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Comment annoncer au monde que vous avez découvert une civilisation extraterrestre

Duncan Forgan, University of St Andrews

USA.NM.VeryLargeArray
USA.NM.VeryLargeArray (Wikipedia.org)

Après tant de scénarios de fiction à propos d’humains entrant en contact avec des civilisations extraterrestres, vous pourriez vous croire préparés à en découvrir une. Mais trouver une vie intelligente par-delà la Terre constituera clairement l’un des moments les plus saisissants dans l’histoire de l’humanité.

Alors, si vous venez juste de découvrir une civilisation d’« aliens », quelle est la meilleure façon d’annoncer la nouvelle ? Il s’agit là d’une énorme tâche et j’ai été impliqué dans la recherche de codes de conduite destinés aux scientifiques qui cherchent la vie extraterrestre. Cette recherche va être publiée dans le journal Acta Astronautica.

Avec les millions de dollars investis actuellement dans des initiatives comme « La recherche d’une intelligence extraterrestre » (SETI), d’aucuns sont persuadés qu’il s’agit seulement d’une question de temps avant la découverte d’une vie intelligente. Pour ma part, je n’en suis pas persuadé, mais le pessimisme ne suffit pas pour abandonner une quête. La méthode scientifique nous amène à tester nos hypothèses en observant et expérimentant, indépendamment de nos préjugés de départ.

Si jamais nous trouvions des traces de vie intelligente, je ne m’attends pas à ce qu’elles proviennent d’un message d’une civilisation extraterrestre ou d’un débarquement d’aliens. Il s’agira probablement de quelque chose d’un peu plus prosaïque, comme des traces de pollution artificielle dans l’atmosphère d’une exoplanète. Elles pourraient même prendre la forme d’énormes structures construites dans l’espace pour collecter l’énergie et procurer des habitats.

Dans un travail datant de quelques années, j’ai montré que nous pourrions voir de telles mégastructures dans des données collectées au moment du transit d’une exoplanète, comme celles recueillies par le télescope spatial Kepler. À vrai dire, Kepler a vu des objets étranges comme l’étoile de Tabby, KIC 8426582, avec des caractéristiques semblables à celles qui proviendraient de structures artificielles. Mais comme la plupart des astronomes, je reste sceptique : un essaim de comètes entourant l’étoile de Tabby et produisant d’incroyables changements de luminosité reste l’hypothèse la plus raisonnable. Toutefois, l’élément vraiment encourageant, c’est la démonstration que SETI peut se faire « à l’économie », en se servant de données astronomiques disponibles dans la recherche des extraterrestres. Pour quelqu’un de pessimiste comme moi, cela semble une stratégie bien plus appropriée.

Mégastructure extraterrestre ou simples comètes ?
NASA

Le monde a changé depuis les débuts de SETI il y a soixante ans : c’est ce que montre le flot d’informations publiées sur Internet à propos de l’étoile de Tabby – blogs, tweets, articles – ainsi que la campagne Kickstarter pour encourager le public à soutenir de futures observations.

Un monde superconnecté

Si la preuve d’une vie extraterrestre émanant des étoiles parvenait jusqu’à nous, quelle serait alors la conduite à tenir pour les découvreurs ? C’est un sujet sur lequel les astrobiologistes ont réfléchi depuis des dizaines d’années. En 1989, un comité de scientifiques du SETI a même dressé une liste de protocoles post-détection pour guider les savants dans les étapes suivant la découverte. Ce processus comprend la vérification des faits par des collègues, la notification aux « autorités compétentes nationales » (qui est concerné précisément ne me paraît pas très clair) suivie par celle de la communauté scientifique, puis celle du grand public par le biais d’un communiqué de presse.

Cependant, ce genre de directives a été rédigé avant l’avènement de l’Internet. À l’époque, nous obtenions les informations par les journaux ou via les écrans de télévision. Même les informations en continu, 24 heures sur 24, étaient balbutiantes. Aujourd’hui, le monde de l’information, c’est une sphère éclatée d’articles qui arrivent sur nos écrans nomades et alimentent nos fils via une variété de réseaux sociaux que nous partageons avec nos amis et notre famille. Les données circulent avec une rapidité extrême, aisément amplifiées ou déformées.

C’est pourquoi mon collègue Alexandre Scholz et moi-même avons décidé d’examiner le problème autrement. Nous nous sommes demandés comment les protocoles du SETI concernant la détection d’une vie extraterrestre pourraient changer pour tenir compte de notre monde superconnecté. Nous l’avons vite réalisé : C’est avant de débuter leur expérimentation que les scientifiques ont besoin d’une ligne de conduite, et plus encore lors de la phase de découverte.

Il est courant, aujourd’hui, pour des nouveaux projets scientifiques de mettre en place un blog commentant les travaux, et cela sera essentiel pour SETI. Le blog devrait comporter une description claire de ce que sera le projet en question, et ce que seront les critères d’une détection réussie d’une vie extraterrestre, ou les faux positifs, ou encore l’absence de détection. Cela aiderait les journalistes comme le grand public à éviter d’interpréter les résultats de façon fallacieuse.

Les personnes concernées ont grand besoin de communiquer sur leurs travaux de façon crédible, ce qui rend très utile un bon affichage sur le Net dès le début des travaux. Nous faisons aussi la recommandation suivante : il est préférable d’actualiser les processus de sécurité afin de se protéger d’individus malfaisants qui diffusent leurs « informations personnelles », ce qui constitue malheureusement, à notre époque, un risque réel.

Contre les théories du complot

Si une équipe a la chance de réaliser ne serait-ce qu’une détection extraterrestre, même non confirmée, elle doit s’assurer de n’avoir rien à cacher. Des fuites sont inéluctables et d’une rapidité alarmante. Personne ne veut d’une histoire de « découverte d’aliens » qui finalement se révélerait fausse. La publication immédiate des données est la meilleure façon de procéder. S’il est tout à fait clair que cette découverte n’est pas confirmée et que des causes naturelles ou venant des hommes ne peuvent être exclues, alors on n’offrira aucune chance à des conspirationnistes de crier à la collusion entre scientifiques et des « hommes en noir »(une accusation qui m’a été lancée plus d’une fois). Cela donne aussi l’occasion à d’autres scientifiques d’examiner de près les travaux et de vérifier la détection.

Bien sûr, nous avons tous vu certains commentaires sur YouTube et d’autres sites. Il y a des débiles partout, et apparemment rien n’empêche une solide discussion scientifique d’être déformée en diatribes inexplicables et en abominables discours de haine. Cependant, le conseil le plus important à l’usage des scientifiques est de rester impliqués dans les échanges collectifs.

Si une détection rendue publique se révélait fausse, l’équipe devrait immédiatement faire une déclaration officielle précisant qu’aucun alien n’a été découvert et pourquoi. Elle devrait même publier, si besoin est, un article de rétractation.

Mais quiconque découvrant une forme de vie extraterrestre doit se préparer à y sacrifier le reste de son existence, il n’y aura plus guère de place pour autre chose. La nouvelle tâche de ces savants sera d’aider l’humanité à assumer sa nouvelle identité : être seulement l’une des multiples civilisations intelligentes de l’Univers.

The Conversation

Duncan Forgan, Research Fellow, University of St Andrews

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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