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Pourquoi les Pygmées sont-ils petits

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Une construction des pygmées Baka.
Aso bolo/Wikimedia, CC BY-SA

Alain Froment, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Fernando Ramirez Rozzi, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Nous vous proposons cet article en partenariat avec l’émission de vulgarisation scientifique quotidienne « La Tête au carré », présentée et produite par Mathieu Vidard sur France Inter. L’auteur de ce texte, Alain Froment, évoquera ses recherches dans l’émission du 30 juin 2017 en compagnie de Sonia Zannad, éditrice culture pour The Conversation France.


L’anthropologie biologique est la science qui se préoccupe de l’origine et de l’évolution de notre espèce, Homo sapiens. Celle-ci se caractérise par une grande diversité, et les variations de la taille s’affichent comme une des différences les plus spectaculaires. On rencontre ainsi en Afrique sèche des peuples de très haute stature, et dans la forêt équatoriale, des populations réunies sous le nom de Pygmées, dont la taille varie chez les hommes de 1m48 à 1m58 selon les groupes : soit la plus petite taille de toute l’humanité.

Nos études l’ont bien montré : ni la malnutrition, ni le poids des maladies infectieuses et parasitaires ne sont responsables de ces mensurations. Alors pourquoi les Pygmées sont-ils petits ? Probablement du fait de processus génétiques et endocrinologiques sous-jacents mal connus dont la compréhension permettrait de contribuer à expliquer comment, d’un point de vue biologique, l’humain s’adapte à son environnement.

Pour entreprendre de répondre et mener l’enquête auprès de ces populations, il faudrait être à même de donner à chacune des personnes étudiées un âge déterminé. C’est en général impossible, faute d’état-civil dans ces régions délaissées. Mais au village de Moangué-Le Bosquet, dans la région de Lomié, dans l’est du Cameroun, un dispensaire missionnaire enregistre depuis des années la date de naissance des enfants Baka. Aussi, depuis 2007, une équipe conjointe IRD-CNRS-Inserm a-t-elle entrepris un suivi longitudinal de croissance d’une cohorte, notamment à travers un projet de recherche désigné sous le sigle GrowinAP (Growth in African Pygmies).

Environ 550 personnes de moins de 25 ans sont donc suivies depuis une dizaine d’années. Sont notés, lors de rendez-vous réguliers, leur taille, poids, proportions corporelles, le calendrier d’éruption dentaire et autres paramètres comme l’âge des premières règles, l’âge à la première grossesse ou les intervalles entre les naissances.

Deux premières années cruciales

Qu’a-t-on ainsi constaté ? Tout d’abord, que les enfants Baka naissent avec un poids et une taille conformes aux standards internationaux. Ensuite, qu’entre la naissance et l’âge de 2 ans, le rythme de croissance se réduit considérablement, ce qui induit un décalage marqué par rapport aux courbes de référence. À partir de 3 ans, la croissance reprend à un rythme comparable à celui qui est observé dans d’autres populations. Mais l’écart acquis précocement est conservé, de sorte qu’à tous les stades, les valeurs de taille et de poids des Pygmées restent basses.

Tailles en centimètres des garçons et filles Baka par rapport à des tailles de références.
Alain Froment (Nature Communications)

Une fois terminée la poussée de croissance de l’adolescence, la taille adulte est atteinte vers 18 ans chez les femmes (taille moyenne = 146,7 cm ± 4,7) et vers 20 ans chez les hommes (taille moyenne = 153,5 cm ± 6,2). La maturité sexuelle, quant à elle, n’est nullement précoce, n’en déplaise à certaines théories : les règles apparaissent vers 14 ans et demi (moins de 12 ans en Europe), et la première grossesse ne survient jamais avant 16 ans. Toutes ces données ont fait l’objet d’une modélisation visant à mettre au point une nouvelle courbe de croissance, qui pourrait être utile pour déterminer l’âge d’enfants sans état-civil, ou repérer des troubles de la croissance et du développement.

The ConversationPour conclure, on notera qu’une autre enquête longitudinale menée chez des enfants pygmées de moins de 5 ans habitant à l’est de la République du Congo (Efé et Sua de l’Ituri) a obtenu des résultats tout autres. Chez eux, contrairement aux Baka, le poids et la taille se sont révélés réduits dès la naissance. Il semble donc que deux processus de croissance différents aient été retenus par la sélection naturelle à l’est et à l’ouest de la forêt équatoriale d’Afrique centrale, pour des groupes de Pygmées africains séparés depuis environ 20 000 ans. Mais ces deux processus aboutissent au même résultat : une toute petite taille à l’âge adulte. Et ce phénomène qui porte le nom de convergence évolutive nous montre bien que la petite taille représente un avantage biologique pour l’adaptation à la vie en forêt.

Alain Froment, Directeur de recherches IRD et Professeur d’anthropologie biologique Musée de l’homme, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Fernando Ramirez Rozzi, Chercheur, spécialiste de la croissance chez l’homme moderne, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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