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Grégory : le complot familial confirmé

Les époux Marcel et Jacqueline Jacob, oncle et tante de Jean-Marie Villemin, ont été mis en examen pour « enlèvement de mineur et séquestration suivie de mort » et placés en détention provisoire. D’autres interpellations pourraient suivre.

Conférence de presse du P.G. de Dijon le 16 juin 2017
Conférence de presse du P.G. de Dijon le 16 juin 2017 Capture BFMTV)

Le procureur général de Dijon, Jean-Jacques Bosc entouré du général de gendarmerie Olivier Kim et du colonel Dominique Lambert, a confirmé cet après-midi au cours d’une conférence de presse, l’implication des deux suspects dans le processus ayant conduit à la mort du petit Grégory Villemin, 4 ans, le 16 octobre 1984 à Docelles, dans les Vosges. Ils ont concouru « à la réalisation d’un acte collectif » a précisé le procureur général. « Ils ont nié les faits qui leur sont reprochés. »
Au terme de 48 heures de garde à vue, les époux Jacob, 71 et 72 ans, ont été mis en examen pour enlèvement et séquestration de l’enfant suivi de mort. Autrement dit, ils sont suspectés d’avoir participé, avec d’autres, à l’assassinat de Grégory.

Un lien indissociable

Le petit Grégory Villemin (capture CreepyNews)
Le petit Grégory Villemin (capture CreepyNews)

Le P.G. a expliqué que « le dossier révèle l’existence d’un lien indissociable entre les trois lettres anonymes de 1983, la lettre de revendication du crime du 16 octobre 1984 et l’enlèvement de l’enfant. »
L’une de ces trois lettres au moins implique Jacqueline Thuriot, épouse Jacob. Cette femme discrète n’a que rarement été interrogée par les enquêteurs. Pourtant, deux expertises graphologiques de 1989 l’avaient désignée comme pouvant être l’un des corbeaux. Son emploi du temps du 16 octobre était resté assez flou.
Aujourd’hui, elle apparaît comme pouvant être l’un des liens qui relient les éléments compliqués de cette affaire.

« Ce même lien se retrouve entre les écrits et les appels anonymes passés par les corbeaux », a souligné le magistrat, en précisant qu’il y avait au moins deux corbeaux, un homme et une femme qui ne sont pas forcément les époux Jacob.
Il y a « la similitude des termes » et notamment ce terme de « chef » qui revient sans cesse.

Affaire Grégory. (Capture Non Elucidé)
Affaire Grégory. (Capture Non Elucidé)

« Marcel Jacob dissimule contre l’évidence ses antagonismes parfois violents avec les parents de Grégory, rappelle Jean-Jacques Bosc en évoquant cette dispute de 1982 au cours de laquelle Marcel Jacob avait lancé à son neveu, Jean-Marie Villemin : « Je ne serre pas la main à un chef… »
Si Marcel Jacob était en très mauvais termes avec Jean-Marie Villemin, il était en revanche proche de Bernard Laroche, un autre neveu. Ils avaient sensiblement le même âge, avaient été élevés ensemble et cultivaient une ressemblance physique assez étonnante : moustache et longs favoris.
Marcel Jacob n’avait jamais été inquiété par la justice. Il nie les faits qui lui sont reprochés.

« On ne sait pas encore »

Le procureur général de Dijon a encore affirmé qu’il y avait des éléments dans le dossier qu’il ne pouvait pas révéler pour ne pas compromettre l’enquête en cours.
Mais « d’autres auditions vont avoir lieu » dit-il sans autre précision.
Le colonel Lambert a ajouté : « On ne sait pas encore comment tout s’est articulé dans cette affaire. Il faut rester humble ». Le dossier est épais de 12.000 pages, 4 volumes. Je ne peux pas promettre que nous allons déboucher, dit-il, mais nous avons fait un grand pas dans la recherche de la vérité.
Affaire à suivre donc.

Marcel GAY

Vol de corbeaux au-dessus de la Vologne

L’affaire du petit Grégory Villemin a commencé bien avant le 16 octobre 1984. Les corbeaux ont passé plus de 800 appels malveillants entre 1981 et 1984 et de nombreux courriers anonymes.

Lettre d corbeau de la Vologne (EuroNews)
Lettre d corbeau de la Vologne (EuroNews)

Les corbeaux de la Vologne sont-ils enfin démasqués ? Près de 33 ans après l’assassinat du petit Grégory Villemin, 4 ans, retrouvé pieds et poings liés dans les eaux de la Vologne à Docelles (88), la justice semble avoir identifié les corbeaux présumés de cette sordide affaire.
Deux ans avant le crime, un ou plusieurs corbeaux ont semé la haine au sein de la famille Villemin. Plus de 800 appels anonymes ont été passés aux grands-parents de Grégory, Monique et Albert Villemin. Mais aussi à Ginette, la belle-sœur de Jean-Marie, le papa de l’enfant assassiné. Et à Jean-Marie lui-même, comme on peut l’entendra sur cet enregistrement du 23 mars 1983.

Le corbeau parle et écrit

Le corbeau faisait peur à tout le monde car il semblait tout savoir sur la vie ordinaire de ses victimes. Jusqu’aux déplacements les plus anodins des uns et des autres.
Mais la cible, c’est « le chef ». C’est-à-dire Jean-Marie Villemin. Dans l’un des courriers, le corbeau écrit : « Vous devez le considérer lui aussi comme un bâtard… A vous de choisir : la vie ou la mort. »
Le corbeau parle beaucoup au téléphone et écrit également beaucoup. Il menace de sa voix rauque, de son écriture volontairement modifiée. Jusqu’en ce funeste 16 octobre 1984 où il enverra une derrière lettre, postée avant la levée de 17 h 15 de la poste de Lépanges. Le corbeau revendique le meurtre en ces termes : « J’espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner son fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. »

Laroche accusé

Portrait robot du suspect
Portrait robot du suspect

On connaît les différents rebondissements de cette histoire sordide. Le 18 octobre 1984, le juge Lambert ordonne une dictée à plus de 130 membres de la famille Villemin et à des proches. Mais la graphologie ne permet pas de mettre un nom sur le ou les corbeaux.

Puis, il y a la mise en cause de Bernard Laroche dénoncé par sa belle-sœur, Murielle Bolle, alors âgée de 15 ans. Elle déclare aux gendarmes que Laroche est venue la chercher au collège, le jour du meurtre. Ils se sont rendus à Lépanges pour récupérer un petit garçon, puis à Docelles, où le corps de l’enfant a été retrouvé. Laroche serait parti avec l’enfant et serait revenu seul.
Sur la foi de ce témoignage, Bernard Laroche sera arrêté et jeté en prison le 5 novembre 1984. Sept experts en graphologie vont analyser son écriture. Leurs conclusions sont sans appel : Laroche n’est pas l’auteur de la lettre de revendication du meurtre.
Murielle Bolle va ensuite se rétracter.
Bernard Laroche sera libérée le 4 février 1985. Pourtant, Jean-Marie Villemin ne croit pas à l’innocence de Bernard Laroche. Il décide de faire justice lui-même. Le 29 mars 1985 il abat Laroche d’un coup de fusil.

Christine accusée

C’est ensuite au tour de Christine Villemin, la maman du petit Grégory, d’être suspectée. Elle aurait été vue à la poste de Lépanges au moment où le corbeau envoyait sa dernière lettre.
Elle sera incarcérée à son tour le 5 juillet 1985 avant d’être définitivement mise hors de cause en 1993.
L’enquête s’enlise. Le dossier est rouvert le 9 juillet 2008 à la demande des époux Villemin pour que la justice fasse des recherches sur l’ADN. Mais les analyses ne donnent rien de probant.
Il faudra attendre le 13 juin 2017 pour que l’affaire Grégory connaisse un ultime coup de théâtre. Au cours d’une conférence de presse, le procureur général de Dijon déclare que Jacqueline Jacob, la grand-tante de Grégory et Monique Villemint, la grand-mère, seraient les auteurs de plusieurs lettres anonymes.
Un vrai nid de corbeaux sur les bords de la Vologne.

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