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Le coup de gueule des prud’hommes de Troyes

La réforme initiée en 2008 a notamment concerné les Conseils des Prud'hommes. ActuaLitté/Wikimedia, CC BY-SA
La réforme initiée en 2008 a notamment concerné les Conseils des Prud’hommes. ActuaLitté/Wikimedia, CC BY-SA

Le Conseil de prud’hommes de Troyes, choqué par les propos tenus par le ministère du Travail régit vivement via le communiqué de presse ci-dessous.

Nous n’avons pas pour habitude au Conseil de Prud’hommes de Troyes de nous exprimer par voie de presse. Toutefois devant les propos insultants tenus par le Ministère du Travail, nous ne pouvons rester silencieux.
En effet, en date du 13 décembre dernier, plusieurs jugements ont été rendus par notre Conseil. Ces décisions portaient notamment sur le plafonnement des indemnités prud’homales prévues par les ordonnances Macron et le bureau de jugement a considéré que celles-ci étaient contraires au droit international.

L’ignorance des conseillers

C’était une première en France et la presse nationale s’est emparée du sujet. Ces décisions ont donc fait l’objet de nombreux commentaires, ce qui en soit est tout à fait normal tant le débat est passionné. Rappelons que les ordonnances instaurant la « barémisation » des indemnités versées en cas de licenciement abusif, représentent un emblème fort du dispositif mis en place par le Président de la République.
Ceci dit, dans un article du Monde paru le 14 décembre dernier, le Ministère du Travail, interrogé par le journaliste, a cru bon commenter cette décision en tenant des propos extrêmement choquants et inadmissibles en affirmant que dans un dossier similaire le Conseil d’Etat avait, en référé, rejeté les arguments avancés par le demandeur. La décision prononcée à Troyes faisant fi de ces éléments, se posait à nouveau « la question de la formation juridique des Conseillers Prud’homaux. En clair l’ignorance des Conseillers Prud’hommes serait mise en avant »…
Mettre en cause notre autorité, notre compétence, et le principe de la séparation des pouvoirs, qui constitue pourtant l’un des fondements de notre démocratie, est scandaleux et porte atteinte à l’autorité de la justice et à son indépendance.

Propos inacceptables

Que les juges judiciaires écartent une loi votée, parce qu’inconventionnelle, n’est pas de l’ignorance, mais l’exercice de leur pouvoir juridictionnel.
Les propos du Ministère du Travail ne sont pas acceptables. Ils sont sans fondement à l’égard de nos collègues en question voire à l’égard de l’ensemble des Conseillers Prud’hommes de France.
Cela dénote une méconnaissance profonde des Conseils de Prud’hommes et notamment celui de Troyes qui, de par son fonctionnement et les décisions qu’il rend, fait figure d’exemple comme le souligne régulièrement les Chefs de Cour.
Rappelons que selon les principes de séparation des pouvoirs, il aurait été fort judicieux que le Ministère du travail s’abstienne de tout commentaire partisan et aussi désobligeant. Car c’est bien au nom du Peuple Français et de la République Française que les décisions sont rendues.
Nous estimons utile et opportun de rappeler que l’article 434-25 du Code Pénal interdit de jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature sur un acte ou une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance.
Pour en terminer sur le sujet, cette décision rendue en premier ressort ouvre des voies de recours et il appartiendra ou non aux juridictions supérieures (Cour d’Appel, Cour de Cassation) de trancher ce débat fort intéressant. C’est ainsi que fonctionne la justice en France et il ne saurait être question d’accepter toute ingérence du pouvoir en place qu’il vienne d’un conseiller ou d’un Ministre.
Un courrier sera adressé dans ce sens tant au Ministère du Travail qu’au Ministère de la Justice pour rappeler à l’ordre voire à la loi les responsables de ces dérives.

Troyes le 20 décembre 2018

Monsieur Patrice HUART
Président du Conseil de Prud’hommes

Monsieur Alain COLBOIS
Vice-président du Conseil de Prud’hommes

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