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L’ouverture des magasins le dimanche dans l’UE crée-t-elle de l’emploi ?

Alkiviadis Athanasiadis, Université de Lorraine

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De plus en plus de magasins ouvrent le dimanche (Wikimedia)

L’ouverture des magasins le dimanche est un sujet sensible qui suscite de forts débats. Traditionnellement, le dimanche était un jour, un peu partout dans l’Europe chrétienne, de repos obligatoire. Or, la crise financière et les taux de chômage importants ont conduit à mettre l’accent sur les réformes en matière de flexibilité du travail.

Dans l’Union européenne les Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE) ont fourni le cadre décisionnel au dossier du travail le dimanche. Le débat divise la société en plusieurs catégories aux intérêts divergents : les grandes surfaces qui sont pour l’ouverture 7j/7, les petits commerces qui veulent sauvegarder le repos du dimanche craignant la concurrence des grandes surfaces… et les consommateurs tiraillés entre leur sensibilité envers les petits commerces et leurs propres besoins.

Un paysage européen très varié

Observant la carte du régime européen sur le sujet, notons tout d’abord qu’en Italie, il n’existe aucune restriction d’ouverture des magasins le dimanche (mis en place depuis le 1er janvier 2012 par le Décret « Sauver l’Italie » approuvé par la Loi n. 214 du 22 décembre 2011). Même chose en Suède, en Croatie, en République tchèque, en Estonie, en Lituanie, en Pologne, en Roumanie, en Slovénie, en Slovaquie et en Finlande.

En Grande Bretagne et au Pays de Galles, les petits commerces ouvrent en toute liberté et les grandes surfaces sont limitées à 6h d’ouverture en continu.Au Portugal et en Espagne, c’est le Maire qui décide, alors qu’en Espagne cette décision se limite, au niveau national, à huit dimanche par an. En Hollande, l’ouverture est limitée à 12 dimanches par an, au Danemark à 30 et au Luxembourg tous les dimanches jusqu’à 13h.

Pour ce qui est de la France, la Loi Macron semble avoir trouvé un bon équilibre entre liberté du commerce, repos hebdomadaire et valorisation touristique. Reste à voir si cette libéralisation suffira ou il faudra aller plus loin étant donné les effets néfastes, non encore mesurés, qu’ont provoqués les attaques terroristes.

Le cas de la Grèce avant et depuis la crise

En Grèce, l’ouverture des magasins le dimanche était interdite depuis 1910. En 1971 sous le régime des colonels, seule était autorisée l’ouverture des magasins un dimanche par an entre le 18 et 24 décembre.

En 1994, le ministre de l’Économie de l’époque Stefanos Manos sous le gouvernement de droite de K. Mitsotakis a réussi à faire passer la loi 2224/1994 relative à la libéralisation complète d’ouverture des magasins sur tout le territoire national. Cette initiative a provoqué des manifestations et des grèves des syndicats de travailleurs. Ils parviendront cependant en 1997 à conclure le premier accord de branche interdisant l’ouverture des magasins le dimanche… sauf pour ceux qui sont caractérisés comme touristiques.

Presque une décennie plus tard, la loi 3377/2005 relative à l’extension des horaires d’ouverture aux samedis après midi (jusqu’à 20h00) a eu pour effet de soulever une nouvelle vague de mécontentement. Pourtant, les effets de la reforme semblent positifs ; l’augmentation du chiffre d’affaires du commerce en détail n’a jamais été contestée. L’indice général du commerce en détail (excepté des carburants et produits similaires) après la loi a présenté une hausse de 13,45 % sur 12 mois, alors que les 12 mois avant la reforme, année de jeux olympiques, avait présenté une hausse de 7,22 %.

C’est ce régime qui subsistait jusqu’au moment où la mesure d’ouverture a fait partie des conditions du deuxième Mémorandum d’accord signé en septembre 2012.

La loi 4177/2013 a permis l’ouverture tous les dimanches de l’année des magasins qui ont une surface inférieure à 250 m2. La compétence de décision est transférée aux Préfets. Pour les autres, l’ouverture est limitée à sept dimanches par an. En 2014, une décision ministérielle 1119/7.7.2014 d’application expérimentale ouvre la possibilité d’ouverture à tous les magasins, sur dix régions touristiques, tous les dimanches de l’année.

Cette décision a été suspendue par la décision d’Assemblée 1119/7.7.2014 du Conseil d’État grec suite au recours en suspension formé par la Confédération nationale du commerce, la Confédération nationale des professionnels commerçants, la Fédération des salariés grecs, l’Association des commerçants de Thessalonique et autres.

Les principaux arguments des requérants étaient que la possibilité donnée par la décision ministérielle supprime en substance le repos hebdomadaire nécessaire pour profiter de leur famille (article 21 de la Constitution grecque), se divertir, prendre des loisirs (article 5 §1 de la Constitution grecque) et exercer leurs devoirs religieux (article 13 de la Constitution grecque).

Des impacts contrastés sur les PME et l’emploi dans l’UE

Pour renforcer leurs arguments, ils ont présenté une enquête de janvier 2013 de l’Institut d’études de la Confédération générale des professionnels, artisans et marchands laquelle fait état du 6e rapport de l’Observatoire européen pour les petites et moyennes entreprises (19 pays font l’objet de l’étude). Selon ce dernier, l’impact sur l’emploi du temps étendu est négatif, les coûts du travail augmentent plus que le chiffre d’affaires (en particulier le dimanche) :

« La libération des heures des commerces de détail semble accélérer la réduction de la part de marché des PME en réduisant leur rentabilité ».

Les petits magasins suppriment des emplois (le coût est plus élevé que le bénéfice, ce qui oblige les petits commerçants et leurs familles à travailler beaucoup plus), tandis que les grands magasins (surtout alimentaires) créent de nouveaux postes mais seulement à temps partiel. En raison de la concurrence et la baisse des bénéfices, les petits commerces disparaissent de la carte commerciale ou sont achetés par des grandes chaînes (franchisés).

En outre, l’analyse des données sur l’emploi dans certains pays, a révélé par exemple qu’en Autriche, l’emploi total n’a pas été affecté alors qu’aux Pays-Bas, l’emploi en temps plein dans tous les magasins de vente au détail a été réduit.

En Allemagne, les résultats des études SFS (Institut de recherche sociale) et l’Ifo (Institut de recherche économique), ont été négatifs (réduction de l’emploi total de 5,8 %) par rapport à l’influence qu’a eue l’extension des heures d’ouverture sur le chiffre d’affaires et l’emploi.

À Londres, selon le dernier bulletin de la BRC-KPMG la baisse de ventes constatée a déclenché une nouvelle fois la critique sur l’ouverture des magasins le dimanche, puisque selon l’Association of Convenience Stores, les petits magasins souffrent par la réduction des leurs ventes et le transfert de leurs bénéfices aux grandes surfaces. Sur cette problématique, l’ouverture des magasins le dimanche n’a eu aucun résultat positif.

Enfin, selon une étude réalisée par l’Université de Madrid dans les zones où les magasins restent ouverts les jours fériés, le coût a augmenté de 15 % et les ventes de seulement 0,5 %, ce qui exerce une influence sur les prix.

Il reste pour l’Assemblée du Conseil d’État grec à trancher cette question sur le fond en trouvant l’équilibre entre repos et liberté du commerce. Quant à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont le plus souvent les GOPE suivent ses rapports, elle prévoit pour la Grèce, que l’ouverture des magasins les dimanches sans aucune restriction est susceptible de créer en Grèce 30 000 nouveaux emplois.

Dans un pays où 20 % du PIB provient du tourisme, l’ouverture des magasins le Dimanche élargit la possibilité de consommation pour les touristes et peut avoir un effet domino sur la baisse du chômage.

The Conversation

Alkiviadis Athanasiadis, Doctorant Droit de l’Union Européenne, , Université de Lorraine

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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