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À quoi ressemblaient les JO des Grecs ?

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Combat de lutteurs en Grèce antique vers 510 av. J.-C.
Fingalo/wikipédia, CC BY-SA

Jean-Paul Thuillier, École Normale Supérieure (ENS)

Les Jeux olympiques sont la manifestation sportive la plus connue de l’Antiquité : c’est si vrai qu’on considère parfois que le sport même est né à Olympie, dans ce grand sanctuaire situé au nord-ouest du Péloponnèse, en 776 avant notre ère, date traditionnelle de la fondation des jeux.

Et l’on oublie ainsi que nous avons déjà des images sportives remontant au IIIe millénaire, dans la civilisation égyptienne et dans la civilisation sumérienne : les sports de combat, et surtout la lutte, étaient dès cette époque particulièrement en vogue.

À Olympie.
J.Gallé/TheConversation, CC BY-NC-ND

Cette prédominance du sport grec dans la pensée générale est en grande partie liée au fait que ceux-ci ont été restaurés à l’époque moderne, en 1896, à l’instigation du baron Pierre de Coubertin. Mais, si nous avons bien conservé la périodicité des Jeux olympiques qui revenaient tous les quatre ans, les différences entre la manifestation antique et la compétition moderne, déjà sensibles à la fin du XIXe siècle, n’ont fait que s’accentuer depuis cette période.

Des jeux en constante évolution

Le nombre des compétitions et des participants s’est accru de façon incroyable dans les dernières décennies – on annonce près de 400 athlètes français à Rio ; et le fait que le football, ce sport professionnel entre tous, soit devenu une discipline olympique permet de relever d’emblée un trait inconnu des Anciens. Les Grecs, qui pratiquaient assidûment comme les Romains les exercices avec la balle, n’avaient cependant jamais inscrit les sports collectifs de ballon dans leurs concours officiels.

Le programme olympique, qui se déroulait sur quatre ou cinq jours – et encore une partie de ce temps était-il consacré à des rites religieux – ne comprenait que des compétitions hippiques et athlétiques, ces dernières étant souvent qualifiées de « gymniques » : ce qui a le mérite de rappeler, d’après l’étymologie de ce terme, que les athlètes étaient alors nus (mais on peut supposer, comme le montre parfois l’iconographie, qu’ils portaient une sorte de « suspensoir »).

Le privilège de l’aristocratie

Les épreuves hippiques, qui se déroulaient dans l’hippodrome, comprenaient des courses attelées et des courses montées. C’était la course de quadriges, chars attelés à quatre chevaux, qui apportait la principale gloire sportive, mais il faut tenir compte du fait que c’étaient les propriétaires du char et des chevaux qui recevaient la couronne de feuillage, prix de la victoire, et non pas le jockey ou le cocher. Cette épreuve était réservée à l’aristocratie qui avait seule les moyens d’élever des chevaux… et de les transporter jusqu’à Olympie.

Dans ces conditions, une femme pouvait être victorieuse en tant que propriétaire : chose exceptionnelle à Olympie et dans les autres grands concours de l’Antiquité puisque seuls les hommes pouvaient concourir sur la piste du stade ! Et c’est évidemment une autre différence essentielle avec les JO actuels – mais on sait que Coubertin ne voyait pas d’un œil favorable la création de compétitions féminines…

L’Aurige de Delphes.
J.Gallé/TheConversation, CC BY-NC-ND

En tout cas, en voyant cette magnifique statue de bronze qu’est l’Aurige de Delphes, on doit se souvenir que ce n’était pas le vainqueur, mais le simple cocher du vainqueur, en l’occurrence Polyzalos, un tyran de Gela en Sicile, qui l’avait emporté au début du Ve siècle avant notre ère.

Dans les stades

Les épreuves athlétiques comprenaient des courses à pied, des sports de combat et le pentathlon, première compétition à épreuves multiples de l’histoire du sport. Il y avait trois courses, deux de sprint, celle dite du stade sur 180 mètres environ – ce qui correspondait à la longueur de la piste – celle du double stade (le diaulos) qui fait donc un peu moins de 400 mètres, et une course de fond appelée le _dolichos _sur 20 stades, autrement dit un petit 4 000 mètres.

Mais il faut leur adjoindre la course armée lors de laquelle les athlètes portaient un casque et un bouclier : c’était la dernière épreuve des jeux, et elle symbolisait la fin de la trêve olympique sacrée (laquelle n’avait jamais entraîné la suspension de toutes les guerres, mais seulement la possibilité pour les athlètes et les spectateurs de se rendre à Olympie sans risquer d’être tués au cours du voyage par l’ennemi de leur cité).

Lutte, pugilat, pancrace

Les trois sports de combat – lutte, pugilat et pancrace – ne comportaient pas de catégories de poids, et seuls les athlètes lourds avaient des chances de l’emporter. La lutte antique, appelée palè, qui a donné le mot palestre, n’avait rien à voir avec notre épreuve dite pourtant « gréco-romaine » : les prises étaient autorisées au-dessous de la ceinture et le vainqueur était celui qui avait projeté trois fois son adversaire au sol.

Le lutteur Milon de Crotone, six fois vainqueur à Olympie, est sans doute l’athlète le plus célèbre de l’Antiquité grecque. En revanche, au pugilat, c’est-à-dire à la boxe, et au pancrace, le combat se poursuivait sans qu’il y ait de rounds jusqu’à ce qu’un des deux adversaires soit K.O. ou abandonne.

Pancrace.
Marie-Lan Nguyen/Wikimédia, CC BY

Le pugilat était le sport le plus violent, le plus sanglant : les mains étaient renforcées par des lanières de cuir qui deviendront de plus en plus épaisses, et il semble que les coups n’aient été portés qu’à la tête. C’est pourquoi un auteur grec a pu prétendre que le ventre rebondi était un atout pour un boxeur : il était ainsi plus difficile pour son adversaire de le toucher à la tête, sauf à avoir une allonge remarquable…

Le pancrace était un mélange de boxe et de lutte, mais il était finalement moins dangereux que le pugilat, dans la mesure où les athlètes ne portaient pas de « gants » pour pouvoir assurer leurs prises, et là le combat se poursuivait au sol. Il était simplement interdit de mordre l’adversaire ou de lui enfoncer les doigts dans les yeux : la « fourchette » n’était donc pas le seul fait des rugbymen modernes…

Facteur 5

Le pentathlon comportait donc cinq épreuves, dont la course du stade et la lutte qui étaient aussi au programme en tant qu’épreuves individuelles. Ce qui n’était pas le cas des deux lancers du disque et du javelot, ni du saut en longueur disputés dans le seul cadre du pentathlon.

Quand lors des JO d’Athènes en 2004 on a voulu organiser une épreuve à Olympie même pour être encore plus proche des origines antiques, c’est le lancer du poids qui a été choisi : une bien mauvaise décision, puisque ce lancer n’a jamais figuré officiellement dans le programme antique !

Le saut en longueur devait être en réalité un quintuple saut sans élan – on sait que des sauts sans élan ont aussi figuré au programme des premiers JO modernes. La désignation du vainqueur au pentathlon devait répondre à des critères un peu compliqués, sauf en cas de domination écrasante d’un concurrent.

Une couronne d’olivier pour récompenser le vainqueur.
Jastrow/Wikimédia

Les seniors aussi

Il y a un seul point sur lequel les jeux antiques qui excluaient les femmes, les non-Grecs, les non-libres, montrent une plus grande ouverture que les JO actuels : c’est que les compétitions étaient organisées pour deux catégories d’âge, les andres (seniors) et les paides (juniors).

C’est lors du mois précédant les épreuves que les athlètes étaient répartis entre ces deux classes d’âge. En revanche, on ne se laissera pas trop abuser par l’« amateurisme » des athlètes grecs, car, si la récompense aux JO était bien une simple couronne d’olivier, les vainqueurs pouvaient obtenir de leur cité des avantages matériels importants, et il existait aussi, à côté des jeux panhelléniques sacrés, toute une série de concours sportifs qui étaient dotés de récompenses en argent.

Mais il est vrai que les sommes étaient sans commune mesure avec ce que nous connaissons aujourd’hui. Pour trouver un exemple antique de sport-business, c’est du côté de Rome qu’il faut se tourner.

The ConversationLes courses de chars du Circus Maximus de Rome, entre Palatin et Aventin, n’avaient rien à envier à notre football : même passion planétaire dans tout l’Empire romain, un édifice sportif accueillant 150 000 spectateurs, une organisation en quatre factions, quatre clubs que distinguait leur couleur (les Blancs, les Verts, les Rouges et les Bleus) et qui étaient dotés d’un personnel nombreux et de moyens financiers considérables. Enfin, des vedettes superstars, les cochers de quadriges qui gagnaient des sommes stupéfiantes, souvent jugées scandaleuses, et étaient souvent transférés d’un club à un autre…

Jean-Paul Thuillier, Directeur du département des sciences de l’Antiquité, École Normale Supérieure (ENS)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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