en numérique. « C’est complètement surréaliste, c’est une expérience unique, très étrange, comme si vous croisiez votre jumelle, votre sœur, votre fille, c’est une version mutante de moi-même, elle me ressemble, c’est mon essence, il y a ce sentiment qu’on est pareilles », raconte Rosa Salazar, qui a suivi un entraînement de cinq mois, arts martiaux, kick boxing, roller blade…

Et puis il y a ces yeux, bien sûr, bien trop grands pour qu’ils soient réellement les siens. « James, Robert, Jon, voulaient rendre hommage au manga, où elle a ces grands yeux ; Alita vient d’une autre planète, donc elle ne peut pas ressembler aux autres habitants d’Iron City », dit-elle. « Ma mère n’avait même pas remarqué les yeux agrandis », s’amuse la comédienne.

« Mais bien sûr », répond-elle à nouveau en français, lorsqu’on lui demande si elle est sensible à la dimension féministe du film, une femme seule qui bastonne tous ces méchants mâles. « Je suis féministe et chaque rôle que j’accepte, chaque chose que je fais dans ma vie, l’est dans cette perspective, je choisis toujours mes rôles en songeant au message qu’il donne », assure Rosa Salazar, « Alita a longtemps été sous-estimée, elle se sent elle-même comme une fille insignifiante, elle est née dans une décharge, elle pensait qu’elle n’avait rien à offrir, c’est à travers sa quête d’identité qu’elle a compris qu’elle avait en elle une force extraordinaire, et qu’elle pouvait non seulement changer le cours de sa vie mais aussi changer le monde. En tant qu’actrice, que femme, j’ai vécu ce genre de situations ».

L’actrice sait que l’aventure va se poursuivre au cinéma et ce qui attend Alita. « C’est un voyage dans son passé, je sais exactement d’où elle vient et où elle va, c’est tellement dingue ce que j’ai lu, c’est un univers tellement incroyable, on est dans la folle imagination de Kishiro, qui est en train d’écrire des chroniques martiennes où il va raconter comment Alita a perdu son corps humain », précise l’enthousiaste Rosa Salazar.

Robert Rodriguez : « Il y a à la fois l’espoir et le chaos »

Le réalisateur Robert Rodriguez (à gauche) avec les comédiens Keean Johnson et Rosa Salazar, dont le corps est recouvert de capteurs.
Le réalisateur Robert Rodriguez (à gauche) avec les comédiens Keean Johnson et Rosa Salazar, dont le corps est recouvert de capteurs.

« Je ne peux pas m’empêcher d’être dans le ludique, d’habitude je fais des films soit pour les petits enfants soit pour les grands enfants », sourit Robert Rodriguez, qui a réalisé « Spy Kids » pour les petits et « Desperado » pour les grands. Homme à tout faire dans le cinéma, depuis son premier film, « El Mariachi », réalisateur, scénariste, chef opérateur, monteur, compositeur… le cinéaste a souvent tourné des films « violents et drôles », et à petits budgets.

« Je faisais tous ces boulots parce que je n’avais pas d’argent, je voulais éviter les studios et garder ma liberté », confie Robert Rodriguez, « J’ai dû changer complètement ma méthode, c’est effectivement le plus grand défi de ma carrière. J’étais un grand fan de Jim Cameron, je suis aussi son ami. Comme un éternel étudiant du cinéma, je me demandais comment il fabriquait ses films. Jim Cameron sait aussi faire tous ces boulots, mais il a besoin de tous ces collaborateurs pour obtenir la qualité d’un film d’envergure, c’est un privilège de pouvoir se concentrer sur les acteurs et le tournage. Là, j’avais la protection de Jim et la sensation de faire un film indépendant avec un gros budget », raconte le cinéaste, tout en griffonnant des dessins en rouge et noir.

Avec « Sin City », il avait déjà adapté une bédé fantastique à l’écran. « Alita est une histoire contemporaine, où les femmes prennent le pouvoir, et avec ce bas-monde qui ressemble de plus en plus au chaos qu’il y a aujourd’hui partout ; c’est une histoire intemporelle et contemporaine, il y a à la fois l’horreur, le mal, mais aussi la beauté qu’Alita incarne, il y a à la fois l’espoir et le chaos », dit le cinéaste, ravi d’avoir fait émerger une héroïne latino. « Je trouvais toujours qu’il y avait un manque d’héroïnes hispaniques, Alita me rappelle mes cinq sœurs, et ma fille maintenant, qui a le même âge que l’héroïne et ce côté têtu. Mais, homme et femme, on peut tous s’identifier à une gamine insignifiante qui a le pouvoir de changer le monde », estime Robert Rodriguez.

« En 1999, j’avais promis à Kishiro que nous n’allions pas faire une version hollywoodienne de son travail », confiait auparavant Jon Landau, producteur « historique » de James Cameron, qui a donc dans sa filmographie rien de moins que les deux plus gros succès de l’histoire du cinéma, « Titanic » et « Avatar ».

« Ce qui m’a attiré dans Alita, ce sont les thèmes de ce film, c’est l’histoire universelle d’une petite fille qui passe à l’âge adulte ; elle dit elle-même qu’elle est juste une fille insignifiante, mais elle va trouver en elle l’héroïne qui sommeille », dit Jon Landau, « Je veux faire des films dont les thèmes dépassent le genre, le spectateur conserve le cœur émotionnel des histoires, dans Alita il y a la découverte de soi, la seconde chance, l’apparence ».

Et pendant ce temps, James Cameron tourne les trois suites à venir de « Avatar » ; après la performance capture sur le 2 et le 3, va débuter prochainement le tournage des images réelles en Nouvelle-Zélande, avec Kate Winslet parmi les nouveaux personnages. « Nous avons décidé que toutes les suites se dérouleraient sur Pandora », révèle Jon Landau, « La science-fiction est une métaphore du monde dans lequel nous vivons, et de toutes les merveilles qu’il y a sur Terre ».

Patrick TARDIT

« Alita : Battle Angel », un film de Robert Rodriguez, avec Rosa Salazar (sortie le 13 février).

« J’ai vu mon personnage comme quelqu’un de ce monde dans lequel nous vivons », confie l’acteur Christoph Waltz, qui incarne le Dr Ido.
« J’ai vu mon personnage comme quelqu’un de ce monde dans lequel nous vivons », confie l’acteur Christoph Waltz, qui incarne le Dr Ido.
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