Ancien avocat à la cour, membre du Conseil de l’ordre, Me Jean-Gaston Moore a dirigé pendant de nombreuses années la Gazette du Palais, une publication spécialisée dans l’analyse et la veille juridique. Voici ce que nous écrivions de lui dans un ouvrage publié en 2014 (Les dessous des Affaires Judiciaires, Max Milo).
Quand le temps le permet, il promène son vieux labrador place Dauphine, derrière le Palais de justice de Paris avant d’aller déjeuner au premier étage d’un bon restaurant où il a ses habitudes. Un rituel. Il n’est pas rare de le voir en compagnie d’un haut magistrat ou d’un avocat réputé qui le consulte sur une affaire délicate. D’un naturel affable, il se prête de bonne grâce à toutes les sollicitations.
Car Me Jean-Gaston Moore est la mémoire du Palais. Il en connaît tous les arcanes, tous les secrets. Même les moins avouables. Comme, par exemple, la demande faite à deux reprises à un haut magistrat du siège pour qu’il préside la chambre devant laquelle devait être jugé en appel un homme politique de premier plan. Avec obligation de résultat, cela va de soi. Malgré la promesse d’une bonne récompense, ce magistrat intègre a refusé. D’autres auraient-ils cédé ?
Ancien avocat à la cour, membre du Conseil de l’ordre, Jean-Gaston Moore a dirigé pendant de nombreuses années la Gazette du Palais, une publication spécialisée dans l’analyse et la veille juridique. Sa longévité (il est né le 31 décembre 1924) et son excellente mémoire où se bousculent une foule d’anecdotes souvent très drôles, font de lui une véritable encyclopédie des mœurs judiciaires.
Celle-ci par exemple. On sait que magistrats et avocats n’entretiennent pas toujours de bonnes relations. Si bien que pour faire plus ample connaissance dans une ambiance agréable, beaucoup de magistrats et d’avocats se retrouvaient, une fois par an, après l’audience solennelle de rentrée, au One Two Two, un célèbre bordel de la rue de Provence. « Autrefois, cela se passait comme ça » s’amuse Jean-Gaston Moore.
Un plagiat
Celle-là encore. Me Moore se souvient aussi que Pierre Estoup, alors premier président de la cour de Versailles alimentait régulièrement la Gazette en articles divers et variés. Ce magistrat qui fera parler de lui dans l’affaire de l’arbitrage entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais, lui adressa un jour un article sur « la question prud’homale ». A peine publié, l’article a soulevé l’indignation d’un magistrat de la Chancellerie –dont il conserve la lettre- qui venait de reconnaître sa prose. Il a fallu toute la diplomatie de Me Moore pour qu’un accord intervienne entre les deux parties et pour qu’il n’y ait pas de droit de réponse. Cette indélicatesse a jeté la suspicion sur tous les autres articles de Pierre Estoup dont on apprit qu’il avait un « nègre » en l’occurrence un conseiller de la cour d’appel.
Manque de moyens
Au-delà des anecdotes, Me Moore porte un regard très lucide sur la justice du 21ème siècle. « J’ai une grande admiration pour les magistrats d’aujourd’hui, dit-il. Il y a une explosion du nombre des affaires et une plus grande complexité du droit. Or les magistrats s’adaptent. Mais la justice manque cruellement de moyens. De là, presque tous ses maux. »
C’est si vrai qu’il va y avoir, dans les prochaines années, 1.500 postes vacants de magistrats qui partent à la retraite. A Paris, quarante-quatre postes sont non-pourvus. Il y a une désaffection du concours de la magistrature au profit d’autres professions juridiques (avocats, notaires, huissiers…). Me Moore plaide pour qu’il y ait une spécialisation des tribunaux, garantissant une justice de qualité. « C’est le bon côté de la réforme. »
Maire de Cricqueboeuf
Outre ses fonctions d’avocat et de responsable de publication, Me Moore a été de 1965 à 2008 maire de la commune de Cricqueboeuf, dans le Calvados, dont il reste conseiller municipal et vice-président de la communauté de commune s d’Honfleur. Depuis novembre 2013 une place porte son nom dans la commune.
Me Moore nous a accord » une longue interview vidéo qui n’a pas encore été diffusée. Désormais, il la regardera depuis un petit nuage, au paradis des grands avocats.
M.G.