En 2017, et pour la cinquième fois en six ans, l’Afrique subsaharienne francophone a réalisé les meilleures performances économiques du continent. Et cela malgré les difficultés rencontrées par les pays d’Afrique centrale. La tendance devrait se maintenir en 2018, même si une certaine vigilance s’impose.
Par Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Pour la quatrième année consécutive et la cinquième fois en six ans, les huit pays de la zone UEMOA (dont la lusophone, mais très francophile, Guinée-Bissau) ont enregistré une croissance globale supérieure à 6 % (6,5 %, et 6,6 % un an plus tôt). Alors qu’en 2016, sept de ces huit pays avaient connu une progression de plus de 5 %, tous ont cette fois dépassé cette barre symbolique. La zone UEMOA confirme ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, et de relais de la croissance mondiale. Hors UEMOA, la Guinée confirme le redémarrage de son économie avec une hausse de son PIB de 6,7 % (6,6 % en 2016).
La Côte d’Ivoire mieux que le Kénya
La Côte d’Ivoire et le Sénégal ont à nouveau affiché les meilleures performances d’Afrique de l’Ouest. Avec une croissance 7,6 %, la Côte d’Ivoire n’a été dépassée que par l’Éthiopie (8,5 %), dont les performances résultent essentiellement du très faible niveau de développement du pays, avec un PIB par habitant qui n’était encore que de 710 dollars début 2017 (contre de 1530 dollars pour la Côte d’Ivoire).
La Côte d’Ivoire continue aussi à faire mieux que le Kenya, économie la plus développée d’Afrique de l’Est continentale, dont la croissance a été de 4,9 % en 2017 malgré un PIB par habitant légèrement inférieur (1450 dollars). Sur la période 2012-2017, la croissance annuelle a ainsi été de 8,9% en moyenne en Côte d’Ivoire et de 5,3 % au Kenya, soit un écart de près de 68 % en moyenne par an, sur ces 6 dernières années.
Croissance forte au Sénégal
De son côté, le Sénégal a continué à afficher une croissance de plus de 6 % (6,8 %), soit davantage que des pays comme l’Ouganda (4,0 %) et le Rwanda (5,2 %), dont le PIB par habitant n’était que de 580 et 700 dollars, respectivement (950 pour le Sénégal). La croissance semble ainsi se tasser dans ces deux pays d’Afrique de l’Est, et notamment au Rwanda qui demeure l’un des quatre seuls pays africains – et non francophones – dans lesquels il n’existe aucune liberté d’expression, avec l’Érythrée, l’Égypte (au régime bien plus autoritaire que sous Moubarak) et le Swaziland (dernière monarchie absolue du continent, et 0,9% de croissance en 2017).
Si la faiblesse des cours des matières premières a également eu un impact positif, les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes mises en œuvre par la majorité des pays de la région. Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso (dont la croissance s’est établie à 6,4 % en 2017). Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bon considérable entre les classements Doing Business 2012 et 2018, et notamment la Côte d’Ivoire (passée de la 167e place à la 139e place), le Bénin (de la 175e à la 151e), la Guinée (de la 179e et de la 153e) et le Sénégal (de la 154e à la 140e).
Tensions sociales
À l’exception du Togo (156e), tous les pays francophones de la région se situent désormais à peu près au même niveau que le Nigeria (145e). Par ailleurs, il est à noter que le dernier classement Doing Business met en évidence une détérioration considérable de climat des affaires en Éthiopie, passée de la 111e à la 161e place. Ce pays, qui peine à développer ses zones rurales et où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts depuis deux ans, est d’ailleurs le pays qui connaît les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an).
Enfin, il est à noter que la croissance économique de l’Afrique de l’Ouest francophone continue à être globalement plus de deux fois supérieure à sa croissance démographique, pourtant légèrement supérieure à la moyenne subsaharienne. Cet essor démographique contribue à ce dynamisme économique, en permettant au marché intérieur de ces pays d’atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités économiques. Par ailleurs, la plupart des pays de la région demeurent encore assez faiblement peuplés. À titre d’exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’indiquent la majorité des cartes en circulation), comptent respectivement près de 12 et 20 millions d’habitants, contre 66 millions pour le Royaume-Uni.
A suivre