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JO 2016 : quels enjeux d’image et d’attractivité pour le Brésil ?

JO 2016 : quels enjeux d’image et d’attractivité pour le Brésil ?

Benoît Meyronin, Grenoble École de Management (GEM)

Le front de mer à Rio, après un petit lifting. Brian Godfrey/Flickr, CC BY
Le front de mer à Rio, après un petit lifting. Brian Godfrey/Flickr, CC BY

Le marketing territorial est l’art de rendre « belle et désirable ma ville », cette dernière pouvant être aussi bien mon quartier, ma région ou encore mon pays. Il recouvre tout à la fois des questions d’image et des questions d’attractivité, les unes n’allant pas sans les autres.

L’image d’un pays conditionne donc, en partie, son attractivité, selon que l’on considère des champs – ou des marchés – spécifiques, comme peuvent l’être le tourisme, le peuplement (généralement ciblé, c’est-à-dire centré sur le fait d’attirer des populations actives ou non à fort pouvoir d’achat) ou encore l’implantation d’entreprises.

Les défis du Brésil

Dans le cas du Brésil, pays hôte des prochaines Olympiades, on comprendra aisément que les enjeux marketing sont bien réels : ébranlé par une crise institutionnelle majeure (la destitution de la Présidente Dilma Rousseff), secoué en profondeur par l’affaissement d’une classe moyenne qui avait largement éclos dans le sillage de l’ère Lula, période dont le bilan est loin d’être aussi positif qu’on a pu le croire (comme le montre, par exemple, la question du logement social, examinée dans un article publié Le Monde), le Brésil fait face à des défis majeurs en matière d’image et d’attractivité.

Porté, dans les années 2000, par la flamboyance et le charisme du Président Lula (qui fut en fonction de 2003 à 2011), membre actif des BRIC (club qui l’associait ainsi à d’autres pays en forte croissance : Russie, Inde et Chine), le géant sud-américain s’est effondré depuis comme son homologue russe, laissant le goût amer d’une espérance en partie trompée dans ces pays-relais de la croissance mondiale.

Ajoutons, pour finir sur ce chapitre, la polémique qui avait entouré l’accueil de la Coupe du monde de football, il y a deux ans, pointant le montant des dépenses, jugées somptuaires par une partie de la population, qui l’ont accompagnée – soit un peu plus de 10 milliards d’euros –, et l’on aura tracé ici l’esquisse grossière d’un portrait moins flatteur qu’il a pu l’être.

En 2014, la défaite du pays hôte face à l’équipe d’Allemagne a sans doute constitué une charnière temporelle symbolique, le marqueur d’un déclin bien réel. De fait, la croissance du PIB, après avoir atteint le taux record de 7,5 % en 2010, est retombé à 2,7 % puis 0,9 % dans les deux années qui ont suivi, pour entrer enfin dans une période de décroissance depuis 2014. La neuvième économie mondiale souffre et elle a bien besoin d’un véhicule positif en matière d’image.

Le sport comme levier du marketing territorial

Dans le contexte d’un bilan pour le moins contrasté de la Coupe du monde de 2014, le Brésil va donc accueillir, en l’espace de quelques années, sa deuxième grande manifestation sportive. J’ai coutume de dire que le sport et la culture sont « les deux mamelles du marketing territorial », si l’on met de côté les deux « nerfs » qui les innervent et en constituent le fondement : les stratégies événementielles et les projets urbains – j’y reviendrai.

Grosse déception pour le Brésil lors de la Coupe du monde de 2014.
Kinolamp/Flickr, CC BY-SA

Car ne nous leurrons pas : les Olympiades ne sont ici qu’un prétexte, et il en a toujours été ainsi. Les grandes nations et les nations émergentes ont toujours clairement vécu ces grands rendez-vous comme autant d’opportunités pour renforcer (ou consacrer) leur rayonnement international, et bien sûr aussi comme de puissants catalyseurs de flux touristiques – et, partant, de revenus.

Les grands projets urbains, entre marqueurs identitaires et objets de polémiques

La rénovation ou la création d’enceintes sportives signées par des « starchitectes » sont devenues, au même titre que la transformation d’une friche industrielle (ou portuaire), les marqueurs de toute stratégie de marketing territorial digne de ce nom. On songe ici aux JO de Pékin 2008 et au fameux stade créé par Herzog & De Meuron, lauréats du prestigieux prix Pritzker en 2001. Le même duo suisse a signé la Tate Modern à Londres. On pourrait aussi mentionner la création, ex nihilo, d’un musée (l’emblématique Fondation Vuitton à Paris, œuvre de Franck Gehry),

Mais à chaque fois se joue la question du projet urbain qui l’accompagne et surtout celle de sa pertinence et de sa pérennité : les investissements réalisés, trop souvent sans réel lendemain, font toujours polémiques – trop chers, pas assez « re-distributifs », pas assez verts, etc.

Dans le cas présent, les organisateurs ont dit avoir renoncé à l’ajout d’un deuxième étage et d’autres infrastructures dans le stade Maracana (investissements destinés, notamment, à la cérémonie d’ouverture). Plus globalement, les parties prenantes ont annoncé que les Jeux olympiques de Rio visaient une économie de l’ordre de 10 % à 30 % sur certains postes de dépense pour être en cohérence avec la crise qui frappe le pays.

Comment se différencier si tout le monde use (et abuse) des mêmes « recettes » ?

Pour les spécialistes du champ, une question cruciale émerge alors : puisque tous les pays, toutes les régions et toutes les villes usent des mêmes « ficelles », comment créer in fine une réelle différenciation, si tant est que cet enjeu soit bien au final LE vrai sujet du marketing territorial (et il l’est) ?

En effet, il me semble que le Brésil aurait eu beaucoup à gagner s’il s’était engagé sur des voies originales dans sa stratégie marketing : au-delà de son caractère festif par essence – et l’image d’une nation festive, carnaval oblige, est fortement ancrée –, les Olympiades pourraient faire la démonstration que le pays inaugure une ère nouvelle dans l’organisation de ces grandes manifestations.

Riche d’un patrimoine exceptionnel et de son multiculturalisme, le Brésil des JO de Rio pourrait, dès lors, présenter une formidable vitrine pour faire découvrir aux visiteurs d’autres facettes de cette richesse – qui ne se limite pas à Rio et à ses plages. Des landmarks reconnues mondialement, telles que la bossa nova ou les œuvres d’Oscar Niemeyer, feraient l’objet d’expositions en plein air, disséminées dans la ville, pour contribuer à sortir le pays d’une image réductrice : « foot + carnaval + carioca ».

Ordem e Progresso (Ordre et progrès), la devise optimiste du Brésil.
The Department for Culture, Media and Sport Suivre/Flickr, CC BY

Au final, si le Brésil accuse un indéniable effet de reflux, il n’en demeure pas moins l’un des pays qui, sur la planète, suscite l’une des images les plus séduisantes : portée autant par des personnalités culturelles (citons les chanteurs et musiciens Caetano Veloso et Gilberto Gil) que par ses stars du sport (son équipe de football, le tennisman Gustavo Kuerten, le regretté champion de Formule 1 Ayrton Senna, etc.), ancrée dans des cités étonnantes (Rio bien sûr, mais aussi Brasilia), l’image du pays n’en finit pas de séduire en dépit de son revers – favelas immenses et violences urbaines.

Au-delà d’un message d’optimisme et de dynamisme adressé au monde entier, les JO de Rio devraient ainsi être une opportunité tout à la fois pour renouveler cette image, tout en lui conférant d’autres dimensions que la seule fête. Ces Olympiades peuvent constituer un levier de développement pour toute la population de Rio, avec des engagements forts en matière d’insertion et de partage des bénéfices de l’événement, notamment en matière d’équipements collectifs – qu’il s’agisse de stades, de moyens de transport et plus globalement d’aménagements urbains. Comme l’y invite d’ailleurs la devise nationale du Brésil, visible sur son drapeau : Ordem e Progresso (« ordre et progrès »).

The Conversation

Benoît Meyronin, Professeur titulaire de la Chaire BNP Paribas Cardif « Ingénierie & culture de service », Grenoble École de Management (GEM)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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