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« Je filme la nature telle qu’elle est »

Avec « L’école buissonnière », Nicolas Vanier a tourné un film familial, hommage à la vie sauvage. Interview.

Nicolas Vanier : "Je n'ai pas la prétention de changer le monde avec un film, mais ça permet de faire passer des messages".
Nicolas Vanier : « Je n’ai pas la prétention de changer le monde avec un film, mais ça permet de faire passer des messages ».

Aventurier, écrivain, photographe, « voyageur du froid » et « ambassadeur de la nature », Nicolas Vanier a désormais abandonné les expéditions pour le cinéma. Réalisateur de documentaires (« L’odyssée blanche », « Le dernier trappeur »…) et de fictions (« Belle et Sébastien », « Loup »…), il a tourné cette fois un mélodrame de la vie paysanne, « L’école buissonnière » (actuellement en salles), du cinéma familial et grand public. L’histoire de Paul, petit orphelin parisien (incarné par le jeune Jean Scandel), qui découvre la vie à la campagne, en 1927, entre la famille d’un garde-chasse (Valérie Karsenti et Eric Elmosnino) et Totoche le braconnier (François Cluzet).

Rencontre avec Nicolas Vanier à l’UGC Ciné-Cité de Ludres, à l’occasion de la présentation de « L’école buissonnière », lors de Ciné-Cool.

Avec votre film, vous partagez votre amour de la nature, des animaux, de la vie sauvage, mais il y a aussi un vrai discours écologique ?

Oui, je n’ai pas la prétention avec un film de changer le monde, mais c’est vrai que j’aime aussi, en plus d’une histoire, faire passer des messages, et ça me fait plaisir lorsque je vois que les valeurs qui sont celles de ces hommes qui vivent dans la forêt, solidarité et transmission, touchent les gens. On évoque aussi des sujets comme la biodiversité, le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, qui sont souvent très abstraits, indigestes, pour des jeunes de cinq-six ans, alors que si on parle au travers du prisme d’une histoire et d’un film, on arrive vraiment à faire passer des choses. Disons que ça permet d’avoir une audience assez large, mais ça ne suffit pas, et au-delà du film, j’ai un programme d’éducation à l’environnement qui va dans les écoles.

« Réalisé en Sologne »

Vous dites que c’est votre film le plus personnel, quelle est la part d’invention, de souvenirs, et de biographie ?

C’est une histoire inventée, mais qui résulte d’histoires vraies qui sont la mienne, celles de voisins, de ce que j’ai pu entendre en Sologne, c’est un aboutissement d’une vie entière passée en grande partie en Sologne. C’est le résultat d’un gros travail sur le scénario, qui est bien plus compliqué que l’écriture d’un roman dans la continuité, il faut un rythme, des destins croisés, mais tout ça me passionne.

Vous avez d’ailleurs fait inscrire la mention « réalisé en Sologne » sur l’affiche…

Oui, c’était important, ce film a été à 100% tourné en Sologne. J’avais vraiment envie d’être à la hauteur de cette Sologne que j’aime, j’ai grandi en Sologne, et je vis en Sologne, dans la ferme de mon grand-père.

François Cluzet, François Berléand, Eric Elmosnino… vous avez composé un beau casting…

Ce sont des personnes proches du sujet, humainement formidables, des acteurs qui sont vraiment entrés dans cette histoire, dans la forêt, ils ont abordé ça avec humilité, ils avaient envie aussi de défendre les valeurs de ce film. Participer à un film qui est à la fois une belle histoire et qui a du sens, c’est quelque chose qui parle à ces acteurs qui ont derrière eux une telle filmographie qu’ils n’ont pas besoin d’un film de plus. J’ai été complètement comblé par ces acteurs, par leur jeu, par les personnages qu’on a créés ensemble.

Votre film contient beaucoup d’images animalières et de nature, ce fut difficile de les obtenir ?

Moi je ne subis pas la nature, je l’accepte telle qu’elle est, je sais comment sont les animaux, la nature, et dès le départ je sais qu’elle va me faire ce qu’elle fait tous les jours, c’est-à-dire des cadeaux extraordinaires. Et puis lorsqu’il fait mauvais je trouve ça beau, parce que ça met en lumière le soleil qui va venir après, j’accepte la nature telle qu’elle est, je la filme telle qu’elle est, sans effets spéciaux, sans la contraindre, et dans ce cas-là elle vous le rend au centuple, un peu comme les animaux d’ailleurs.

Nicolas Hulot ministre :

« Une très bonne nouvelle »

En tant que défenseur de la nature et de l’environnement, que pensez-vous de la nomination de Nicolas Hulot au gouvernement ?

C’est une sacrée bonne nouvelle, d’abord parce que Nicolas, depuis quinze ou vingt ans, a vraiment pris une épaisseur qui lui permet de tenir ce poste. Et parce que je connais suffisamment Nicolas pour savoir que s’il a accepté ce poste, c’est qu’il a obtenu la garantie de pouvoir mener à bien un certain nombre de chantiers qui lui paraissent, et me paraissent, essentiels. C’est une très bonne nouvelle, en espérant qu’il sortira indemne de cette arène politique qu’il n’aime pas plus que moi, et dans laquelle il faut jouer des coudes, ce qui n’est pas facile.

Vous auriez pu accepter un poste pareil ?

Je n’aurais sûrement pas accepté le poste que Nicolas occupe actuellement, parce que je ne me sens pas encore, et peut-être jamais, les épaules nécessaires. Mais il n’est pas du tout exclu que je conduise une certaine réflexion sur la gestion de la faune sauvage en France, j’ai effectivement quelques idées, quelques solutions, et de l’entregent dans ce milieu pour peut-être pouvoir proposer des choses.

Est-ce que vos films risquent de devenir les traces d’un monde qui va disparaître ?

J’espère au contraire qu’ils révèlent ce que nous avons abandonné. Lorsque l’on voit cette solidarité qui existait autrefois, et que nous avons en grande partie perdue, quand on voit ce respect de la nature, cet équilibre qui était le nôtre il y a encore cinquante ans, ce sont des choses qu’il faut remettre à l’ordre du jour. On arrive au bout d’un système, qui nous a apporté beaucoup de choses extraordinaires, on a été sur la Lune, on a fait des vaccins, je ne suis pas du tout contre les progrès qu’a fait l’humanité, mais on a oublié des choses et on en voit aujourd’hui toutes les conséquences, pas simplement environnementales, mais aussi économiques, avec ses disproportions absolument intolérables. Je pense qu’il est temps d’essayer de voir ce que nous voudrions que le monde soit dans un siècle, comment y parvenir, et ce qu’il faut mettre en place.

Propos recueillis par Patrick TARDIT

« L’école buissonnière », un film de Nicolas Vanier (en salles actuellement).

Paul le petit orphelin (joué par le jeune Jean Scandel) va découvrir la vie à la campagne avec Totoche le braconnier (François Cluzet).
Paul le petit orphelin (joué par le jeune Jean Scandel) va découvrir la vie à la campagne avec Totoche le braconnier (François Cluzet).
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